Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SAS Péronnet Distribution a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 mai 2013 du ministre chargé du travail ayant, d'une part, annulé la décision du 9 novembre 2012 de l'inspecteur du travail de la 6° section de la Seine-Maritime autorisant le licenciement pour faute de M.A..., d'autre part, ayant refusé d'autoriser son licenciement ;
Par un jugement n° 1301784 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 9 mai 2013 du ministre chargé du travail ;
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 novembre 2014, le 18 mai 2015 et le 1er juillet 2015, M.A..., représenté par la SCP Garraud, Ogel, Laribi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2014 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de rejeter la demande de la société SAS Péronnet Distribution devant le administratif de Rouen ;
3°) de mettre à la charge de la société SAS Péronnet Distribution une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'irrégularité de la procédure suivie par l'inspecteur du travail était de nature à justifier la décision d'annulation du ministre ;
- la gravité de la faute commise n'est pas de nature à justifier son licenciement ;
- son licenciement est en lien avec les mandats exercés.
Par des mémoires en défense, enregistrés 16 avril 2015 et le 12 juin 2015, la société SAS Péronnet Distribution, représentée par Me C...D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à sa charge de M. A...d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-François Papin, rapporteur public concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative,
- et les observations de Me C...D..., représentant la SAS Péronnet Distribution ;
1. Considérant que M.A..., embauché depuis 2003 en qualité de conducteur routier par la SAS Péronnet Distribution, y détenait les mandats de délégué du personnel titulaire, de membre suppléant du comité d'établissement et de délégué syndical Force ouvrière ; qu'il relève appel du jugement du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 9 mai 2013 du ministre chargé du travail ayant, d'une part, annulé la décision du 9 novembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6° section de la Seine-Maritime a autorisé son licenciement pour faute et, d'autre part, a refusé son licenciement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient (...) " ;
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; que l'appréciation de la gravité des faits doit notamment tenir compte de la nature des fonctions exercées ;
4. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail préalablement à une autorisation de licenciement d'un salarié protégé impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes ; que le caractère contradictoire de cette enquête implique en outre que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a fait l'objet le 12 octobre 2012 d'un contrôle de police lors d'une livraison qu'il effectuait dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ; qu'un contrôle par éthylomètre a révélé, à 11 h 20, un taux d'alcoolémie de 0,36 mg par litre d'air expiré, la limite légale fixée à l'article R. 234-1 du code de la route étant de 0,25 mg par litre d'air expiré ; qu'une amende minorée de 90 euros et un retrait de six points sur son permis de conduire lui ont été infligés ; qu'il a fait l'objet le jour même d'une mesure de mise à pied à titre conservatoire qui lui a été remise en main propre à 18h33 ; qu'il a été entendu, le 22 octobre 2012, en entretien préalable au licenciement ; que, le 23 octobre 2012, le comité d'établissement, après l'avoir entendu, a émis un avis favorable unanime à son licenciement ; que la SAS Péronnet Distribution a formulé le 26 octobre 2012 une demande d'autorisation de licenciement pour faute, par une lettre reçue le lundi 29 octobre 2012 par l'administration ;
6. Considérant, d'autre part, que le lundi 29 octobre 2012 à 18 h 53, le délégué du personnel Force ouvrière souhaitant assister M. A...lors de l'enquête contradictoire, a demandé à la SAS Péronnet Distribution de lui louer un véhicule pour assister le requérant le mercredi 31 octobre 2012, à 14 h 30, dans les locaux de l'inspection du travail à Rouen ; que cette demande impliquait nécessairement que, dans la journée du lundi 29 octobre 2012, le requérant avait eu connaissance de sa convocation pour l'enquête contradictoire ; qu'il a, au demeurant, reçu le lendemain sa convocation, par voie postale ; que, si M. A...soutient qu'il n'a bénéficié que d'un bref délai pour préparer sa défense, il est constant que, conformément aux dispositions précitées du code du travail, il a pu se faire assister par un représentant de son syndicat et disposé d'un délai de 48 heures pour préparer sa défense ; que le requérant ne soutient, ni même n'allègue ne pas avoir été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ; qu'il est constant qu'il connaissait parfaitement le comportement qui lui était reproché sur lequel il s'était déjà expliqué devant le comité d'établissement ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que la procédure suivie par l'inspecteur du travail serait irrégulière, en raison du court délai entre la convocation à l'enquête préalable et sa tenue, alors que le requérant a pu présenter ses moyens de défense sur les griefs formulés à son encontre, n'est pas de nature à justifier la décision d'annulation de cette dernière par le ministre chargé du travail ;
7. Considérant que M. A...a reconnu avoir consommé du pastis le 11 octobre 2012 au soir, entre 22 h 00 et 1 h 00 du matin ; que le 12 octobre 2012, à 11 h 20, soit plus de douze heures après avoir commencé à consommer de l'alcool, son alcoolémie était encore supérieure à la norme légale ; que ces éléments impliquent nécessairement, qu'ayant pris son poste de travail à 8 h 15 et procédé à une livraison, son alcoolémie était encore nettement supérieure à 0,36 mg par litre d'air expiré au moment il a commencé à conduire ; que les circonstances qu'il n'ait jamais été sanctionné pour alcoolémie au cours des neuf années passées au sein de la SAS Péronnet Distribution, qu'il suivait un traitement médicamenteux ou que la sanction pénale prononcée n'était que de nature contraventionnelle, n'entraînant pas un retrait de son permis de conduire, ne sont pas de nature à atténuer la gravité de la faute ainsi commise ; qu'il est au demeurant constant que la SAS Péronnet Distribution avait non seulement déjà procédé dans le passé à des licenciements de salariés sanctionnés pour alcoolémie au volant, mais aussi rappelé à différentes reprises à son personnel le danger de l'alcool pour des professionnels de la route ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que les faits reprochés ne sont pas constitutifs d'une faute suffisamment grave pour justifier un licenciement doit être écarté ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de M. A... ait été en rapport avec les mandats dont il était investi ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 9 mai 2013 du ministre chargé du travail ayant, d'une part, annulé la décision du 9 novembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6° section de la Seine-Maritime a autorisé son licenciement pour faute, et d'autre part, refusé son licenciement ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SAS Péronnet Distribution présentées sur le fondement des dites dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société SAS Péronnet Distribution présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la société SAS Péronnet Distribution.
Copie sera adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA01823
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N°"Numéro"