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22/12/2016 | FRANCE | N°15DA01955

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 22 décembre 2016, 15DA01955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Symeo a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Oise du 4 juillet 2012 par lequel il a prorogé de six mois le délai d'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter un centre multi-filières de traitement des déchets ménagers et assimilés à Villers-Saint-Sépulcre, dans l'Oise.

Par un jugement n° 1202505 du 13 mai 2014, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et condamné l'Etat à verser à la société Syme

o la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Symeo a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Oise du 4 juillet 2012 par lequel il a prorogé de six mois le délai d'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter un centre multi-filières de traitement des déchets ménagers et assimilés à Villers-Saint-Sépulcre, dans l'Oise.

Par un jugement n° 1202505 du 13 mai 2014, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et condamné l'Etat à verser à la société Symeo la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 8 décembre 2015, et un mémoire, enregistré le 26 septembre 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la SAS Symeo.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué ne lui ayant pas été notifié, son recours n'est pas tardif ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet de l'Oise était dans l'impossibilité de statuer sur la demande de la société Symeo avant le 4 juillet 2012 dès lors que les membres du conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST), dont la consultation est rendue obligatoire par les articles L. 512-2 et R. 512-25 du code de l'environnement, avaient, lors de leur séance du 28 juin 2012, sursis à statuer sur le projet ;

- la transmission, en séance, aux membres du CODERST, de courriers du président du syndicat mixte de la vallée de l'Oise (SMVO) et de la présidente de la communauté d'agglomération du Beauvaisis (CAB) comportant des éléments techniques nouveaux contredisant les conclusions des avis des services de l'Etat quant à l'utilité du projet justifiait le renvoi de l'affaire.

Par des mémoires, enregistrés les 8 avril, 23 septembre et 6 octobre 2016, la SAS Symeo conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours est tardif ;

- les moyens de la ministre ne sont pas fondés.

L'instruction a été close par ordonnance du 24 octobre 2016 à effet immédiat.

La ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a produit un mémoire, enregistré le 24 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que le syndicat mixte Oise verte environnement (SYMOVE) a décidé, pour l'exercice de ses compétences relatives au tri, au stockage, au traitement et à la mise en décharge des déchets de ses adhérents, soit la communauté d'agglomération du Beauvaisis (CAB), sept communautés de communes et quatre communes isolées représentant ensemble deux cent trente-cinq communes et près de 250 000 habitants, la création d'un centre multi-filières à Villers-Saint-Sépulcre afin de substituer à l'enfouissement des ordures ménagères résiduelles jusqu'alors pratiqué des modes de traitement permettant une valorisation énergétique ou de la matière ; que le SYMOVE a décidé de confier à un tiers la conception, le financement, la réalisation et l'exploitation de ce centre, baptisé Symeo, composé d'une unité de réception et pré-traitement mécanique des déchets, d'une unité de valorisation biologique des déchets fermentescibles par méthanisation et d'une unité de valorisation énergétique par incinération d'une capacité de 134 000 tonnes de déchets par an ; qu'au terme de la procédure de mise en concurrence, l'offre présentée par les sociétés Valnor et Inova a été retenue ; qu'elles ont créé, pour la réalisation du projet, la SAS Symeo, délégataire du SYMOVE ;

