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28/02/2017 | FRANCE | N°15DA00849

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 février 2017, 15DA00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Petroval a demandé au tribunal administratif de Rouen de lui accorder la restitution d'un crédit d'impôt d'un montant de 56 980 euros.

Par un jugement n°1300186 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2015, la SA Petroval, représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) à titre p

rincipal, de lui accorder la restitution du crédit d'impôt en litige ;

3°) à tire subsidiaire, de prononc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Petroval a demandé au tribunal administratif de Rouen de lui accorder la restitution d'un crédit d'impôt d'un montant de 56 980 euros.

Par un jugement n°1300186 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2015, la SA Petroval, représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) à titre principal, de lui accorder la restitution du crédit d'impôt en litige ;

3°) à tire subsidiaire, de prononcer l'imputation de ce crédit sur ses bénéfices ultérieurs ;

4°) à titre plus subsidiaire, d'accepter la déduction de la même somme au titre des charges déductibles de l'exercice clos en 2011 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation car il ne se prononce pas sur la possibilité, au regard de la loi fiscale nationale, de lui accorder la restitution du crédit d'impôt qu'elle réclame en application de la convention fiscale bilatérale entre la France et les Etats-Unis ;

- la possibilité, prévue par l'article 24 de la convention fiscale bilatérale entre la France et les Etats-Unis, de bénéficier en France d'un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt acquitté aux Etats-Unis implique nécessairement celle d'obtenir la restitution de ce crédit d'impôt lorsque le montant de l'impôt dû en France est insuffisant pour permettre l'imputation intégrale du crédit d'impôt ;

- seule l'imputation de ce crédit d'impôt sur les exercices ultérieurs permet l'élimination d'une double imposition différée jusqu'à l'exercice au cours duquel le résultat de l'entreprise redevient bénéficiaire, qui serait contraire aux principes de non-aggravation et de non-discrimination ;

- elle est en droit de prétendre, sur le fondement des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, à la déduction de son résultat imposable, en tant que charge, de l'impôt acquitté aux Etats-Unis par Petroval Lp, à concurrence de sa participation dans cette société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA Petroval ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-américaine du 31 août 1994 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant la SA Petroval est, en tant que " limited partner ", associée à hauteur de 99 % de la société américaine Petroval Lp, qui exerce sur le territoire des Etats-Unis, sous la forme d'un " limited partnership ", la même activité commerciale dans le secteur pétrolier ; que la SA Petroval réintègre dans ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés la part qui lui revient des bénéfices réalisés par Petroval Lp ; qu'au titre de l'année 2011, elle a demandé la restitution de la somme de 56 980 euros, correspondant, selon elle, au solde du crédit d'impôt qu'elle n'avait pu imputer, en application des stipulations de l'article 24 de la convention fiscale bilatérale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique le 31 août 1994 en vue d'éviter les doubles impositions, sur la cotisation d'impôt sur le revenu dont elle était redevable et dont le montant était insuffisant ; qu'elle relève appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la restitution de ce crédit d'impôt ou, subsidiairement, à l'imputation de ce reliquat de crédit d'impôt sur ses bénéfices ultérieurs ; qu'elle demande, en outre, à la cour, à titre plus subsidiaire, " d'accepter la déduction de cette somme au titre des charges déductibles de l'exercice clos en 2011 " ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; que, par suite, en se plaçant, pour rejeter la demande de restitution de crédit d'impôt présentée par la SA Petroval, sur le fondement exclusif de la convention fiscale bilatérale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique, sans se prononcer sur la possibilité d'y faire droit sur le fondement de la loi fiscale nationale, le tribunal administratif de Rouen a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; que, dès lors, ce jugement doit être annulé en tant qu'il rejette cette demande ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur la demande de la SA Petroval tendant à la restitution d'un crédit d'impôt d'un montant de 56 980 euros et, par la voie de l'effet dévolutif, sur ses autres demandes ;

