La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2016 | FRANCE | N°15DA00868

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 04 février 2016, 15DA00868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Terminal Porte Océane a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la reprise des relations contractuelles avec le Grand port maritime du Havre (GPMH) concernant la convention d'exploitation du terminal " Port 2000 " conclue le 11 mai 2006 en ce qui concerne l'attribution à son profit d'un troisième poste à quai sur ce terminal et de lui enjoindre de lui attribuer à nouveau, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte, le troisième poste

à quai prévu par cette convention, ou, à défaut, un poste à quai contigu au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Terminal Porte Océane a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la reprise des relations contractuelles avec le Grand port maritime du Havre (GPMH) concernant la convention d'exploitation du terminal " Port 2000 " conclue le 11 mai 2006 en ce qui concerne l'attribution à son profit d'un troisième poste à quai sur ce terminal et de lui enjoindre de lui attribuer à nouveau, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte, le troisième poste à quai prévu par cette convention, ou, à défaut, un poste à quai contigu aux deux postes qu'elle exploite.

Par un jugement n° 1300403 du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai et 21 décembre 2015, la société Terminal Porte Océane (TPO), représentée par la SCP Boivin et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de faire droit aux conclusions de sa demande ;

3°) de mettre à la charge du GPMH la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif de Rouen n'était pas tardive ;

- la décision de résiliation a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard des stipulations de la convention d'exploitation de terminal du 11 mai 2006 ;

- elle porte sur des dépendances domaniales qui n'ont jamais constitué l'emprise du troisième poste à quai qui lui avait été attribué ;

- elle ne tient pas compte du développement de son volume d'activité et contrevient à l'intérêt général qui s'attache au développement du volume de trafic de conteneurs Port 2000.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2015, le Grand port maritime du Havre, représenté par la SELAS Adamas, demande à la cour :

1°) de rejeter l'ensemble des demandes de la société TPO ;

2°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des ports maritimes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C..., représentant de la société Terminale Porte océane, et Me D...B..., représentant du Grand port maritime du Havre.

1. Considérant qu'une convention précisant les conditions d'exploitation et de réalisation du terminal " Port 2000 " a été conclue le 11 mai 2006 entre le Grand port maritime du Havre (GPMH) et la société Terminal Port Océane (TPO) ; qu'à la suite de la résiliation partielle de cette convention prononcée par le port en ce qui concerne le troisième poste à quai qu'elle exploitait, la société a saisi le tribunal administratif de Rouen le 7 février 2013 d'une demande contestant la validité de cette mesure et tendant à la reprise des relations contractuelles sur ce point ; que la société TPO relève régulièrement appel du jugement du 31 mars 2015 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande ;

2. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu'elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; qu'eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester cette mesure, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ; qu'il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant ;