2. Considérant que la société Symeo a déposé en préfecture, le 24 novembre 2010, une demande tendant à obtenir l'autorisation d'exploiter le centre à Villers-Saint-Sépulcre, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au terme de l'enquête publique qui a eu lieu du 11 juillet au 26 août 2011, le commissaire enquêteur a transmis au préfet, le 5 octobre 2011, son rapport accompagné d'un avis défavorable tenant notamment à la localisation du projet, à son dimensionnement ainsi qu'à l'absence d'approche globale et commune de la gestion des déchets dans l'Oise ; que, par un premier arrêté du 16 décembre 2011, annulé pour défaut de motivation par un jugement n° 1200676 du tribunal administratif d'Amiens du 25 mars 2014 devenu définitif, le préfet de l'Oise a prorogé de six mois le délai d'instruction de la demande d'autorisation présentée par la société Symeo ; que, par un nouvel arrêté, du 4 juillet 2012, le préfet a à nouveau prorogé de six mois le délai d'instruction de la demande ; que la ministre de l'environnement et du développement durable relève appel du jugement du 13 mai 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé ce second arrêté, en se fondant sur un défaut de justificatif de cette nouvelle prorogation ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que, pour estimer que la seconde prorogation du délai d'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter présentée par la société Symeo ne reposait pas sur un motif suffisant, le tribunal a relevé que le préfet disposait, d'une part, déjà de l'avis de l'autorité environnementale, du rapport technique de l'inspection des installations classées ainsi que de l'analyse du projet Symeo réalisée par la direction départementale des territoires et par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), tous favorables à la délivrance de l'autorisation, alors que, d'autre part, les courriers du président du syndicat mixte de la vallée de l'Oise (SMVO) et de la présidente de la communauté d'agglomération du Beauvaisis (CAB) communiqués lors de l'examen du projet par le conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST) n'apportaient aucun élément technique supplémentaire ; que l'énoncé de ces faits permet de comprendre le raisonnement ayant conduit le tribunal a annulé l'arrêté en litige ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :

4. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, sauf disposition contraire, le délai d'appel contre un jugement rendu par un tribunal administratif est de deux mois et court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification lui en a été faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'il est spécifié par l'article R. 751-8 de ce code que lorsque la notification doit être faite à l'Etat, l'expédition doit être adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige ; que, dès lors, bien que conformément aux dispositions de l'article R. 431-10 du même code les observations en défense au recours pour excès de pouvoir introduit par la société Symeo contre l'arrêté du préfet de l'Oise du 4 juillet 2012 prorogeant le délai d'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter le centre Symeo ont été présentées devant le tribunal administratif d'Amiens, au nom de l'Etat, par le préfet de l'Oise, le délai d'appel devant la cour ouvert contre le jugement du 14 mai 2014 ne pouvait courir contre l'Etat qu'à compter de la notification de ce jugement à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, qui avait, en vertu des dispositions de l'article R. 811-10, seule qualité, en tant que ministre intéressée, pour former appel ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué, notifié le 23 juillet 2014 au préfet de l'Oise, n'a pas été notifié à la ministre ; que ce défaut de notification rend inopposable le délai d'appel prévu à l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; qu'à la supposer même établie, la seule circonstance que la ministre aurait eu connaissance de l'existence de ce jugement à l'occasion de l'instruction d'une autre affaire dans laquelle elle avait la qualité d'observatrice, ne suffit pas à faire courir le délai d'appel ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, pour apprécier le droit pour le ministre de former appel, de prendre en compte le caractère raisonnable du délai écoulé entre la date d'une éventuelle connaissance acquise du jugement et la date de l'enregistrement du recours au greffe de la juridiction ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Symeo doit être écartée ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre [relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement] les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-14 du même code : " Les dispositions prises en application du présent titre doivent, lorsqu'elles intéressent les déchets, prendre en compte les objectifs visés à l'article L. 541-1 " ; que parmi les objectifs visés à l'article L. 541-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige, figuraient notamment la mise en oeuvre d'une hiérarchie des modes de traitement des déchets, entendu, selon l'article L. 541-1-1 comme " toute opération de valorisation ou d'élimination, y compris la préparation qui précède la valorisation ou l'élimination ", et l'organisation de leur transport en le limitant en distance et en volume ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 541-15 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " Dans les zones où les plans visés aux articles L. 541-11, L. 541-11-1, L. 541-13, L. 541-14 et L. 541-14-1 sont applicables, les décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets et, notamment, les décisions prises en application du titre Ier du présent livre doivent être compatibles avec ces plans. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-14 du même code : " I.-Chaque département est couvert par un plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux. (...) / II.-Pour atteindre les objectifs visés à l'article L. 541-1, le plan : / 1° Dresse l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets non dangereux, produits et traités, et des installations existantes appropriées ; (...) / 3° Enonce les priorités à retenir compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles. Dans ce contexte, le plan : / a) Fixe des objectifs de prévention des déchets ; / b) Fixe des objectifs de tri à la source, de collecte sélective, notamment des biodéchets, et de valorisation de la matière ; / c) Fixe une limite aux capacités annuelles d'incinération et de stockage des déchets, en fonction des objectifs mentionnés aux a et b. Cette limite doit être cohérente avec l'objectif d'un dimensionnement des outils de traitement des déchets par stockage ou incinération correspondant à 60 % au plus des déchets produits sur le territoire. Cette limite s'applique lors de la création de toute nouvelle installation d'incinération ou de stockage des déchets (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-3, dans sa version applicable à la date de la demande de la société Symeo : " La demande prévue à l'article R. 512-2 (...) mentionne : / (...) / 6° Lorsqu'elle porte sur une installation destinée au traitement des déchets, l'origine géographique prévue des déchets ainsi que la manière dont le projet est compatible avec les plans prévus aux articles L. 541-11, L. 541-11-1, L. 541-13, L. 541-14 et L. 541-14-1 " ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'environnement : " L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code relative aux incidences éventuelles du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et après avis des conseils municipaux intéressés. Une commission départementale est également consultée ; elle peut varier selon la nature des installations concernées et sa composition, fixée par décret en Conseil d'Etat, inclut notamment des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des professions concernées, des associations de protection de l'environnement et des personnalités compétentes. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-25 du même code : " Au vu du dossier de l'enquête et des avis prévus par les articles précédents, qui lui sont adressés par le préfet, l'inspection des installations classées établit un rapport sur la demande d'autorisation et sur les résultats de l'enquête. Ce rapport est présenté au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques saisi par le préfet. / L'inspection des installations classées soumet également à ce conseil ses propositions concernant soit le refus de la demande, soit les prescriptions envisagées. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-26 : " (...) Le préfet statue dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur. En cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un nouveau délai " ;

