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30/12/2016 | FRANCE | N°16DA01183

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 30 décembre 2016, 16DA01183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2015 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503936 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2016, M. A..., représenté

par Me D...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Ro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2015 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503936 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2016, M. A..., représenté par Me D...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 30 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de procéder, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous la même condition d'astreinte, à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son avocat, d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313- 11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi, qui est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 et les stipulations des articles 3, 8 et 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2016, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant mauritanien né le 28 décembre 1970, relève appel du jugement du 17 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2015 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

Sur le refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté précité du 9 novembre 2011 : " (...), le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que par un avis émis le 18 mars 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a, d'une part, estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait, pour une durée supérieure à deux ans, une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais il a, d'autre part, indiqué qu'il existait un traitement approprié en Mauritanie, pays vers lequel il pouvait voyager sans risque ; que les certificats médicaux produits par M.A..., qui se bornent à attester que son état de santé nécessite un traitement de longue durée, ne contredisent pas utilement cet avis ; qu'en outre, les documents évoquant en termes généraux les infrastructures médicales de la Mauritanie susceptibles de prendre en charge les affections cardio-vasculaires ne permettent pas non plus d'établir qu'un traitement adapté aux pathologies de M. A...ne serait pas disponible dans ce pays ; que, dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...au motif qu'il pouvait bénéficier, dans son pays d'origine, du traitement requis par son état de santé, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les dispositions, citées au point 2, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que si M. A...soutient qu'il a déplacé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, il ne l'établit pas ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier, et n'est pas contesté par M.A..., que celui-ci est marié, et père de quatre enfants qui résident au Sénégal avec leur mère ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles en Mauritanie ; que, par suite, et compte tenu de la faible durée et des conditions de son séjour en France, M. A...n'établit pas que le refus de titre de séjour en litige porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, comme il a été dit précédemment, la prise en charge médicale de son état de santé peut être réalisée en Mauritanie ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II. et III. (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ; qu'il ressort des termes de l'arrêté que la décision de refus de séjour opposée à M. A..., qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels elle est fondée, est suffisamment motivée ; que, par suite, et dès lors que la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire a été prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 précité, celle-ci n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6, que M. A...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ;

10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M.A... ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office de la mesure portant obligation de quitter le territoire français énonce les considérations de fait et de droit sur lesquels elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit précédemment aux points 7 à 10, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

13. Considérant que M.A..., dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 avril 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 novembre 2014, n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il serait personnellement exposé à des persécutions ou violences en cas de retour dans son pays d'origine ; que s'il soutient qu'il a fait l'objet de nombreuses discriminations, il ne produit aucun élément susceptible d'établir la réalité de ces allégations ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

14. Considérant que, comme il a été dit au point 6, M. A...n'établit ni qu'il aurait déplacé le centre de ses intérêts privés en France, ni qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles en Mauritanie ; qu'en se bornant à soutenir qu'il n'est pas admissible au Sénégal où résident son épouse et leurs quatre enfants, il n'établit pas qu'il serait dans l'impossibilité de reconstruire sa cellule familiale en Mauritanie, pays dont il a la nationalité ; que, par suite, en fixant la Mauritanie comme pays à destination duquel M. A...pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office de la mesure portant obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...E....

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme F...C..., première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le premier conseiller le plus ancien,

Signé : D. C...Le président-assesseur,

Signé : M. G...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA01183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01183
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;16da01183 ?
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