Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 novembre 2015 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a fait interdiction de retour sur ce territoire durant un an et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 1600542 du 3 mai 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2016, M.D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 3 mai 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Oise du 12 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- pour refuser de lui délivrer une carte de séjour temporaire, le préfet de l'Oise a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est mépris dans l'appréciation de sa situation au regard de ces dispositions ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du même code et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de cette convention ;
- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la même convention ;
- pour lui faire interdiction de retour sur le territoire français le préfet de l'Oise a méconnu l'article 8 de la convention et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2016, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité du refus de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté du 12 novembre 2015 en litige a été pris : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis le 12 novembre 2014 par le docteur Franco, médecin psychiatre exerçant au centre médico-psychologique " La Châtaigneraie " de Montmorency, et le 24 septembre 2015 par le docteur Risbourg, médecin psychiatre libéral exerçant à Levallois-Perret, que M.D..., ressortissant nigerian, souffre de pathologies qualifées par ces praticiens de " troubles mentaux caractéristiques d'un état psychotique avec impulsivité discordante, suspicion de délire chronique et trouble d'humeur " ; que ces documents précisent que cette pathologie a justifié la prescription d'un traitement médicamenteux par antipsychotiques et stabilisateurs de l'humeur, grâce auquel l'état de l'intéressé s'est amélioré mais demeure fragile et qui ne peut être interrompu sans conséquences graves ; que, toutefois, ces documents, s'ils mettent en doute la disponibilité d'une prise en charge médicale appropriée à l'état de santé de M. D...dans son pays d'origine, ne sont pas, à eux seuls, de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de l'Oise au vu notamment d'un avis émis le 4 septembre 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie, selon laquelle, si l'état de santé de l'intéressé requiert une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement qui lui est nécessaire est disponible dans ce pays, vers lequel l'intéressé est à même de voyager sans risque pour sa santé ; qu'à cet égard, il ressort des documents produits en première instance par le préfet de l'Oise que les antipsychotiques et les médicaments nécessaires au traitement des états dépressifs et de l'anxiété figurent sur la liste des médicaments essentiels disponibles au Nigeria ; que le préfet de l'Oise fait valoir en outre que, selon les informations qui lui ont été communiquées par les autorités consulaires françaises dans ce pays, celui-ci dispose de structures hospitalières spécialisées dans la prise en charge des troubles psychiatriques, ce qui est d'ailleurs corroboré par l'extrait d'un rapport publié par une organisation non gouvernementale suisse produit par le requérant, même si ce document précise aussi que ces établissement ne sont pas comparables aux standards européens et qu'ils manquent de places et de spécialistes ; qu'en outre, la circonstance que la population du Nigeria est confrontée à la diffusion massive de médicaments contrefaits n'est pas, par elle-même, de nature à mettre en doute la disponibilité de traitements appropriés à l'état de santé de M.D... ; qu'il en est de même des allégations de ce dernier, à les supposer établies, alors au demeurant que l'intéressé n'a formé aucune demande d'asile en France, selon lesquelles les troubles dont il souffre auraient pris naissance dans son pays d'origine et selon lesquelles les traitements qui lui ont jusqu'alors été administrés dans ce pays ont été inefficaces, ces dernières allégations étant, au demeurant, seulement étayées par des attestations présentées comme émanant de médecins locaux et dépourvues de garanties suffisantes d'authenticité ; qu'il suit de là qu'il n'est pas établi que, pour refuser à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise aurait commis une erreur d'appréciation, ni qu'il aurait méconnu ces dispositions ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;
4. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, il n'est pas établi que M. D...aurait été, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, au nombre des étrangers visés par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 de ce code qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant que, si M.D..., qui serait entré sur le territoire français au cours de l'année 2014, fait état de ce qu'il a noué une relation sentimentale avec une compatriote et de ce qu'une fille est née le 7 juillet 2015 de cette union, il est constant que l'intéressé ne vit pas avec cette enfant, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il n'établit aucunement contribuer et avec laquelle il ne justifie pas même entretenir un quelconque lien ; que M. D..., qui n'a au demeurant pas fait état de cette relation dans la demande de titre de séjour qu'il a souscrite le 13 janvier 2015, n'établit pas davantage, ni même n'allègue, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel il a habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans ; que, dans ces conditions, eu égard à la faible ancienneté et aux conditions irrégulières du séjour en France de M.D..., qui ne justifie pas d'une intégration notable à la société française et ne se prévaut d'aucune perspective d'insertion professionnelle, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, en tant qu'il prononce cette décision, l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour :
6. Considérant que, pour les motifs exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision faisant interdiction à M. D...de retour sur le territoire français durant une année aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas établi que, pour prendre cette décision, le préfet de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
8. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 2 s'agissant de la disponibilité, dans le pays d'origine de M.D..., des traitements qui lui sont nécessaires, il n'est pas établi que le préfet de l'Oise aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour désigner le Nigeria comme le pays à destination duquel M. D...pourra être reconduit d'office ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA01241