Sur la demande de restitution du crédit d'impôt :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte (...) des bénéfices (...) dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...). " ; qu'aux termes de l'article 24 de la convention fiscale du 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis : " 1. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante. / a) Les revenus qui proviennent des Etats-Unis, et qui sont imposables ou ne sont imposables qu'aux Etats-Unis conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt américain n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : / i) pour les revenus non mentionnés aux ii et iii, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ; (...) " ;

5. Considérant que les stipulations de l'article 24 de la convention fiscale bilatérale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique, relatif à l'élimination des doubles impositions, prévoient que, lorsqu'un résident de France perçoit des revenus en provenance de ces Etats revêtant notamment un caractère industriel et commercial, et que ces revenus y ont supporté l'impôt, ils sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français ; que ces stipulations prévoient que le bénéficiaire de ces revenus a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, égal au montant de l'impôt payé ou supporté dans l'Etat d'origine, qui ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ;

6. Considérant qu'il ne résulte pas de ces stipulations, ni d'aucune disposition ou d'aucun principe de droit national, que le crédit d'impôt n'ayant pu faire l'objet d'une imputation soit restitué par la France au résident bénéficiaire de ces revenus ; qu'il s'ensuit que, la SA Petroval, qui, en application de la convention fiscale entre la France et les Etats-Unis et comme le prévoient les dispositions de l'article 109 du code général des impôts, a été imposée dans cet Etat à raison de la part lui revenant des bénéfices réalisés par Petroval Ltd, n'est pas fondée à demander la restitution de la fraction du crédit d'impôt qu'elle n'a pu imputer sur sa cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011 ;

Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'imputation du crédit d'impôt sur les bénéfices des exercices ultérieurs :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 190 du même livre : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 200-2 de ce livre : " (...) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration (...) " ;

8. Considérant que la demande présentée par la SA Petroval devant le tribunal administratif de Rouen, à titre subsidiaire, tendant à l'imputation du crédit d'impôt résultant, au titre de l'année 2011, de l'application des stipulations de l'article 24 de la convention fiscale bilatérale entre la France et les Etats sur le bénéfice des exercices ultérieurs, doit être regardée comme tendant à la réduction, en bases, des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre d'années postérieures à l'année 2011 ou, le cas échéant, à la prise en compte d'un résultat déficitaire pour les exercices dont la clôture est postérieure à l'exercice clos en 2011, et n'a, en tout état de cause, pas été visée dans sa réclamation préalable ; que cette demande est, par suite, irrecevable ainsi que le soutenait l'administration fiscale devant le tribunal administratif de Rouen ; que la SA Petroval n'est, dès lors, pas fondée à se plaindre de ce que ce tribunal a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'inscription en charge du montant de l'impôt acquitté aux Etats-Unis :

9. Considérant qu'en vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice ; que, lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale réalise, dans un Etat étranger, des opérations dont le résultat entre dans ses bénéfices imposables en France, ce résultat doit, conformément à ces dispositions, être déterminé sous déduction de toutes charges ayant grevé la réalisation de ces opérations et que doivent, en principe, être regardées comme telles les impositions que l'entreprise a supportées, du fait de ces opérations, dans cet Etat ;

10. Considérant, toutefois, que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre Etat du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat, d'un bénéfice imposable en France ; qu'il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances ;

11. Considérant que tel est le cas de l'article 24 de la convention fiscale bilatérale entre la France et les Etats-Unis, dont les stipulations, citées au point 2, font obstacle à ce que la SA Petroval déduise de son revenu imposable le montant de l'impôt acquitté aux Etats-Unis, alors même que les dispositions de l'article 39 du code général des impôts en prévoient la possibilité ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, la SA Petroval n'est pas fondée à demander à la cour d'admettre la déduction de son bénéfice imposable de la somme de 56 980 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les frais exposés par la SA Petroval soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1300186 du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SA Petroval devant le tribunal administratif de Rouen, et le surplus des conclusions de la requête sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Petroval et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 7 février 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

Signé : D. BUREAU Le président-assesseur,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

6

N°15DA00849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00849
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL F.E.A.T.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-02-28;15da00849 ?
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