8. Considérant, d'une part, que la première prorogation de six mois du délai d'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter le centre Symeo a permis au préfet de l'Oise de disposer, pour se prononcer sur cette demande, en plus de l'avis de l'autorité environnementale du 1er juillet 2011, favorable au projet, et de l'avis défavorable du commissaire enquêteur, d'un rapport du 15 juin 2012 réalisé par un groupe de travail spécialement constitué de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Picardie et de la direction départementale des territoires (DDT) de l'Oise, pour analyser le projet Symeo au regard des besoins du département en matière d'élimination des déchets, à partir d'une approche prospective palliant l'absence de plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés (PDEDMA) ; qu'il résulte de ce rapport qu'il n'existait, alors, ni données actualisées en matière de flux et de gisements de déchets dans l'Oise, ni réflexion collective sur le sujet, comme l'avait d'ailleurs relevé le commissaire enquêteur ; qu'il y est également écrit que, dans ce contexte particulier, la détermination d'une vision stratégique opposable aux porteurs de nouveaux projets de centres de traitements était rendue particulièrement difficile ; que, plus spécialement, la remise en vigueur, suite à l'annulation par le jugement n° 1001681 du tribunal administratif d'Amiens du 7 février 2012 du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés approuvé en 2010, du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés de 1999 fondé sur des données obsolètes et ne prenant pas en compte les objectifs du Grenelle de l'environnement, rendait difficile l'appréciation de la compatibilité des projets d'installations avec ce plan ; que, dès lors, à partir, d'une part, d'hypothèses tenant à la croissance démographique et à la mise en oeuvre des objectifs du Grenelle de l'environnement et, d'autre part, d'un état des lieux des gisements de déchets dans l'Oise, des capacités de valorisation de ceux-ci et des capacités de traitement des déchets résiduels, le groupe de travail a présenté deux scenarii, l'un avec autorisation du projet Symeo, l'autre sans, dont il résulte que si l'autorisation de ce projet apparaissait comme une solution crédible pour que l'Oise ne soit pas rapidement en situation de sous-capacité de traitement de ses déchets, cette solution ne permettait de pallier ce risque que jusqu'en 2020, année à partir de laquelle le département se trouverait en situation de grave sous-capacité de traitement ; que ces conclusions étaient fondées sur des données de 2010 s'agissant des déchets ménagers et assimilés et seulement approchées, faute d'étude approfondie, au moyen de données générales de 2008 et 2004 s'agissant de la production de déchets d'activités ;

