Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme SANEF a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir :
- l'arrêté du 12 avril 2012 du préfet de l'Oise lui accordant une dérogation au repos dominical pour les dimanches 15 et 22 avril, 20 mai et 3 juin 2012, en tant qu'il fixe, en son article 3, la rémunération des heures travaillées à 200 %, ensemble le rejet implicite de son recours hiérarchique ;
- l'arrêté du 4 mars 2013 du préfet de l'Oise lui accordant une dérogation au repos dominical pour les dimanches 10, 17 et 24 mars 2013 et 7, 14 et 21 avril 2013, en tant qu'il fixe, en son article 3, la rémunération des heures travaillées à 200 %, ensemble le rejet implicite de son recours hiérarchique ;
- l'arrêté du 31 janvier 2013 du préfet de l'Oise lui accordant une dérogation au repos dominical pour le dimanche 3 février 2013, en tant qu'il fixe, en son article 3, la rémunération des heures travaillées à 200 %, ensemble le rejet implicite de son recours hiérarchique ;
- l'arrêté du 28 janvier 2014 du préfet de l'Oise lui accordant une dérogation au repos dominical pour le dimanche 9 février 2014, en tant qu'il fixe, en son article 3, la rémunération des heures travaillées à 200 % ;
Par un jugement n° 1202745, n° 1302096, n° 1302099 et n° 1401037 du 28 octobre 2014, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint ces demandes, les a rejetées comme irrecevables.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2014, la société anonyme SANEF, représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 octobre 2014 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 3 des arrêtés du préfet de l'Oise des 12 avril 2012, 31 janvier et 4 mars 2013 et 28 janvier 2014, de même que les décisions implicites rejetant les recours hiérarchiques formés par elle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont regardé à tort ses demandes comme irrecevables, alors que celles-ci ne tendaient pas à l'annulation partielle d'actes indivisibles ;
- le préfet de l'Oise ne tirait d'aucun texte le pouvoir de fixer la rémunération des salariés concernés par les dérogations accordées, celle-ci étant fixée soit par un accord collectif, soit, en l'absence d'un tel accord, par loi ;
- dès lors que la convention collective des sociétés d'autoroutes du 1er juin 1979 et la convention collective nationale de branche des sociétés concessionnaires ou exploitantes d'autoroutes ou d'ouvrages routiers du 27 juin 2006, qui lui étaient applicables, prévoyaient des contreparties pour les salariés privés de repos dominical et contenaient des engagements en termes d'emploi en faveur de certains publics ou de personnes handicapées, le préfet de l'Oise n'a pu sans méconnaître les dispositions de l'article L. 3132-25-3 du code du travail et sans commettre une erreur d'appréciation, lui imposer, par les arrêtés en litige, d'accorder aux salariés concernés les taux de rémunération plus favorable prévus par ces dispositions en l'absence d'accord collectif.
Une mise en demeure a été adressée le 7 juillet 2016 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public.
1. Considérant que la SA SANEF relève appel du jugement du 28 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté comme irrecevables ses demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés du préfet de l'Oise des 12 avril 2012, 31 janvier et 4 mars 2013 et 28 janvier 2014 lui accordant plusieurs dérogations au repos dominical, en tant que ces actes prescrivent, en leur article 3, que les heures de travail effectuées par le personnel concerné seront rémunérées à 200 %, ainsi que des rejets implicites des recours hiérarchiques formés, dans cette mesure, par elle à l'encontre des trois premiers de ces arrêtés ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-20 du code du travail : " Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités suivantes : / 1° Un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l'établissement ; / 2° Du dimanche midi au lundi midi ; / 3° Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; / 4° Par roulement à tout ou partie des salariés " et qu'aux termes de l'article L. 3132-25-3 de ce code, dans sa rédaction en vigueur aux dates auxquelles les arrêtés en litige ont été pris : " Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées au vu d'un accord collectif ou, à défaut, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum. / L'accord collectif fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d'emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. / En l'absence d'accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d'une décision unilatérale de l'employeur, prise après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu'ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. La décision de l'employeur approuvée par référendum fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d'emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Dans ce cas, chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d'un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente. / Lorsqu'un accord collectif