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19/01/2017 | FRANCE | N°16DA00768

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 19 janvier 2017, 16DA00768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui renouveler un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1503223 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2016, Mme B...D...,

représentée par Me Aurélia Pierre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui renouveler un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1503223 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2016, Mme B...D..., représentée par Me Aurélia Pierre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet a méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

2. Considérant que MmeD..., ressortissante algérienne née le 5 juillet 1970, est entrée en France le 2 août 2008, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités grecques, afin d'y retrouver son époux dont elle a divorcé en 2011 ; que, compte tenu notamment de son état de santé, elle a résidé régulièrement en France, du 14 octobre 2010 au 13 octobre 2014, sous couvert d'un certificat de résidence algérien délivré sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'elle a exercé, jusqu'en janvier 2012, une activité professionnelle à Sotteville-les-Rouen comme employée de maison et, à Rouen, dans une cantine scolaire de la ville ; que si elle avait conservé à la date de la décision attaquée, notamment pour ses démarches administratives, une adresse à Rouen, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a résidé en région parisienne à partir de janvier 2012 ; qu'elle a en effet entamé, à compter de cette date, une relation avec un ressortissant algérien né en 1960, M. A... A. résidant à Aubervilliers (93), titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2019 ; que la vie commune est attestée en septembre et octobre 2015 par le compagnon de Mme D... et les trois soeurs de ce dernier ; que si ces attestations sont, il est vrai, assez peu circonstanciées, elles sont toutefois corroborées en partie par des pièces justificatives d'une procréation médicalement assistée tentée à deux reprises sans succès en 2013 ; que l'intéressée produit également l'attestation d'un ami du couple qui fait état de relations conjugales et de deux voyages du couple en Algérie ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier qu'au plus tard depuis le 14 juillet 2012 et de manière continue jusqu'au moins la date de la décision attaquée, Mme D...est venue s'installer en région parisienne ; qu'un pharmacien de la Courneuve atteste que l'intéressée fréquente régulièrement son officine depuis mai 2013 ; que surtout, elle établit son changement de résidence habituelle de manière suffisamment probante à travers un changement d'employeur ; qu'elle a en effet mis fin à son emploi à Sotteville-les-Rouen et a signé un contrat à durée indéterminée auprès d'une personne âgée invalide résidant à La Courneuve (93), pour des prestations d'aide à domicile à effectuer tous les matins du lundi au vendredi pendant 4h30 ; qu'il est constant que ce contrat était toujours en vigueur à la date de la décision attaquée ; qu'au demeurant en octobre 2015, soit postérieurement à la décision attaquée, elle a obtenu une promesse d'embauche par " sa belle-mère " habitant à Drancy dont elle s'occupait d'ailleurs jusque-là bénévolement et auprès d'une association de soutien scolaire pour un poste d'intervenante dans les ateliers " Réussite scolaire ", l'intéressée ayant d'ailleurs été institutrice en Algérie ; que, dans ces conditions, il ressort de manière suffisamment probante des pièces du dossier que, d'une part, Mme D...réside en France depuis sept ans à la date de la décision attaquée intervenue en septembre 2015 et jusqu'en octobre 2014 de manière régulière et, d'autre part, que, compte tenu de son insertion privée et professionnelle, elle a désormais l'essentiel de ses centres d'intérêt en France où elle dispose d'emplois stables et d'un environnement humain effectif ; qu'elle n'a pas, en outre, perdu toute attache à Rouen en dépit de son divorce ; qu'elle démontre au surplus avoir la possibilité de diversifier cette insertion en retrouvant son domaine professionnel d'origine dans l'éducation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait en mesure de retrouver les mêmes conditions de vie et d'emploi en cas de retour en Algérie ; que, dès lors, compte tenu des conditions de son séjour en France et de la durée de sa présence sur le territoire, Mme D...est fondée à soutenir que l'arrêté contesté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance tant des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien que de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que cette décision repose également sur une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, notamment au plan professionnel en tant qu'il la priverait d'un contrat à durée indéterminée et de ressources stables ;

3. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Rouen a rejeté sa demande ;

4. Considérant qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'en l'absence de modification dans les circonstances de fait ou de droit, l'autorité préfectorale délivre à Mme D...un titre de séjour ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime ou à l'autorité préfectorale compétente au regard de son lieu de résidence effective, d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

5. Considérant que Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Aurélia Pierre, avocat de MmeD..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de MmeD... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 janvier 2016 et l'arrêté du 11 septembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à Mme D...un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., à la préfète de la Seine-Maritime, au ministre de l'intérieur et à Me Aurélia Pierre.

Délibéré après l'audience publique du 6 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 janvier 2017.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°16DA00768 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00768
Date de la décision : 19/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-01-19;16da00768 ?
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