Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 17 janvier 2014 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence " Les Oyats " de Gravelines a prononcé sa révocation et de faire injonction, sous astreinte, à cet établissement de le réintégrer dans ses fonctions, d'autre part, de condamner ce même établissement à lui verser une somme de 58 000 euros à titre de réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, ainsi qu'une somme de 400 euros au titre de l'indemnité de congés payés.
Par un jugement nos 1401419-1402100 du 3 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2015, M.F..., représenté par Me H... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 décembre 2014 et la décision de la directrice de l'EHPAD Résidence " Les Oyats " du 17 janvier 2014 ;
2°) de condamner l'EHPAD Résidence " Les Oyats " à lui verser les sommes demandées en première instance ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'EHPAD Résidence " Les Oyats " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le vice d'incompétence affectant deux actes antérieurs, lui infligeant un avertissement et le suspendant de ses fonctions, est de nature à entacher la légalité de la décision de révocation en litige ;
- le conseil de discipline s'est réuni dans une composition irrégulière pour se prononcer sur la sanction disciplinaire envisagée à son encontre ;
- l'administration a invoqué de façon trompeuse devant le conseil de discipline des accusations dépourvues de fondement, ce qui a été de nature à vicier la procédure suivie à son encontre ;
- l'administration a produit devant le conseil de discipline, en méconnaissance du secret médical, ainsi que du 1 de l'article 6 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un document qu'elle s'était procurée dans des conditions déloyales ;
- l'administration ne pouvait le sanctionner une seconde fois à raison de faits qui ont entre-temps été regardés comme non établis dans leur réalité ;
- le grief tiré de ce qu'il n'aurait pas assumé les fonctions d'infirmier n'est pas davantage établi ;
- les témoignages sur lesquels l'administration a fondé la sanction litigieuse étaient dépourvus de caractère probant ;
- la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée à la gravité des faits susceptibles d'être retenus à son encontre ;
- il est fondé à demander le versement d'une somme de 58 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice correspondant à la perte de rémunération qu'il a subie, ainsi qu'une somme de 400 euros, au titre de l'indemnité de congés payés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 juin 2015 et le 6 mai 2016, l'EHPAD Résidence " Les Oyats ", représenté par Me A...G..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le vice d'incompétence qui affecterait des actes préalablement pris à l'égard de M. F... est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;
- le conseil de discipline n'a pas siégé dans une composition irrégulière ;
- l'administration ne s'est livrée à aucune manoeuvre dans le but de tromper le conseil ;
- il n'a aucunement été infligé à M. F...une double sanction à raison des mêmes faits ;
- le moyen tiré de ce que la décision de révocation en litige serait entachée d'erreur de fait doit être écarté ;
- la sanction de révocation n'est pas fondée sur un prétendu manquement du requérant aux fonctions d'infirmier ;
- cette sanction ne se fonde pas sur les témoignages critiqués ;
- le moyen tiré de la prétendue méconnaissance du secret médical ne peut qu'être écarté ;
- la sanction contestée n'est pas disproportionnée à la gravité des manquements commis par le requérant ;
- les demandes indemnitaires de M. F...ne sont pas en lien avec la faute alléguée ;
- elles ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur quantum, l'intéressé s'abstenant notamment de mentionner les sommes qu'il a perçues au titre de l'indemnité de retour à l'emploi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les protocoles qui y sont annexés ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- et les observations de Me C...E..., substituant Me A...G..., représentant l'EHPAD Résidence " Les Oyats ".