3. Considérant que la convention précisant les conditions d'exploitation et de réalisation du terminal " Port 2000 " conclue le 11 mai 2006 entre le Grand port maritime du Havre et la société Terminal Port Océane prévoit que le terminal fera l'objet d'une mise en exploitation en deux phases successives, la première portant sur l'exploitation par la société des postes à quai situés entre les points métriques (pm) 2450 et 3150, et la seconde prévoyant une extension de cette exploitation à un troisième poste à quai à construire à la date de signature du contrat et dont l'emplacement était fixé entre les pm 2100 et 2450 ; que l'exploitation du troisième poste à quai devait intervenir dans un délai indicatif de un à deux ans après les deux premiers postes et devait en outre répondre aux autres stipulations de la convention ; qu'au nombre de celles-ci figurent la possibilité pour le port de prononcer la résiliation partielle du troisième poste à quai seulement dans les cas et sous les conditions prévus à l'article 16 de la convention ; que ces stipulations sont distinctes de celles relatives à la résiliation de l'ensemble de la convention prévue par l'article 15 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 16-2 (" Insuffisance de trafic ") de la convention d'exploitation du terminal en litige : " Si, au-delà des 24 (vingt-quatre) premiers mois d'exploitation des 2 (deux) premiers postes, le trafic cumulé réalisé sur le terminal par l'Entreprise pendant une période de 12 (douze) mois consécutifs, reste inférieur au seuil annuel de 340 000 (trois cent quarante mille) EVP [environ vingt pieds] pendant 3 mois de suite, le Port peut résilier la Convention pour ce qui concerne le 3e poste (poste 6) et les surfaces correspondantes sans que l'Entreprise ne dispose de moins de 2 postes à quai. / Si au delà de 12 (douze) mois d'exploitation du 3e poste (poste 6), le trafic cumulé pendant une période de 12 (douze) mois consécutifs reste inférieur : / - au seuil annuel de 490 000 (quatre cent quatre-vingt-dix mille) EVP pendant 3 (mois) de suite sans être inférieur au niveau défini à l'article 15.2 (b) permettant la résiliation de la Convention, le Port peut résilier partiellement la Convention d'Exploitation pour ce qui concerne le poste P6, le plus à l'Ouest du terminal et les surfaces correspondantes, / - au seuil annuel de 400 000 (quatre cent mille) EVP pendant 3 (trois) mois de suite sans être inférieur au niveau défini à l'article 15.2 (b), le Port peut résilier partiellement la Convention d'Exploitation pour ce qui concerne l'un des postes à quai et les surfaces correspondantes. / Dans cette hypothèse, les objectifs de trafic à respecter seront adaptés par avenant à la surface de terre-plein disposera l'opérateur " ; que selon l'article 16-3 (" Modalités ") de la même convention : " Les retraits partiels mentionnés aux articles 16.1 [retrait pour vétusté ou obsolescence, non en cause en l'espèce] et 16.2 interviennent 2 (deux) mois après la notification à l'Entreprise de la décision du Port par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et, si dans ce délai de 2 (deux) mois elle en a fait la demande, après audition de l'Entreprise. Ils n'ouvrent pas droit à indemnité " ; que les stipulations du b) de l'article 15.2 (" Résiliation à l'initiative du Port ") permettent, en outre, au port de prononcer la résiliation de la convention lorsque l'entreprise ne remplit pas les obligations qui découlent de la convention notamment dans les cas mentionnés à cet article ; que ces mêmes stipulations prévoient que : " Sauf urgence, la résiliation est prononcée après que l'Entreprise a été mise en demeure de présenter ses observations et, si elle en fait la demande, a été entendue, et prend effet à l'expiration d'un délai qui ne saurait être inférieur à 6 (six) mois à compter de la notification de la décision l'entreprise par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " ;

5. Considérant qu'il résulte des stipulations rappelées au point précédent qu'en vertu de l'article 15.2, la résiliation de la convention intervient par une décision notifiée dont les effets sont reportés à une échéance de six mois au moins et qui, sauf urgence, est nécessairement précédée d'une procédure contradictoire ; qu'en revanche, en cas de résiliation partielle, laquelle ne peut, en vertu de l'article 16.2, intervenir que dans les hypothèses d'insuffisance de trafic limitativement et clairement déterminées par ces stipulations, et qui ne peut porter que sur l'exploitation du troisième poste à quai sans que l'entreprise ne dispose de moins de deux postes à quai, la procédure contradictoire est spécialement aménagée par les stipulations de l'article 16-3 ; que, dans cette hypothèse, après que le port a mis l'entreprise en mesure d'en bénéficier, sa mise en oeuvre est laissée, ainsi que les parties en ont convenu, à la discrétion du cocontractant sous la forme d'une demande d'audition ; que celle-ci doit alors intervenir dans les deux mois du délai de recours ouvert contre la décision à la suite de sa notification ; que, toutefois, pour conserver son effet utile, une telle demande d'audition suspend la prise d'effet de la résiliation jusqu'à l'issue de cette procédure ; que, dans l'hypothèse où le port ne revient pas sur sa position à l'issue de l'audition, la résiliation entre alors en vigueur après l'audition ; qu'il s'ensuit que la mise en oeuvre d'une telle procédure particulière, qui n'est pas assimilable à celle d'un recours gracieux tel que celui mentionné au point 2, ne peut davantage avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contre la mesure de résiliation mais seulement de le suspendre ; que, par suite, en vertu de l'interprétation qu'il convient de donner aux stipulations de l'article 16-3 au regard de l'économie de la procédure à laquelle les parties contractantes ont entendu se soumettre, la société qui a demandé à bénéficier de l'audition prévue par l'article 16.3, doit, en cas de maintien par le port après l'audition de la décision de résiliation initialement prise, saisir la juridiction dans le délai de recours restant à courir qui correspond à la différence entre la durée totale de deux mois et la durée déjà écoulée depuis le jour qui suit la date de notification de la décision jusqu'à celui auquel la demande d'audition a été adressée ;

