La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2016 | FRANCE | N°15DA00009

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 04 mai 2016, 15DA00009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Grave-A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tergal Industries, a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du préfet de l'Aisne des 24 octobre et 15 novembre 2012 portant prescription de mesures d'urgence et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1203518,1300128 du 28 octobre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté

ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Grave-A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tergal Industries, a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du préfet de l'Aisne des 24 octobre et 15 novembre 2012 portant prescription de mesures d'urgence et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1203518,1300128 du 28 octobre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2015, et un nouveau mémoire, enregistré le 31 mars 2016, la SELARL Grave-A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tergal Industries, représentée par la SELARL Colignon-Mangel et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de mesures d'urgence du préfet de l'Aisne du 15 novembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce font obstacle à ce que le liquidateur judiciaire soit rendu débiteur des obligations prescrites par l'arrêté ;

- l'arrêté qui est entaché d'une erreur matérielle, a été notifié à Me A...et au liquidateur judiciaire en la personne de la SELARL Grave-A... en violation des dispositions de l'article R. 814-83 du code de commerce ;

- l'arrêté préfectoral attaqué est inopposable à la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Saint-Quentin le 29 septembre 2008 dès lors qu'il s'analyse en une obligation de payer des mesures de mise en sécurité et d'évacuation des déchets qui n'ont pas été portées à la connaissance du liquidateur dans le délai d'un an à compter de la liquidation judiciaire prévu par les dispositions de l'article L. 622-17 du code du commerce ;

- elle n'a pas la capacité financière de subvenir à cette obligation de payer ;

- la motivation est insuffisante quant à l'absence de consultation du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques ;

- l'arrêté prescrivant l'obligation de dépolluer n'est pas opposable à la liquidation judiciaire dès lors que l'arrêté de fermeture du site ne lui a pas été notifié.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre.

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 22 février 2006, le préfet de l'Aisne a autorisé la société Tergal Industries à exploiter une usine de fabrication de fibres et de granulés de polyéthylène téréphtalate sur la commune de Gauchy (Aisne) ; que, par jugement du 28 septembre 2009, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a prononcé la liquidation judiciaire de la société Tergal Industries et désigné comme liquidateur la SELARL Grave-Wallyn-A..., en la personne de Me B...A... ; qu'à la suite d'une visite du site le 1er octobre 2012 par l'inspecteur des installations classées et de son rapport du 15 octobre suivant, le préfet de l'Aisne a pris le 24 octobre 2012 un arrêté de mesures d'urgence enjoignant Me A...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tergal Industries à effectuer, dans un délai d'une semaine, les mesures destinées à assurer la préservation des intérêts mentionnées à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et consistant dans le stockage approprié des fûts et déchets d'amiante ou de fibres céramiques réfractaires (FCR), le nettoyage des zones où ont été déversées accidentellement des substances polluantes et l'élimination des déchets des FCR ou de l'amiante ; que la SELARL Grave-A... relève appel du jugement du 28 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique " ; qu'aux termes de l'article L. 512-20 : " En vue de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en oeuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d'un accident ou incident survenu dans l'installation, soit les conséquences entraînées par l'inobservation des conditions imposées en application du présent titre, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts précités. Ces mesures sont prescrites par des arrêtés pris, sauf cas d'urgence, après avis de la commission départementale consultative compétente " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa version alors applicable : " I. Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué qu'il se fonde sur les constatations opérées par l'inspection des installations classées qui, présente sur le site le 1er octobre 2012, a relevé que des déchets souillés par du fluide thermo-conductible ou d'autres bidons au contenu non identifié n'étaient pas stockés dans de bonnes conditions, que des conduits de fibres céramiques réfractaires et des tresses amiantées étaient stockés à même le sol, sans protection, dans l'attente de leur transfert vers la Tunisie, et que des mesures particulières devaient être prises immédiatement afin que leur transport vers ce pays puisse être assuré dans des conditions réglementaires et que ces déchets ne souillent pas les lieux ; qu'enfin, des traces d'huile d'hydrocarbures ont également été identifiées dans l'ancien bâtiment de la chaufferie ; que l'arrêté préfectoral a pour objet de prescrire des mesures d'urgence destinées à prévenir la pollution du site et n'impose pas, par lui-même, à son destinataire de prendre des mesures de dépollution ; qu'il se déduisait des manquements constatés aux règles qui s'appliquent notamment au stockage des déchets d'amiante en instance de transfert vers l'étranger, et plus généralement de la négligence générale des mesures destinées à prévenir la pollution du site et des sols dans la période de liquidation, que le préfet entendait y répondre à très brefs délais afin de parer aux conséquences dommageables qui pouvaient résulter des conditions de stockage des produits ; qu'ainsi, cette autorité a suffisamment motivé son arrêté pour justifier le défaut de consultation préalable du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de commerce qu'à dater du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens et que ses droits et actions concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre par le préfet des pouvoirs, notamment de police administrative, dont il dispose, en vertu des dispositions précitées du code de l'environnement en vue de la remise en état du site ; qu'ainsi, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tergal Industries, il incombait à la SELARL Grave-A..., à qui l'arrêté est opposable, d'exécuter les obligations contenues dans l'arrêté du préfet de l'Aisne du 15 novembre 2012 destinées à évacuer les déchets dangereux et à assurer la mise en sécurité du site ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 841-83 du code de commerce : " Le mandat de justice est exercé par la société d'administrateurs judiciaires ou de mandataires judiciaires. Le juge désigne celui ou ceux des associés qui conduiront la mission au sein de la société et en son nom " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un jugement du 28 septembre 2009, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a désigné la SELARL Grave-A... comme liquidateur judiciaire de la société Tergal Industries, en la personne de Me B...A... ; que ce jugement est visé par le préfet dans son arrêté du 15 novembre 2012 ; que, dès lors, la seule circonstance que l'arrêté préfectoral se borne à citer MeA..., et non la SELARL ne fait pas apparaître l'existence d'une confusion opérée entre la situation personnelle de Me A... et sa mission de liquidateur ès-qualité ;

