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19/07/2016 | FRANCE | N°15DA01572

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 19 juillet 2016, 15DA01572


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 du préfet de l'Eure portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente de jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1501266 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2015, MmeB..., représentée par Me C...D..., dema

nde à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Rouen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 du préfet de l'Eure portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente de jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1501266 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2015, MmeB..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2014 du préfet de l'Eure ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de fait ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation s'agissant tant du refus de séjour que de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît ainsi les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- l'obligation de quitter le territoire français se fonde sur les articles L. 741-4 et L. 742-6 qui méconnaissent les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 46 de la directive 2013/32/UE relative à l'asile ; le tribunal a écarté ce moyen sans y répondre suffisamment ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2015, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante géorgienne née le 13 avril 1988, déclare être arrivée en France le 20 janvier 2014 à l'âge de 25 ans ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des refugiés et apatrides du 10 juillet 2014 ; que, par l'arrêté attaqué du 23 décembre 2014, le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ; qu'elle relève appel du jugement du 7 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu au point 9 de celui-ci, de manière suffisamment motivée, au moyen tiré de l'erreur de fait qui entacherait l'obligation de quitter le territoire français et de manière également suffisamment motivée, aux points 2 à 5 du même jugement, à celui tiré de l'inconventionnalité des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fondant l'arrêté en litige et de l'atteinte à son droit au recours effectif ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Rouen serait entaché d'irrégularité ;

Sur le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant que la décision par laquelle le préfet de l'Eure a refusé la délivrance d'un titre de séjour à la requérante comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est donc suffisamment motivée ; qu'en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'implique pas de mention spécifique, dès lors que ce refus est, comme en l'espèce, suffisamment motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de MmeB..., alors même que l'arrêté comporterait une erreur de fait sur sa situation matrimoniale en relevant qu'elle était mariée alors qu'elle était divorcée ; qu'il résulte en outre de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis une telle erreur ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; qu'aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter " ;

7. Considérant que la demande d'asile d'un étranger dont le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du même code, ou qui s'est vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document, fait l'objet d'un traitement selon la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cet étranger dispose du droit de contester la décision de rejet prononcée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il dispose également de la possibilité de saisir le tribunal administratif d'un recours en référé liberté contre le refus d'admission provisoire au séjour opposé pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 ainsi que d'un recours pour excès de pouvoir suspensif contre l'obligation de quitter le territoire et la mesure fixant le pays de renvoi prises à la suite du rejet de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, le droit au recours effectif n'implique pas nécessairement que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction devant laquelle, au demeurant, l'étranger dispose de la faculté de se faire représenter par un conseil ou par toute autre personne ; que, dès lors, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne seraient pas compatibles avec le droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par celles de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet de l'Eure serait illégale dès lors que cette mesure a été prise avant l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en méconnaissance de son droit à un recours effectif, doit être écarté ;

8. Considérant que Mme B...ne peut utilement soutenir que les dispositions applicables en matière de procédure prioritaire mises en oeuvre pour l'arrêté attaqué seraient contraires à la directive 2013/32/UE " d'applicabilité directe " dès lors qu'il résulte de l'article 53 de cette directive que l'abrogation de la directive 2005/85/CE qu'elle emporte n'a pris effet qu'au 21 juillet 2015 ; que, par suite, à la date de la décision en litige, le délai accordé jusqu'au 20 juillet 2015 aux Etats membres pour transposer en droit interne les dispositions précitées de l'article 46 de la directive du 26 juin 2013 n'était pas expiré ; que, par suite, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de cette directive ;

9. Considérant que la décision obligeant Mme B...à quitter le territoire français n'a pas pour objet de fixer le pays de destination, lequel est déterminé par une décision distincte ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'en raison des risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, cette obligation aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant et doit être écarté ;

10. Considérant que, comme il a été dit au point 8, l'arrêté en litige ne méconnaît pas son droit à un recours effectif ; que, si Mme B...soutient avoir appris la langue française et avoir fait preuve d'une volonté d'intégration, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est célibataire, qu'elle n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, et que son enfant était âgé de moins d'un an à la date de la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me C...D....

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Laurent Domingo, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. F...Le président de chambre,

Signé : M. E...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01572


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01572
Date de la décision : 19/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-19;15da01572 ?
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