Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Me J...E..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orchies Logistique, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 22 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 24 août 2012 de l'inspecteur du travail en poste à Douai autorisant le licenciement de M. G...B..., salarié protégé, et a refusé de donner cette autorisation.
Par un jugement n° 1302836 du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et mis une somme de 1 000 euros à la charge de Me E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er août 2014, le 28 novembre 2014 et le 2 février 2016, Me E..., représentée par Me A...F..., demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 4 juin 2014 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 22 février 2013.
Elle soutient qu'elle s'est acquittée de l'obligation de recherche sérieuse et individualisée de solutions de reclassement pour les salariés protégés de la société Orchies Logistique susceptibles de faire l'objet d'un licenciement pour motif économique, au nombre desquels était M. B..., notamment au sein du groupe MGF Logistique auquel appartenait cette société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2015, M. G...B..., représenté par Me H...D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Me E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que :
- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement à son égard ;
- la réalité du motif économique invoqué pour justifier son licenciement n'est pas établie ;
- la mesure de licenciement n'est pas dépourvue de tout lien avec l'exercice de son mandat.
Une mise en demeure a été adressée le 10 février 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- et les observations de Me C...I..., substituant Me A...F..., représentant MeE....
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. / (...) " et qu'aux termes de l'article L. 1233-4 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises " ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein des établissements relevant du groupe auquel appartient cette dernière et dont les activités ou l'organisation offrent aux salariés concernés la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MeE..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orchies Logistique, a saisi, par un courrier du 24 juillet 2012, la société MGF Logistique, société mère du groupe MGF Logistique, dont faisait partie la société Orchies Logistique, d'une demande tendant à ce que soient recherchés, au sein des entités de ce groupe, les postes qui pourraient être disponibles afin de permettre le reclassement de son personnel et notamment de ses salariés protégés, au nombre desquels était M.B..., qui détenait les mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'à ce courrier était jointe une liste de l'ensemble des salariés susceptibles d'être concernés par une mesure de licenciement économique, précisant pour chacun d'entre eux la désignation de leur emploi, ainsi que leur niveau de rémunération et de qualification et leur ancienneté ; qu'en réponse à cette demande, la société MGF Logistique a fait connaître à Me E..., par une lettre du 27 juillet 2012, que plusieurs postes de reclassement avaient pu être identifiées, d'une part, au sein du périmètre du groupe MGF Logistique, à savoir un poste de responsable des ressources humaines pour le compte des sociétés implantées dans le Nord et en Ile-de-France et un poste de préparateur de commandes à Toulouse, d'autre part, au sein du périmètre du groupe G7, dont elle fait elle-même partie, à savoir une quinzaine de postes de téléconseillers au sein de la société Serenis, qui exploite un centre d'appels à Châteauroux, et quatre postes de téléacteur pour le compte de la société ISC, qui exerce à Reims une activité de gestion téléphonique des réservations d'une compagnie de taxis ;
4. Considérant toutefois que, si, dans le même temps, Me E... a pris l'attache de la commission nationale paritaire de l'emploi du secteur du transport et de la logistique, ainsi que celle d'une douzaine d'entreprises relevant de cette profession afin d'obtenir leur concours en vue de rechercher des possibilités de reclassement externe des salariés concernés, elle n'établit, ni d'ailleurs n'allègue avoir effectué aucune démarche directe auprès des sociétés membres du groupe MGF Logistique, dans le but d'obtenir qu'elles procèdent à la recherche de postes susceptibles de permettre le reclassement des salariés protégés de la société Orchies Logistique ; qu'en se bornant ainsi à s'adresser à la seule société mère du groupe et non directement à ses filiales, en dépit des difficultés inhérentes à une procédure de liquidation judiciaire, Me E... ne justifie pas du sérieux de la recherche des possibilités de reclassement à laquelle elle était tenue auprès de chacune des sociétés du groupe dont les activités ou l'organisation auraient pu offrir à M. B...la possibilité d'exercer des fonctions comparables à celles qu'il occupait au sein de la société Orchies Logistique ; qu'il ressort au demeurant des pièces du dossier qu'une visite de contrôle opérée le 1er août 2012 par l'inspecteur du travail au sein de la société Lille Logistique, qui est une entité du groupe MGF Logistique, a révélé que celle-ci employait de façon permanente, au motif d'un surcroît d'activité, une dizaine de travailleurs intérimaires pour occuper des emplois de préparateurs de commandes, qui correspondaient aux aptitudes professionnelles des sept salariés protégés de la société Orchies Logistique, notamment à celles de M.B..., qui occupait un emploi de cariste, et qui auraient pu lui être proposés en vue de son reclassement ; que les éléments constatés par l'inspecteur du travail sont corroborés par un état, versé au dossier, des heures de travail effectuées par les travailleurs intérimaires employés par la société Lille Logistique en 2012, duquel il ressort que le total des heures effectuées en juin et juillet 2012 atteignait respectivement 17 et 14 équivalents temps plein ; qu'il est constant qu'aucun de ces postes n'a été proposé à l'intéressé, sans que Me E... puisse utilement invoquer une mention du protocole d'accord signé le 2 août 2012 pour mettre fin à un conflit social, selon laquelle les parties s'accordent à reconnaître qu'il n'existe pas de poste disponible au sein de la société Lille Logistique ; qu'une correspondance adressée par l'inspecteur du travail le 17 mai 2013 au directeur du site concerné de la société Lille Logistique révèle d'ailleurs que cette situation de recours systématique aux contrats d'intérim perdurait à cette date, à laquelle un accord a été finalement trouvé pour permettre la requalification des contrats des salariés concernés en des engagements pérennes ; qu'ainsi et alors même qu'une offre de reclassement portant sur plusieurs postes disponibles au sein du groupe G7 a été proposée le 31 juillet 2012 à M.B..., pour estimer, par la décision contestée du 22 février 2013, que les efforts de reclassement mis en oeuvre à l'égard de l'intéressé, lesquels devaient être appréciés à la fin juillet 2012, date à laquelle son licenciement pouvait être envisagé, avaient été insuffisants et pour annuler, pour ce motif, l'autorisation de le licencier, délivrée le 24 août 2012 par l'inspecteur du travail, et refuser de donner cette autorisation, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à la charge de Me E...au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Me E...est rejetée.
Article 2 : Me E...versera à M. B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me J...E..., à M. G...B...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Délibéré après l'audience publique du 11 février 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA01355
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