8. Considérant que la requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 622-17 du code de commerce qui s'appliquent à l'entreprise au cours de la période d'observation et non, comme c'est le cas en l'espèce à l'entreprise placée en liquidation judiciaire ; qu'en tout état de cause, les dispositions du code de commerce qui régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l'objet d'une procédure collective, ne font pas obstacle à ce que l'administration fasse usage de ses pouvoirs, notamment de police administrative, qui peuvent la conduire, dans les cas où la loi le prévoit, à mettre à la charge de particuliers ou d'entreprises, par voie de décision unilatérale, des sommes dues aux collectivités publiques ; qu'en l'espèce, l'arrêté attaqué qui se borne à prescrire des mesures de stockage des résidus d'amiante et de nettoyage des substances polluantes ou dangereuses n'est pas, en tout état de cause, assorti de mesures relatives au recouvrement des créances qui résulteraient de son inexécution ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que les règles relatives à la procédure judiciaire applicable au recouvrement des créances, lesquelles s'imposent à l'administration pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues, auraient été méconnues ;

9. Considérant que l'arrêté attaqué a pour seul objet de prescrire des mesures d'urgence destinées à prévenir la pollution du site et n'impose pas à son destinataire de prendre des mesures de dépollution ; que la SELARL Graves-A... ne peut utilement invoquer la circonstance qu'un arrêté de fermeture du site, dont rien n'indique qu'il ait été pris, ne lui aurait pas été notifié en sa qualité de liquidateur judiciaire pour soutenir que l'arrêté prescrivant des mesures urgentes lui serait inopposable ;

10. Considérant que la circonstance que le liquidateur judiciaire ne disposerait pas des fonds nécessaires à la mise en oeuvre des mesures d'urgences prescrites par l'arrêté est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Grave-A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Tergal Industries, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2012 par lequel le préfet de l'Aisne l'a enjointe de prendre des mesures d'urgence afin d'assurer la sécurité du site et l'évacuation des déchets ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SELARL Grave-A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Grave-A... et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 21 avril 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 mai 2016.

Le Président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°15DA00009 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00009
Date de la décision : 04/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : MANGEL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-04;15da00009 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award