La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2016 | FRANCE | N°15DA00469

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2016, 15DA00469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille :

- d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mars 2008 par laquelle le maire de la commune de Calais a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa notation 2007 ;

- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 avril 2008 en tant qu'il prononce son avancement d'échelon au 1er juin 2009 ;

- de condamner la commune de Calais à lui verser la somme de 14 768,41 euros, majorée des intérêts au taux légal à compt

er de la réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices qu'il soutient avoir su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Lille :

- d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mars 2008 par laquelle le maire de la commune de Calais a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa notation 2007 ;

- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 avril 2008 en tant qu'il prononce son avancement d'échelon au 1er juin 2009 ;

- de condamner la commune de Calais à lui verser la somme de 14 768,41 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subi.

Par un jugement n° 1107489 du 13 mai 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 6 mars 2008 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une ordonnance n°13DA01109 du 18 juillet 2013 le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat la requête par laquelle M. E...relève appel du jugement du 13 mai 2013, en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions.

Par une ordonnance N°370758 du 12 mars 2015, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-13 et R. 222-14 du code de justice administrative, attribué le jugement de la requête de M. E...à la cour administrative d'appel de Douai.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2013, M. D...E...représenté par la SCP Meillier-Thuilliez, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Lille du 13 mai 2013 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 avril 2008 ;

3°) de condamner la commune de Calais à lui verser la somme de 14 768,41 euros, en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par la commune de sa réclamation préalable ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Calais le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses conclusions d'annulation relatives à l'arrêté du 21 avril 2008 n'étaient pas tardives ;

- l'arrêté du 21 avril 2008 a été pris par un auteur incompétent ;

- il a été pris au visa d'un avis de la commission administrative paritaire inexistant ;

- il aurait dû être promu au 6ème échelon de son grade au 1er janvier 2009 et non au 1er juin 2009 ;

- le retard d'avancement dont il a été victime lui cause un préjudice ;

- sa prime de service et l'indemnité spécifique de service dont il bénéficie ont été supprimées en raison de la diminution illégale de sa notation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2015, la commune de Calais, représentée par Me J...A...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision du 21 avril 2008 sont tardives ;

- les autres moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret 95-29 du 10 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-François Papin, rapporteur public concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative,

- et les observations de Me G...C...substituant Me I...H...et représentant M. E...et de Me F...B...représentant la commune de Calais ;

1. Considérant que M.E..., technicien supérieur chef, employé par la commune de Calais, relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 avril 2008 le classant au sixième échelon de son grade à compter du 1er juin 2009, et non du 1er janvier 2009, et a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 21 avril 2008 ait été notifié à M.E... ; que s'il en a eu connaissance le 15 décembre 2008, jour ou il a consulté son dossier individuel, dont la commune fait valoir qu'il contenait une copie de cet arrêté, cette circonstance, faute d'une notification régulière, n'est pas de nature à avoir déclenché le délai de recours ouvert à son encontre ; que, dès lors, M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté, pour tardiveté, ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008 ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Lille et tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008 ; qu'il y a lieu, en revanche, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions présentées par M.E... ;

Sur la recevabilité de la demande de M. E...tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, repris au premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ;

5. Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

6. Considérant que la commune soutient que l'arrêté du 21 avril 2008, figurait au dossier individuel de l'intéressé, qui l'a consulté le 15 décembre 2008 ; que si, M. E...conteste cette affirmation, il est constant qu'il n'a pu que constater à la lecture de ses bulletins de paye avoir bénéficié d'un avancement d'échelon au 1er juin 2009 et non au 1er janvier de cette même année, circonstance qui lui a révélé l'existence et le sens de la décision contestée ; que M. E...qui est réputé avoir eu connaissance de la décision contesté au plus tard en juin 2009 ne se prévaut d'aucune circonstance particulière qui l'aurait empêché d'exercer un recours contentieux à son encontre dans un délai raisonnable ; que dans ces conditions, les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 avril 2008, enregistrées le 23 décembre 2011, soit deux ans et demi après que l'intéressé ait eu connaissance de cette décision, excédaient le délai raisonnable durant lequel un recours tendant à son annulation pouvait être exercé ; que sa demande doit, en conséquence, être rejetée comme tardive ;