1. Considérant que M.F..., agent des services hospitaliers qualifié en poste au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence " Les Oyats " de Gravelines (Nord), relève appel du jugement du 3 décembre 2014 du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a rejeté les conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 17 janvier 2014 par laquelle la directrice de cet établissement a prononcé sa révocation, d'autre part, à la condamnation de cet établissement à lui verser une somme de 58 000 euros à titre de réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, ainsi qu'une somme de 400 euros à titre d'indemnité de congés payés ;
2. Considérant que la circonstance, à la supposer même établie, que deux précédentes décisions, suspendant à titre conservatoire M. F...de ses fonctions et lui infligeant un avertissement, auraient été chacune prises par une autorité incompétente est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, prononçant la révocation de l'intéressé, laquelle ne trouve pas son fondement dans ces précédentes mesures et n'a pas davantage été prise pour leur exécution ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Quatrième groupe : / (...) la révocation. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 82 de la même loi : " L'autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline (...) " ; qu'aux termes de l'article 60 du décret du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière : " La représentation du personnel ne peut, en aucun cas, être inférieure à deux membres. / Sous réserve de ces dispositions, lorsqu'un représentant du personnel titulaire ne peut siéger, sans qu'il s'agisse d'un cas d'empêchement définitif, il est remplacé par un suppléant de la même liste. Lorsque ni le titulaire ni le suppléant ne peuvent siéger, il n'y a pas lieu de pourvoir à leur remplacement. La composition est alors réduite aux seuls membres habilités à siéger. La représentation de l'administration est réduite dans les mêmes proportions dans les seuls cas où l'empêchement résulte de l'application de dispositions statutaires. / (...) " ;
4. Considérant qu'il est constant que le conseil de discipline départemental appelé à connaître de la situation de M. F...s'est réuni, le 26 novembre 2013, dans une composition dans laquelle siégeaient six représentants de l'administration et cinq représentants du personnel, compte tenu de l'empêchement simultané d'un représentant titulaire du personnel et de son suppléant ; que, toutefois, il ressort d'une attestation émise le 6 juin 2014 par le secrétaire de séance du conseil de discipline départemental que la représentante du personnel absente, régulièrement convoquée, avait fait connaître son empêchement et celui de son suppléant moins de vingt-quatre heures avant la séance et que cette situation d'empêchement ne résultait pas, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 60 du décret du 18 juillet 2003, de l'application de dispositions statutaires ; qu'ainsi, alors même que le conseil de discipline a siégé dans une composition non paritaire et qu'il s'est prononcé en faveur d'une révocation de M. F...par six voix contre cinq, cette situation n'a pas été de nature à vicier la régularité de la consultation ;
5. Considérant que, s'il ressort du procès-verbal de la séance du 26 novembre 2013 du conseil de discipline que l'administration a fait état devant les membres de ce qu'il avait été rapporté par un agent que M. F...aurait administré une gifle à une résidente et si des membres du conseil se sont interrogés par ailleurs, à partir du volet n° 1 d'un arrêt de travail concernant M. F... et que ce dernier avait communiqué à l'administration, sur la dangerosité du chien avec lequel il était reproché à l'intéressé d'avoir pris son service et effectué des surveillances de nuit, d'une part, ce même procès-verbal révèle que la directrice de l'EHPAD Résidence " Les Oyats " a clairement confirmé aux membres du conseil que le grief tiré de la gifle avait été abandonné faute de preuve ; que, d'autre part, l'éventuelle dangerosité du chien de M. F...n'est pas au nombre des éléments retenus pour justifier la proposition de sanction émise par le conseil ; que, dès lors, la circonstance que ces deux griefs ont été évoqués devant le conseil n'est pas, à elle seule, de nature à entacher la régularité de l'avis émis par lui ; qu'en outre, il n'est pas établi, dans les circonstances de l'espèce, que l'administration, en portant ces griefs à la connaissance du conseil, se soit livrée à une manoeuvre délibérée dans le but de desservir M.F... ; qu'enfin, le fait que l'administration a pu disposer du volet n° 1 d'un arrêt de travail, que l'intéressé lui avait spontanément communiqué, ne caractérise pas une violation du secret médical, ni des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni même, en tout état de cause, de l'article 6 paragraphe 1 de la même convention et ne révèle pas davantage une utilisation de preuves obtenues de façon déloyale ;
