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15/11/2016 | FRANCE | N°16DA00412

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 15 novembre 2016, 16DA00412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de certificat de résidence, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement no 1502968 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2016, M. C..., représent

par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2015 du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de certificat de résidence, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement no 1502968 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2016, M. C..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de lui remettre, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, ou, subsidiairement, de ces dernières dispositions.

Il soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- il peut bénéficier de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, ce qui fait obstacle à son éloignement ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est insuffisamment motivée ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et le protocole annexé ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. C..., ressortissant algérien né le 7 décembre 1967, relève appel du jugement du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en annulation de l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné l'Algérie comme pays de renvoi ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;

4. Considérant que la procédure de saisine pour avis de la commission du titre de séjour dans les conditions prévues par l'article L. 313-14 n'est pas applicable aux ressortissants algériens, dès lors que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne comporte, en ce qui concerne l'admission exceptionnelle au séjour, aucune stipulation de portée équivalente à cet article ; qu'il en va ainsi des stipulations du 1 de l'article 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la délivrance de plein droit d'un titre de séjour aux ressortissants algériens qui justifient d'au moins dix ans de présence en France ; que le requérant ne saurait utilement se prévaloir, pour soutenir que le préfet était astreint au respect de cette procédure, des énonciations de la circulaire ministérielle du 27 octobre 2005 relatives, en tout état de cause, à l'interprétation de l'état du droit antérieur à l'entrée en vigueur de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré par M. C... de ce qu'en raison de l'ancienneté de son installation sur le territoire français, le défaut de consultation préalable de la commission du titre de séjour entacherait d'illégalité la décision contestée est, dès lors, inopérant ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;

6. Considérant que les pièces justificatives présentées par le requérant, essentiellement de nature médicale ou émises par les organismes gestionnaires de l'assurance maladie, ne permettent pas de tenir pour établi qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté du 8 juillet 2015 ; que, notamment, il produit pour l'année 2012 trois courriers d'une caisse primaire d'assurance maladie, l'un relatif à une campagne de prévention et les deux autres l'invitant à effectuer des démarches en vue du renouvellement de sa couverture d'assurance santé, ainsi que plusieurs quittances de loyers établies à la fois à son nom et à celui de la SARL de restauration rapide dont il est actionnaire, à l'adresse que celle-ci avait déclarée au registre du commerce et qui diffère de celle à laquelle ont été adressés les courriers de la caisse ; qu'en ce qui concerne l'année 2013, il ne fournit que l'avis d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 et la preuve de deux consultations médicales ; qu'il n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

7. Considérant, en second lieu, que le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoit également la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence valable un an " au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que, selon ses propres affirmations, M. C..., célibataire et sans enfant, était âgé de trente-deux ans lorsqu'au cours de l'année 2000, il a décidé de s'installer en France, où résident son père, depuis 1953, et sa mère, depuis 1990 ; que, s'il y avait antérieurement effectué plusieurs séjours, notamment pour raison de santé, il ressort des pièces du dossier qu'il a poursuivi en Algérie sa scolarité ; qu'il admet que plusieurs membres de sa fratrie résident dans ce pays ; qu'il n'établit pas que sa présence en France auprès de ses parents, tous deux titulaires d'un certificat de résidence de dix ans, leur serait indispensable ; qu'il ne justifie, ainsi qu'il a été dit au point 6, ni avoir effectivement résidé en France au cours des années 2012 et 2013, ni d'une insertion particulière en France, malgré sa participation au capital d'une entreprise de restauration rapide ; que, dans ces conditions, alors même que le requérant aurait aussi sur le territoire français de nombreux membres de sa famille plus éloignée, dont certains de nationalité française, la décision rejetant sa demande de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi ; qu'elle n'a, par suite, méconnu ni les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant, dans les circonstances de l'espèce, de délivrer à M. C... le titre de séjour qu'il sollicitait le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que M. C... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8, que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il tiendrait des stipulations du 1 et du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 un droit au séjour faisant obstacle à son éloignement ;

12. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. C... n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. C... ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13, que M. C... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette décision, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète de la Seine-Maritime, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....

Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 18 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 novembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : D. BUREAULa présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse Lévèque

2

N°16DA00412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00412
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-11-15;16da00412 ?
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