Sur conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de l'arrêté du 21 avril 2008 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau. " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Calais atteste qu'il était empêché le 21 avril 2008 et qu'en application des dispositions précitées, l'arrêté en litige a été signé par le premier adjoint de la commune ; que cette attestation n'est contredite par aucune autre pièce du dossier ; que par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait été pris par un auteur incompétent ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 78 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'avancement d'échelon est accordé de plein droit. Il a lieu de façon continue d'un échelon à l'échelon immédiatement supérieur. / Il est fonction de l'ancienneté. (...). " ; qu'il résulte du décret n°95-29 du 10 janvier 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des techniciens territoriaux, alors applicable, que la durée maximale devant être passée au cinquième échelon du grade de technicien supérieur chef, avant d'accéder au sixième échelon de ce grade, est de 3 ans 3 mois et la durée minimale de 2 ans 9 mois ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. E...a été nommé au cinquième échelon du grade de technicien supérieur chef le 1er mars 2006 ; que l'intéressé, n'avait aucun droit statutaire à bénéficier d'un avancement à l'ancienneté minimale ; qu'en application des dispositions précitées le maire de Calais devait le nommer au sixième échelon de son grade au plus tard le 1er juin 2009, l'avancement de l'intéressé à cette date étant de droit ; que dans cette circonstance, le fait à le supposer avéré que la commission administrative paritaire n'ait pas été consultée préalablement à l'édiction de l'arrêté le nommant au 1er juin 2009 au sixième échelon de son grade, n'a, en tout état de cause, pas été de nature à le priver d'une garantie ou à influer sur le sens de la décision en litige ;

11. Considérant que comme il a été dit au point précédent, M. E...n'avait aucun droit à bénéficier d'un avancement d'échelon à l'ancienneté minimale ; qu'il ne démontre, ni même n'allègue, que, du fait d'aptitudes professionnelles particulières, il aurait dû bénéficier d'un tel avancement au 1er janvier 2009 ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a rejetée les conclusions de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la commune de Calais à verser à l'intéressé la somme de 1 333,08 euros correspondant à la perte financière qu'il soutient avoir subie à raison de sa nomination au sixième échelon de son grade au 1er juin 2009, fondées sur l'illégalité fautive de la décision du 21 avril 2008 ;

Sur les conclusions indemnitaires liées à l'absence de versement de la prime de rendement et de l'indemnité spécifique de service :

13. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien direct de causalité ;

14. Considérant que le préjudice dont se prévaut M. E...est constitué par une diminution du montant de la prime de service et de rendement et de l'indemnité spécifique de service qu'il a perçues au titre des mois de novembre et février 2007, d'avril à décembre 2008, de la totalité des années 2009 et 2010 et de janvier à novembre 2011, dont il fait valoir qu'elle résulte de la baisse de ses notations ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les notations de l'intéressé au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011 seraient entachées d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de la commune de Calais ; que si le jugement attaqué a annulé la décision du maire de la commune de Calais du 6 mars 2008 confirmant la notation attribuée à M. E...au titre de l'année 2007, il ne résulte pas de l'instruction, alors que le requérant s'abstient de produire les délibérations de la commune instituant les primes précitées et déterminant leurs conditions d'octroi et le calcul de leur montant, qu'existerait un lien de causalité direct et certain entre la faute ainsi commise et le préjudice allégué ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'indemniser du préjudice qu'il subit à raison de l'absence de versement de la prime de rendement et de l'indemnité spécifique de service ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Calais, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E...le versement de la somme que la commune de Calais demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 mai 2013 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'annulation relatives à l'arrêté du 21 avril 2008.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. E...est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Calais présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et à la commune de Calais.

Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 novembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

1

2

N°15DA00469

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00469
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Papin
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-11-03;15da00469 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award