6. Considérant que, dans le cas où l'autorité investie du pouvoir disciplinaire dispose d'éléments révélant avec suffisamment de vraisemblance qu'un fonctionnaire est susceptible d'avoir commis des faits graves, elle détient le pouvoir de suspendre l'intéressé de ses fonctions, sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; que, toutefois, une telle suspension constitue une mesure conservatoire, prise dans l'intérêt du service, et n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire ; que, par suite, le fait que les comportements agressifs et brusques adoptés par M.F..., retenus parmi les motifs justifiant la sanction disciplinaire de révocation en litige, avaient précédemment justifié que l'intéressé soit suspendu, le 25 mars 2013, de ses fonctions ne révèle pas que l'administration aurait pu sanctionner deux fois l'intéressé à raison des mêmes faits ; que M. F...ne peut utilement invoquer, à cet égard, l'article 4 du protocole n° 7 annexé à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui s'applique seulement aux poursuites engagées devant les juridictions pénales ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu d'un entretien au cours duquel M. F...a été entendu, le 12 avril 2013 par la directrice de l'EHPAD Résidence " Les Oyats " et son adjointe, que l'intéressé a alors avoué avoir crié, dans un moment d'énervement, sur une résidente et l'avoir prise sans ménagement par le bras ; que M. F...a également avoué avoir déjà haussé à plusieurs reprises le ton à l'égard de personnes résidentes ; qu'en outre, un message électronique, dont le caractère probant et le contenu ne sont pas contestés, adressé le 12 juin 2013 par deux aides soignantes à la responsable du service hôtelier, fait apparaître que M. F...a déposé une bouteille d'eau dans la chambre d'une résidente non autorisée pour motif médical à boire de l'eau sous la forme liquide, l'intéressé ayant reconnu à cette occasion ne pas avoir en sa possession la liste des résidents soumis à cette restriction et ne pas avoir le temps de consulter ce type de listes ; qu'ainsi, il est établi que l'intéressé a, d'une part, adopté des comportements agressifs et brusques à l'encontre de personnes âgées vulnérables, d'autre part, a mis en danger la vie d'une autre personne en l'exposant, par sa négligence et sa désinvolture, à un risque sérieux pour sa santé ; que ces deux motifs, retenus par la décision contestée et qui ne reposent pas sur ceux des témoignages dont M. F...conteste le caractère probant, constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'eu égard à la particulière gravité de ces agissements, susceptibles de porter atteinte à l'intégrité physique et psychique des personnes âgées vulnérables accueillies dans l'établissement, ceux-ci suffisaient à justifier, à eux seuls, la sanction de révocation, qui n'est pas disproportionnée ; qu'ainsi, à supposer que certains des autres motifs, surabondants, retenus par la décision contestée ne seraient pas établis dans leur réalité, cette situation serait sans incidence sur la légalité de celle-ci ; que les conclusions à fin d'annulation de cette décision doivent, dès lors, être rejetées, de même, par voie de conséquence, que celles à fin d'injonction ;
8. Considérant qu'il y a lieu, par voie de conséquence du rejet des conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision contestée, de rejeter les conclusions présentées par M. F...tendant à la condamnation de l'EHPAD Résidence " Les Oyats " à lui verser une somme de 58 000 euros à titre de réparation du préjudice représentatif de la perte de rémunération qu'il invoque ;
9. Considérant, enfin, que dès lors qu'aucune disposition législative ni réglementaire ne prévoit le versement, à un agent faisant l'objet d'une révocation, d'une indemnité pour congé non pris, les conclusions du requérant tendant à la condamnation de l'EHPAD Résidence " Les Oyats " à lui verser une somme de 400 euros à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 3 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'EHPAD Résidence " Les Oyats ", qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, en application des mêmes dispositions, une somme à la charge de M. F...au titre des frais exposés par l'EHPAD Résidence " Les Oyats " et non-compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'EHPAD Résidence " Les Oyats " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F...et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence " Les Oyats ".
Copie en sera adressée, pour information, au directeur de l'agence régionale de santé du Nord - Pas-de-Calais- Picardie.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA00142
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