Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 16 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Marchiennes a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision implicite du maire du 16 mars 2012 rejetant leur recours gracieux et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1203094 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 16 novembre 2011 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2015, la commune de Marchiennes représentée par la SCP Meyer, Verva, Dupont, Lezan, Guerin et Molins, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D...le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis d'apprécier la portée du vice de procédure retenu ;
- les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ont été respectées à propos des deux volets portant sur la définition des objectifs et la concertation ;
- le vice de procédure éventuel n'a pas exercé d'influence et n'a pas privé les habitants d'une garantie ;
- les modalités et le bilan de la concertation ont été respectés ;
- la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal du 30 septembre 2010 et à celle du 16 novembre 2011 était régulière au regard des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;
- le vice éventuel est resté sans incidence ;
- le moyen tiré de l'absence de débat sur les orientations d'aménagement du projet d'aménagement et de développement durable constituait un moyen nouveau irrecevable ;
- le débat sur le projet d'aménagement et de développement durable s'est déroulé lors de la séance du conseil municipal du 16 juin 2008.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2015, M. et Mme C...D..., représentés par Me F...B...concluent au rejet de la requête de la commune de Marchiennes et à la mise à la charge de la commune de Marchiennes de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la délibération du 16 novembre 2011 a également méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme ;
- elle repose enfin sur une erreur manifeste dans le classement d'une parcelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties on été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me E...A..., représentant M. et MmeD....
1. Considérant que, pour prononcer l'annulation de la délibération du 16 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Marchiennes a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur trois motifs tirés, en premier lieu, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, en deuxième lieu, de l'irrégularité de la convocation adressée aux conseillers municipaux pour la séance du conseil municipal du 16 novembre 2011, et, en troisième lieu, de l'absence de débat au sein de conseil municipal sur le projet d'aménagement et de développement durables ; qu'en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ces trois motifs d'annulation qui sont contestés devant elle ;
Sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 123-6 et L. 300-2 du code de l'urbanisme dans leur rédaction alors applicable que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser un document d'urbanisme et, d'autre part, sur les modalités de la concertation ; que la méconnaissance de cette obligation est de nature à entraîner l'illégalité du document d'urbanisme approuvé ; que, si les deux volets sont en principe adoptés simultanément, la décision du conseil municipal peut prendre la forme de deux délibérations successives, notifiées conformément aux dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, pourvu que cette circonstance n'ait pas pour effet de priver d'effet utile la concertation organisée sur les objectifs poursuivis par l'élaboration du plan local d'urbanisme ;
3. Considérant que, par une délibération du 11 juillet 2006, le conseil municipal de la commune de Marchiennes a prescrit la révision du plan local d'urbanisme et a fixé les modalités de la concertation sous la forme d'un registre mis à disposition du public tout au long de la procédure et d'un questionnaire inséré dans le bulletin municipal ; que cette délibération a également indiqué que " la révision du PLU est rendue nécessaire en raison de la non approbation de la modification du POS, prescrite par une délibération du conseil municipal du 7 octobre 1997, avant le 31 mars 2002 " ; que la délibération du 7 octobre 1997 à laquelle la commune a entendu se référer vise uniquement l'objectif " d'un développement harmonieux de la commune " ; que ces indications particulièrement vagues n'ont pas permis aux conseillers municipaux de délibérer, au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune de Marchiennes en projetant de réviser son document d'urbanisme ; que si la commune de Marchiennes entend se prévaloir des débats au cours de la séance du conseil municipal du 16 juin 2008, il ressort du compte rendu synthétique de cette réunion que les conseillers municipaux ont bénéficié d'une communication du directeur du service de l'urbanisme sur les orientations et objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, suivie de questions, sans toutefois être invités à délibérer à cette occasion ni sur les orientations ni davantage, au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune à l'occasion de sa révision du plan local d'urbanisme ; qu'aucune autre délibération portant sur ces objectifs n'est intervenue au cours de la procédure d'élaboration du plan ; que ceux-ci n'apparaissent qu'au IV (" motifs de la révision ") du rapport de présentation qui a été approuvé avec le plan local d'urbanisme révisé, lors de la séance du 16 novembre 2011 ; que, par suite, la commune de Marchiennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu comme motif d'annulation celui tiré de la méconnaissance sur ce point des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;
Sur la convocation des conseillers municipaux à la séance consacrée à la délibération approuvant le plan local d'urbanisme :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour ; que le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat ; que cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions ; qu'elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises ;
6. Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier que la convocation adressée aux conseillers municipaux pour la séance du 16 novembre 2011 était accompagnée d'un projet succinct de délibération approuvant le plan local d'urbanisme, comportant un document retraçant sommairement les étapes de la procédure suivie ; qu'en revanche, aucune note explicative de synthèse sur le projet de plan local d'urbanisme au sens des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ni aucun autre document de portée équivalente comportant une explication relative aux choix ayant présidé à la révision du plan local d'urbanisme n'était annexé à cette convocation ou n'a été transmis avant la séance ; que la commune de Marchiennes ne démontre pas que ces lacunes ont pu être compensées notamment par une information donnée aux membres du conseil municipal à l'occasion de séances de travail préparatoires ; que si, d'une part, un des membres de l'opposition a attesté avoir reçu, à sa demande, le projet de plan local d'urbanisme, il n'a été en mesure d'en contester certains aspects au cours de la séance du 16 novembre 2011 qu'à la faveur de l'analyse qu'il en a faite personnellement ; que si, d'autre part, la commune fait valoir que les membres du conseil municipal pouvaient consulter en mairie l'ensemble des documents relatifs au projet de révision d'environ 300 pages, cette modalité d'information ne dispensait pas le maire de leur adresser un document retraçant les principaux enjeux de la révision ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce manque d'information est intervenu à l'issue d'une procédure marquée par une absence d'objectifs clairement définis et que les documents transmis aux membres du conseil municipal ne leur permettaient pas de connaître les modifications apportées au projet initial à la suite de l'enquête publique ainsi que les résultats de la révision eux-mêmes ; qu'enfin, les attestations pour la plupart très générales fournies par neuf conseillers municipaux sur vingt-sept, ne permettent pas de faire apparaître que les membres de l'assemblée délibérante auraient disposé d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat ; que, dans ces conditions, l'absence de note de synthèse a privé d'une garantie les membres du conseil municipal ; que par suite, la commune de Marchiennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu, pour prononcer l'annulation de la délibération contestée, le motif tiré de l'irrégularité de la convocation des conseillers municipaux à la séance du 16 novembre 2011 consacrée à l'approbation du plan local d'urbanisme ;
Sur le débat au sein du conseil municipal sur le projet d'aménagement et de développement durables :
7. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme applicables au litige, le plan local d'urbanisme comprend un projet d'aménagement et de développement durables ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 123-1-3 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques (...) " ; qu'enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 123-9 du même code : " Un débat a lieu au sein (...) du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables mentionné à l'article L. 123-1-3 (...) au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme (...) " ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables doivent faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour d'une séance du conseil municipal se tenant au moins deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme et que les membres du conseil municipal doivent être mis à même de discuter utilement, à cette occasion, des orientations générales envisagées ;
9. Considérant que le compte-rendu de la séance du 16 juin 2008 du conseil municipal indique qu'une communication sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables a été inscrite à l'ordre du jour et qu'elle a été assurée par le directeur chargé du service de l'urbanisme à la commune ; que ce dernier a attesté, sans être sérieusement contredit que cette communication dont le contenu figure au compte rendu a donné lieu en séance à des questions de conseillers municipaux ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil municipal ont été mis à même de discuter utilement des orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du moyen présenté en première instance, la commune de Marchiennes est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le motif d'annulation tiré d'une absence de " véritable débat " au sein du conseil municipal sur le projet d'aménagement et de développement durables ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le tribunal administratif de Lille aurait prononcé l'annulation de la délibération du 16 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Marchiennes a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, s'il ne s'était fondé que sur les deux premiers motifs d'annulation que la cour a confirmés aux points 3 et 6 du présent arrêt ; qu'il s'ensuit que la commune de Marchiennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 16 novembre 2011 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et MmeD..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la commune de Marchiennes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, revanche, de mettre à la charge de la commune de Marchiennes, une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme D... sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Marchiennes est rejetée.
Article 2 : La commune versera une somme de 1 500 euros à M. et Mme D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Marchiennes et à M. et Mme C...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 19 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juin 2016.
Le président-assesseur
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier
Sylviane Dupuis
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N°15DA01242 3