9. Considérant, d'autre part, qu'à la date de l'arrêté en litige, le préfet disposait également du rapport établi le 18 juin 2012 par l'inspecteur des installations classées à l'intention des membres du CODERST, conformément aux dispositions de l'article R. 512-25 du code de l'environnement ; qu'à l'issue de son analyse, qui reprend, s'agissant de l'appréciation du projet au regard des gisements et capacités de traitement des déchets dans l'Oise, les conclusions du rapport détaillé au point précédent, l'inspecteur proposait un projet d'arrêté préfectoral relatif à l'exploitation du centre Symeo, sous réserve de la mise en compatibilité du document d'urbanisme de Villers-Saint-Sépulcre et de la production d'un récépissé de dépôt de permis de construire, jusqu'alors non joint à la demande d'autorisation ;

10. Considérant qu'alors que les documents présentés au point 8 et 9 avaient été transmis, le 19 juin 2012, aux membres du CODERST, pour leur permettre d'apprécier le projet lors de la séance du 28 juin 2012, le préfet a reçu les 27 et 28 juin, deux courriers, l'un du président du syndicat mixte de la vallée de l'Oise (SMVO), l'autre de la présidente de la communauté d'agglomération du Beauvaisis (CAB), membre du SYMOVE, accompagnés chacun d'une note technique, remettant en cause l'utilité du projet, dans la perspective de la prochaine séance du CODERST ;

11. Considérant que le courrier du président du SMVO faisait état de l'unanimité des élus au comité de ce syndicat, compétent pour le tri, le traitement et la valorisation des déchets de 473 000 habitants de l'est du département, quant à l'absence de nécessité économique du projet Symeo ; qu'il pointait, pour assoir cette position, la capacité disponible de son centre de Villers-Saint-Paul, situé à 30 km du projet Symeo, la non prise en compte de la baisse tendancielle de la production d'ordures ménagères résiduelles, le coût de ce nouvel investissement et la possibilité d'organiser un dispositif de valorisation des déchets à l'échelle départementale ; que cette lettre était accompagnée d'une note prospective sur l'évolution du gisement d'ordures ménagères résiduelles établie par les services du SMVO, fondée sur des hypothèses de croissance démographique comparables à celles retenues dans le rapport des services de l'Etat du 15 juin 2012 mais sur des données actualisées résultant de l'activité de ce syndicat et des politiques menées par lui ; que cette note prenait ainsi en compte une baisse de la production d'ordures ménagères résiduelles constatée depuis 2005, les conséquences des nouvelles consignes de tri et de l'amélioration des performances de captage du verre, le développement de la collecte sélective du textile et d'une politique de tri-valorisation du tout venant déchèterie avec les encombrants collectés en porte à porte ; que si la position du président du SMVO était déjà connue des services de l'Etat, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'avait jusqu'alors pas été retenue faute de projections argumentées quant aux volumes de déchets à traiter ;

