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12/07/2016 | FRANCE | N°16DA00288

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ére chambre - formation à 3 (ter), 12 juillet 2016, 16DA00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 septembre 2015 par lequel la préfète du Pas de Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1508079 du 6 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2016, M. C...B..., représ

enté par Me A...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 septembre 2015 par lequel la préfète du Pas de Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1508079 du 6 janvier 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2016, M. C...B..., représenté par Me A...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Pas-de-Calais, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte également ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'existence du contrat de travail du 25 février 2014, ni à celui tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire ;

- la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- la motivation est incomplète et stéréotypée ;

- l'administration n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- en sa qualité de titulaire d'une carte de résident de longue durée délivrée par l'Italie, il était dispensé de l'obligation de présenter le visa de long séjour requis par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'administration n'a pas tenu compte de sa précédente demande de titre de séjour présentée le 20 septembre 2012, deux semaines après son entrée en France ;

- il avait signé un contrat de travail à temps complet le 25 février 2014 avec la SARL Epicerie Marrakech et un contrat de travail à temps partiel le 23 avril 2015 avec la société Médina City ;

- la préfète, qui s'est estimée liée par l'avis de la DIRECCTE, n'a pas procédé à un examen complet de la demande portant sur le contrat du 25 février 2014 ;

- la préfète n'a examiné que la promesse d'embauche du 17 février 2015 de la société Médina City mais non le contrat de travail effectivement signé ;

- la préfète n'a ni visé, ni examiné la promesse d'embauche du 25 novembre 2013 de l'entreprise Entrepôt ;

- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il viole le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- un résident longue durée - CE ne pouvant faire l'objet d'une telle mesure sur le fondement de l'article L. 511-1, inapplicable en l'espèce, l'obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale ;

- la préfète n'a pas examiné s'il y avait lieu de le reconduire en priorité vers l'Italie ;

- il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations sur la mesure d'éloignement envisagée ;

- la préfète n'a pas saisi les autorités italiennes ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle viole le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays d'éloignement a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas été prise au terme d'un examen personnel ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;

- prise sur un fondement légal inadéquat, elle est de ce fait inintelligible ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2016, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, né en 1971, s'est installé en 2000 en Italie où les autorités de cet Etat lui ont délivré une carte de résident longue durée - CE le 15 juin 2012 ; que, le 6 septembre 2012, M.B..., son épouse et leurs enfants sont venus s'établir dans le Pas-de-Calais où réside une partie de leur famille ; que, par un arrêté du 2 septembre 2015, la préfète du Pas-de-Calais a rejeté sa demande du 28 février 2014 tendant à la délivrance d'un titre de séjour " salarié ", lui a fait obligation de quitter le territoire dans les trente jours et a prévu sa remise aux autorités italiennes au terme de ce délai ; que M. B...relève appel du jugement du 6 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif a visé le moyen tiré de ce que, s'agissant du premier contrat de travail conclu le 25 février 2014, la préfète du Pas-de-Calais qui se serait estimée liée par l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ne se serait pas livrée à un examen complet et sérieux de la demande ; qu'il y a répondu au point 11 de son jugement ; que l'erreur factuelle qui entache cette motivation, qui porte sur la date de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi émis sur le premier contrat - celui étant du 25 avril 2014 et non du 6 mai 2015-, n'en affecte pas l'intelligibilité ;

3. Considérant que le tribunal administratif a visé le moyen tiré de ce que M.B..., détenteur d'un titre de résident longue durée - CE en cours de validité, ne pouvait que faire l'objet d'une remise aux autorités italiennes sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exclusion de toute obligation de quitter le territoire sur le fondement de l'article L. 511-1 ; qu'il a analysé, ainsi que le requérant l'avait au demeurant présenté, ce grief comme un moyen tiré de l'erreur de droit et non de l'insuffisance de motivation en droit ; qu'il y a répondu aux points 21 et 22 de son jugement ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Lille serait entaché d'irrégularité en raison d'une omission à statuer ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. Considérant que, par un arrêté préfectoral du 16 février 2015, régulièrement publié au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais du même jour, M. D... E..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques, a reçu délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives aux droits au séjour sur le territoire français et aux titres de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;

6. Considérant que, pour prendre la décision attaquée, la préfète du Pas-de-Calais, qui a visé les dispositions légales dont elle faisait application, s'est fondée sur le double motif tiré de ce que M. B...ne présentait pas à l'appui de sa demande le visa de long séjour requis par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que les contrats de travail et promesses d'embauche dont il se prévalait ne lui permettaient pas d'obtenir l'autorisation de travail qu'il sollicitait ; que la décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

7. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision, ni des autres pièces du dossier que la préfète du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M.B... ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée - CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : / (...) / 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 de ce code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la préfète ne peut exiger la production d'un visa de longue durée lorsqu'un étranger, titulaire d'une carte de résident de longue durée - CE accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne et justifiant de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle sur le fondement de l'article L. 313-10 dès lors que cette demande a été présentée dans les trois mois qui suivent son entrée en France ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M.B..., entré en France le 6 septembre 2012, est titulaire d'un permis de résidence longue durée - CE délivré par les autorités italiennes, il n'a présenté sa demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle mentionnée au 5° des dispositions précitées de l'article L. 313-4-1 que le 28 février 2014, soit plus de trois mois après son entrée en France ; que, dès lors, il n'était pas dispensé de la condition de visa de long séjour prévue à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir de la demande de carte de résident présentée le 20 septembre 2012, et rejetée le 15 mai 2013, ce titre n'étant pas au nombre des cartes de séjour temporaires mentionnées à l'article L. 313-4-1 qui peuvent être délivrées sans que la production d'un visa de long séjour soit requise à la condition que la demande en ait été faite dans les trois mois de l'arrivée en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la préfète du Pas-de-Calais aurait commis une erreur de droit en se fondant, pour refuser de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sur le 1° de l'article L. 313-10, sur la circonstance qu'il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises doit être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans (...) " ; que l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ;

12. Considérant que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée, la préfète du Pas-de-Calais n'a pu, sans erreur de droit, se fonder en l'espèce sur l' article L. 313-10 pour refuser de délivrer à M. B..., ressortissant marocain, le titre de séjour que celui-ci sollicitait afin de pouvoir exercer une activité salariée en France ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille, à la demande de l'administration, a substitué à ces dispositions les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain, dès lors que cette substitution n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie de procédure et que l'autorité préfectorale dispose du même pouvoir d'appréciation pour faire application de ces dispositions et de ces stipulations ;

13. Considérant que, si M. B...a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un contrat à durée déterminée établi le 25 février 2014 par le gérant de la SARL Epicerie Marrakech pour la période du 1er mars 2014 au 28 février 2015, il n'est pas sérieusement contesté par le requérant que l'employeur s'est abstenu de transmettre à l'administration les documents permettant d'apprécier l'adéquation entre le diplôme et l'emploi, les motifs de recrutement du salarié et les recherches entreprises par lui pour trouver un salarié sur le marché du travail français ; que, le dossier étant incomplet, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) a émis, le 25 avril 2014, un avis défavorable sur cette demande ; que le refus préfectoral d'accorder l'autorisation de travail sollicitée est ainsi justifié par le défaut de production par l'employeur des pièces indispensables à l'instruction de la demande, l'avis défavorable de la DIRRECTE ne faisant que mettre en lumière la défaillance de l'employeur à produire les éléments demandés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait méprise sur l'étendue de sa compétence ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle ne se serait pas livrée à un examen sérieux de la demande de M.B..., alors même que l'employeur ne lui avait fourni qu'un dossier incomplet ;

14. Considérant que si l'arrêté préfectoral ne mentionne que la promesse d'embauche de la société Medina City du 17 février 2015 alors qu'un contrat de travail a été en définitive signé le 23 avril 2015, ce dont l'administration aurait été informée, cette erreur est sans incidence sur le sens de la décision attaquée dès lors qu'il est constant que le contenu de la promesse d'embauche correspond à celui du contrat de travail ; qu'elle ne révèle pas un défaut d'examen sérieux de la demande ; que, pour le surplus, l'appelant ne conteste pas devant la cour les motifs qui ont conduit la préfète à refuser une autorisation de travail au titre de ce contrat ; que la circonstance que la société Medina City aurait conclu un contrat à temps complet à durée indéterminée avec M. B...postérieurement à l'arrêté attaqué est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;

15. Considérant que M. B...ne saurait utilement se prévaloir de la promesse d'embauche en qualité de chauffeur-livreur au sein de l'entreprise Entrepôt du 25 novembre 2013 dès lors qu'il n'a pas sollicité d'autorisation de travail au titre de cette promesse ; qu'en tout état de cause, la préfète n'avait pas à mentionner dans sa décision cette promesse d'embauche dont elle n'était ni informée, ni saisie ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

17. Considérant que l'épouse de M. B...est, tout comme lui, en situation irrégulière ; que sa situation fait l'objet d'une requête sur laquelle la cour a statué par un arrêt de ce jour ; que ses enfants sont mineurs ; qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches personnelles en Italie, pays où il a vécu de 2000 à 2012, où il a été autorisé à résider et où la cellule familiale a vocation à se reconstituer, ni au Maroc, pays dont il la nationalité et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans ; qu'il ne justifie pas de la présence de proches parents en France ni d'une insertion particulière dans la société française ; que, dès lors, compte tenu des conditions de son séjour en France et de sa durée, le refus de séjour n'a pas porté une atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, l'autorité préfectorale n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle ne s'est pas davantage manifestement méprise sur la gravité des conséquences d'un refus de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé ;

18. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

19. Considérant qu'aucune circonstance ne s'oppose à ce que les trois enfants du requérant, âgés respectivement de onze ans, neuf ans et demi et un an et demi, l'accompagnent avec son épouse en Italie, pays dans lequel les deux aînés sont nés et ont grandi; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le refus de délivrer un titre de séjour à M. B...n'est pas entaché d'illégalité ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

21. Considérant que la délégation de signature mentionnée au point 5 donnait compétence à M. E...pour signer la décision attaquée ;

22. Considérant que la décision attaquée relève que M. B...ne pouvait se voir délivrer un premier titre de séjour en qualité de salarié et cite l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui énumère les situations dans lesquelles la préfète peut prononcer une obligation de quitter le territoire ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

23. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision, ni des autres pièces du dossier que la préfète du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M.B... ;

24. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 20, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. B...ne peut qu'être écarté ;

25. Considérant que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre ; que, toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;

26. Considérant qu'il résulte du principe rappelé au point précédent que la préfète du Pas-de-Calais pouvait légalement prendre à l'encontre de requérant, ce qu'elle a fait en l'espèce, une décision portant obligation de quitter le territoire sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que l'intéressé était titulaire d'un titre de résident de longue durée - CE délivré par l'Italie en cours de validité ; que la circonstance que l'auteur de l'arrêté aurait omis de viser l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est, dès lors, inopérant ; qu'il ressort également de l'article 3 de l'arrêté que la préfète, qui a décidé qu'à l'expiration du délai de trente jours qui lui était assigné pour quitter le territoire M. B...pourrait être remis aux autorités italiennes, a nécessairement examiné s'il y avait lieu de reconduire en priorité M. B...vers cet Etat ou vers celui dont il avait la nationalité, c'est-à-dire le Maroc ; que la circonstance que M. B...n'ait pas été invité à faire connaître ses préférences n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision, ni privé l'intéressé d'une garantie dès lors qu'il lui était loisible, dans le délai de trente jours qui lui était assigné pour quitter le territoire, de repartir en Italie ou au Maroc, ou vers tout autre pays de son choix disposé à l'admettre ; que la préfète n'avait pas à saisir les autorités italiennes en vue d'une réadmission qui ne présentait à ce stade de la procédure qu'un caractère éventuel ;

27. Considérant que, pour les motifs précédemment évoqués, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

28. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité ;

Sur légalité de la décision fixant le pays de destination :

29. Considérant que la délégation de signature mentionnée au point 5 donnait compétence à M. E...pour signer la décision attaquée ;

30. Considérant que la décision attaquée vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle rappelle que le requérant faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, qu'il a la nationalité marocaine, que lui et sa femme détiennent une carte de résident de longue durée en Italie, pays où leur vie familiale peut se poursuivre, et qu'ils n'établissent pas être exposés à des traitements inhumains et dégradants dans ce pays ou au Maroc ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

31. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Pas-de-Calais aurait entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen sérieux et approfondi de la situation personnelle du requérant ;

32. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit au point 28, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. B...à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

33. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible " ;

34. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 513-2, applicables à la situation de M.B..., constituent la base légale de la décision fixant l'Italie comme pays de destination prioritaire en cas de refus de l'intéressé de déférer dans un délai de trente jours à l'obligation de quitter le territoire, sans qu'il soit pour autant préjugé de l'usage que feront le requérant et sa famille de la faculté qui leur est laissée de retourner volontairement au Maroc, Etat dont ils ont la nationalité ; que le moyen tiré de ce que la décision fixant l'Italie comme pays de destination prioritaire serait dépourvue de base légale, ou qu'elle serait inintelligible, doit être écarté ;

35. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, invoqués par le requérant, qui reprennent les mêmes arguments que ceux qu'il avait soulevés à l'encontre des précédentes décisions doivent être écartés pour les mêmes motifs ;

36. Considérant que si le requérant semble soutenir que le choix par la préfète de retenir l'Italie de préférence au Maroc ou à tout autre pays où il serait légalement admissible comme pays d'éloignement en cas de refus d'obtempérer à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour qu'il soit possible à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

37. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de destination doivent être rejetées ;

38. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ; que ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information à la préfète du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2016.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°16DA00288 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ére chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 16DA00288
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-07-12;16da00288 ?
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