6. Considérant que, postérieurement à un courrier d'alerte sur les volumes de trafic adressé par le port à la société TPO le 17 juin 2011 et au constat des volumes de trafics établi au 29 juillet 2012, le GPMH, par un courrier du 24 août 2012 signifié par voie d'huissier et reçu par la société le même jour, a informé cette dernière que les trafics constatés pour les deux premiers postes aux mois de mai, juin et juillet 2012, soit sur les trois derniers mois pendant une période de douze mois consécutifs, ayant été inférieurs aux objectifs, la convention était résiliée en tant seulement qu'elle attribuait un troisième poste à quai sur le Port 2000, et ce, en application de l'article 16-2 du contrat ; que ce même courrier indiquait également, conformément aux stipulations de l'article 16-3, que la résiliation devait prendre effet deux mois après la notification de la mesure et que la société pouvait, pendant cette même période, solliciter une audition ; qu'une telle demande a été effectivement formulée par un courrier du 9 octobre 2012 de la société TPO ; que le président du directoire du port a alors fixé, par son courrier du 23 octobre 2012, la date d'audition au 12 novembre 2012 et a décidé que l'entrée en vigueur effective de la mesure de résiliation serait reportée au 24 novembre suivant ; que le compte rendu de la réunion du 12 novembre 2012 n'a pas fait apparaître que le GPMH entendait revenir sur sa décision de résiliation et aucune décision de retrait de la résiliation partielle n'est d'ailleurs intervenue avant le 24 novembre ; que, par suite, la décision résiliation devait être regardée par la société TPO comme maintenue à cette date, ce que le courrier du 7 décembre 2012 que le GPMH a finalement adressé à la société TPO, s'est, compte tenu de ses termes, borné à confirmer ; qu'ainsi et en l'absence de mention contraire, ce dernier document ne peut être regardé comme la décision de résiliation à partir de laquelle les parties auraient entendu faire courir le délai de recours de deux mois par dérogation aux stipulations rappelées au point 4 et analysées au point 5 ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le délai de recours de deux mois ouvert à la société TPO pour contester la décision de résiliation partielle a pris naissance avec la notification de cette mesure le 24 août 2012 à la société TPO et a été suspendu le 9 octobre 2012 par la demande d'audition adressée par cette dernière au GPMH ; que la société TPO n'a toutefois saisi le tribunal administratif de Rouen que le 7 février 2013 de la contestation de la mesure de résiliation partielle dont elle faisait l'objet ; qu'à cette date, le délai de recours était expiré compte tenu du délai qui restait à courir après la fin de la suspension, conformément à ce qui a été dit au point 5 sur le délai de recours ; qu'en outre, et à supposer que le GPMH aurait entendu déroger aux stipulations du contrat en faisant courir un nouveau délai de recours de deux mois à compter du 24 novembre 2012, ce délai aurait été également expiré lors de la saisine du tribunal administratif ; qu'enfin et ainsi qu'il a été dit au point précédent, le délai de recours de deux mois ne peut être regardé comme ayant couru à compter du 7 décembre 2012, la lettre du GPMH adressée à cette date à la société TPO étant purement confirmative de la mesure de résiliation partielle déjà prise et arrêtée définitivement le 24 novembre 2000 après intervention de la procédure d'audition ; que, par suite, il résulte de tout ce qui précède que la société TPO n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande comme tardive ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GPMH, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société TPO demande à ce titre ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société une somme de 2 000 euros à verser au GPMH sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société TPO est rejetée.

Article 2 : La société TPO versera au Grand port maritime du Havre une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Terminal Porte océane et au Grand port maritime du Havre.

Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 février 2016.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président-rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

''

''

''

''

N°15DA00868 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00868
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-02-04;15da00868 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award