12. Considérant que le courrier de la présidente de la CAB annonçait quant à lui le lancement d'une étude juridique, économique, financière et environnementale menée par un cabinet indépendant chargé par la collectivité qu'elle préside de remettre le mois suivant ses conclusions sur l'opportunité et les implications du projet Symeo pour les habitants de sa collectivité ; qu'il résulte des termes mêmes de ce courrier qu'y était joint une note synthétique reprenant l'état actuel du travail de ce cabinet ; qu'en admettant même que cette note n'ait pas été diffusée aux membres du CODERST, le préfet de l'Oise en a quant à lui eu connaissance ; qu'outre l'analyse des capacités de traitement du centre de Villers-Saint-Paul et de l'évolution de la production d'ordures ménagères résiduelles dans l'Oise tendant à démontrant que ce centre pourrait assurer le traitement de la quasi-totalité de ce type de déchets, une analyse du coût de traitement dans les deux centres y était présentée, concluant à un surcoût d'environ 30 euros par tonne pour un traitement par le centre Symeo ; que des perspectives de développement et de diversification du site de Villers-Saint-Paul y étaient également envisagées comme alternatives au projet Symeo dont la localisation, loin de toute agglomération ou pôle industriel, ne permet notamment pas l'utilisation de la chaleur produite ;

13. Considérant que les éléments contenus dans les deux courriers analysés aux points 11 et 12 et les notes techniques qui les accompagnaient relèvent de l'appréciation du respect par le projet Symeo des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et des objectifs fixés à l'article L. 541-1 du même code ; qu'ils font état d'éléments précis et chiffrés fondés sur des données actualisées différentes de celles retenues par les services de l'Etat dans le rapport mentionné au point 8, dont ils contredisent les conclusions ; que, dans le contexte particulier également décrit au point 8, le préfet de l'Oise pouvait légalement décider de les soumettre aux membres du CODERST ;

14. Considérant qu'il résulte du procès-verbal de la séance du CODERST du 28 juin 2012 qu'avant même la communication de ces documents, l'un des représentants du conseil départemental a exprimé l'opposition du département au projet, demandé que l'affaire soit retirée de l'ordre du jour et fasse l'objet d'un supplément d'instruction ; qu'après la distribution, en séance, de ces courriers, le directeur départemental des territoires a estimé que les éléments transmis pourraient utilement compléter le rapport établi par les services de l'Etat et l'ADEME ; qu'enfin, le report de la séance a été décidé à l'unanimité des membres présents ; qu'ainsi, ce report a été valablement décidé par les membres du CODERST qui ont souhaité pouvoir analyser les nouvelles informations produites en séance et obtenir un supplément d'instruction du projet ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté en litige, le CODERST n'avait pas émis d'avis sur le projet ; qu'en tout état de cause, à cette date, d'une part, le document d'urbanisme applicable ne permettait pas la réalisation du projet sur le site retenu et, d'autre part, les restrictions d'usage nécessaires pour pérenniser les activités compatibles avec la pollution résiduelle des sols du terrain d'assiette n'avaient pas été adoptées ; que le délai imparti au préfet pour se prononcer sur l'intérêt général du projet dans le cadre de la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de Villers-Saint-Sépulcre, à laquelle le conseil municipal s'était quant à lui opposé, n'était alors pas expiré ; qu'enfin, d'ailleurs, suite à la réception des éléments mentionnés aux points 11 et 12, et à la demande du préfet, la ministre de l'environnement et du développement durable a sollicité l'avis du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) sur la gestion des déchets dans l'Oise ; que M.A..., ingénieur des Mines, a ainsi entendu l'ensemble des acteurs du projet et du territoire en août 2012 et rendu, en septembre 2012, son avis au terme d'un rapport qui pointe l'utilité du projet et sa pertinence au regard des objectifs du Grenelle de l'environnement et des structures existantes dans l'Oise mais également l'absolue nécessité d'une concertation rapide de tous les acteurs de la compétence " déchets " dans l'Oise, pour aboutir à une solution rationnelle et équilibrée, notamment quant à la pleine utilisation des capacités disponibles ; qu'enfin, la synthèse de l'étude comparative commandée par la CAB, communiquée en septembre, conclut à la surévaluation du tonnage par le SYMOVE, à l'inadaptation de Symeo au traitement des déchets d'activités, à la possibilité pour le centre de Villers-Saint-Paul d'absorber les ordures ménagères résiduelles et à la possibilité de compléter les installations de ce centre pour le traitement des déchets d'activités ;