est régulièrement négocié postérieurement à la décision unilatérale prise sur le fondement de l'alinéa précédent, cet accord s'applique dès sa signature en lieu et place des contreparties prévues par cette décision " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient notamment à l'autorité préfectorale, saisie d'une demande de dérogation au repos dominical présentée sur le fondement de l'article L. 3132-20 précité du code du travail, de s'assurer, lorsque les conditions requises par ce texte pour pouvoir prétendre à cette dérogation sont remplies, de l'existence d'un accord collectif applicable dans l'entreprise pétitionnaire et qui fixe des contreparties qui ont vocation à être accordées aux salariés privés du repos dominical, ainsi que des engagements pris en termes d'emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées et de prendre sa décision au vu des stipulations de cet accord ; que, lorsque la dérogation est accordée au vu d'un tel accord collectif, les salariés concernés bénéficient des contreparties prévues par cet accord ; qu'à défaut d'un tel accord, le préfet apprécie la possibilité d'accorder la dérogation sollicitée au vu d'une décision unilatérale de l'employeur, prise, le cas échéant après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés et fixant de telles contreparties et engagements ; qu'en outre, dans cette seconde hypothèse, il résulte de l'article L. 3132-25-3 de ce code que la rémunération versée aux salariés privés du repos dominical ne peut, pour ce jour de travail, être inférieure au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente ; qu'ainsi, cette garantie minimale prévue par le législateur n'a vocation à s'imposer qu'en l'absence d'accord collectif applicable fixant l'ensemble des contreparties auxquelles peuvent prétendre les salariés concernés par la demande de dérogation et l'appréciation portée par l'autorité préfectorale sur le point de savoir s'il y a lieu d'accorder la dérogation au repos dominical sollicitée, en tenant notamment compte, selon les cas, de l'existence ou de l'absence d'un tel accord collectif, est sans lien avec les conditions d'application de cette garantie ; que, dans ces conditions, les décisions par lesquelles le préfet de l'Oise a fait obligation, en l'espèce, à la SA SANEF de s'y conformer constituaient des actes divisibles de ceux par lesquels cette autorité lui a accordé les dérogations au repos dominical que celle-ci sollicitait ; que, faisant grief à cette société, ces décisions étaient, par suite, susceptibles d'être contestées par elle devant le juge de l'excès de pouvoir ; que, dès lors, la SA SANEF est fondée à soutenir que le tribunal administratif d'Amiens a regardé à tort ses demandes comme irrecevables, après avoir estimé que celles-ci tendaient à l'annulation partielle d'actes indivisibles, et qu'il a, ce faisant, entaché son jugement d'irrégularité ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la SA SANEF devant le tribunal administratif d'Amiens ;
5. Considérant qu'il était loisible au préfet de l'Oise, dans les motifs des arrêtés en litige ou dans les courriers notifiant ces mêmes arrêtés à la SA SANEF, de rappeler à celle-ci, dès lors qu'il estimait qu'aucun accord collectif répondant aux conditions posées par de l'article L. 3132-25-3 du code du travail n'était applicable dans l'entreprise, la règle posée par ce texte, en l'absence d'un tel accord, en matière de rémunération minimale des salariés appelés à travailler le dimanche ; qu'en revanche, s'il envisageait de faire droit néanmoins aux demandes de dérogation au repos dominical dont il était saisi, le préfet ne tenait d'aucun texte le pouvoir d'imposer à la SA SANEF de faire application de cette règle ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par la SA SANEF, que celle-ci est fondée à demander l'annulation des articles 3 des arrêtés du préfet de l'Oise des 12 avril 2012, 31 janvier et 4 mars 2013 et 28 janvier 2014 en litige prescrivant que les heures de travail effectuées par le personnel concerné seraient rémunérées à 200 %, ainsi que des rejets implicites des recours hiérarchiques qu'elle a formés, dans cette mesure, à l'encontre des trois premiers de ces arrêtés ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA SANEF et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 octobre 2014, les articles 3 des arrêtés du préfet de l'Oise des 12 avril 2012, 31 janvier et 4 mars 2013 et 28 janvier 2014 et les décisions implicites rejetant les recours hiérarchiques que la SA SANEF a formés, dans cette mesure, à l'encontre des trois premiers de ces arrêtés sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la SA SANEF la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme SANEF et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi du Nord / Pas-de-Calais / Picardie.
Délibéré après l'audience publique du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 octobre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPIN Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA02039
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