15. Considérant qu'il résulte de ces différents éléments que le préfet de l'Oise a pu légalement estimer, à la date de son second arrêté de prorogation du délai d'instruction de la demande d'autorisation de Symeo, qu'il n'était pas en mesure de se prononcer sur l'autorisation sollicitée au regard des intérêts et objectifs énumérés aux articles L. 511-1 et L. 541-1 du code de l'environnement tels que cités au point 5, tenant notamment à l'utilité d'une seconde unité d'incinération dans l'Oise au regard de l'évolution des gisements de déchets, des capacités de traitement existantes et de la localisation de ce nouveau centre ; que, dès lors, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu, pour annuler l'arrêté du préfet de l'Oise du 4 juillet 2012, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Oise ne justifiait pas d'un motif l'empêchant de statuer sur la demande de la société Symeo ;

16. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Symeo devant la juridiction administrative ;

17. Considérant, en premier lieu que, pour proroger de six mois supplémentaires, sur le fondement des dispositions citées au point 7 et visées dans l'arrêté en litige de l'article R. 512-26 du code de l'environnement, le délai d'instruction de la demande d'autorisation présentée par la société Symeo, qui expirait le 5 juillet 2012, le préfet de l'Oise a précisé dans son arrêté que les informations complémentaires transmises par le président du SMVO et la présidente de la CAB ont été communiquées en séance aux membres du CODERST, lors de sa réunion du 28 juin 2012, et que ceux-ci ont sollicité le report de l'examen du dossier afin de permettre une analyse approfondie de ces éléments ; qu'en mentionnant ces circonstances de fait et les dispositions pertinentes du code de l'environnement, le préfet a suffisamment motivé l'arrêté en litige au regard des dispositions de l'article R. 512-26 du code de l'environnement ; que celles-ci n'exigent pas une motivation distincte du principe et de la durée de la prolongation de la durée d'instruction d'une demande d'autorisation d'exploiter une ICPE ; que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige au regard de ces dispositions doit dès lors être écarté ;

18. Considérant, en second lieu, que la société Symeo n'indique pas quelle disposition législative ou réglementaire interdisait au préfet de transmettre les courriers du SMVO et de la CAB aux membres du CODERST ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 11, 12 et 13 qu'ils apportaient des éléments nouveaux quant à l'appréciation du projet au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et des objectifs mentionnés à l'article L. 541-1 ; que, comme il a été au point 15, le préfet de l'Oise a pu légalement décider de surseoir à statuer sur la demande de la société Symeo ;

19. Considérant, en troisième lieu, que si le préfet doit en principe statuer dans un délai de trois mois à partir du jour où le dossier de l'enquête publique lui a été transmis, les dispositions précitées de l'article R. 512-25 du code de l'environnement lui donne, en cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le pouvoir de fixer un nouveau délai par arrêté motivé ; que compte tenu, d'une part, de l'absence de PDEDMA fondé sur des données fiables quant aux gisements et capacités de traitement des déchets dans l'Oise, d'autre part, de l'opposition ferme et argumentée de plusieurs acteurs majeurs du département dans le domaine des déchets ayant conduit à la réalisation de rapports et d'études sur la pertinence du projet Symeo tout au long de l'instruction de la demande d'autorisation, et, enfin, de l'absence de possibilité de réaliser en l'état le projet Symeo sur le terrain choisi, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de proroger de six mois supplémentaires le délai d'instruction de la demande de la société Symeo ; que ce délai, ainsi porté à quinze mois, n'apparaît pas manifestement excessif eu égard au contexte déjà décrit, à la complexité du dossier et à l'importance et aux enjeux du projet Symeo ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'écologie, de l'environnement et de la mer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de l'Oise du 4 juillet 2012 prorogeant de six mois le délai d'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter présentée par la société Symeo ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur ce fondement au profit de la société Symeo ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 mai 2014 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande de la SAS Symeo est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Symeo présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Symeo et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine sire

N°15DA01955 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01955
Date de la décision : 22/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS KING et SPALDING INTERNATIONAL LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-22;15da01955 ?
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