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31/12/2015 | FRANCE | N°15DA01139

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 décembre 2015, 15DA01139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté en date du 11 mai 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa remise aux autorités belges, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel cette même autorité l'a placée en rétention administrative, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime d'enregistrer sa demande d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compri

s dans les dépens.

Par un jugement n° 1501461 du 15 mai 2015, le magistrat dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté en date du 11 mai 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa remise aux autorités belges, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel cette même autorité l'a placée en rétention administrative, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime d'enregistrer sa demande d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1501461 du 15 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2015, MmeB..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rouen du 15 mai 2015 et l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 11 mai 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision de remise aux autorités belges est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière pour n'avoir pas été précédée d'une saisine du médecin de l'agence régionale de santé, ni, en méconnaissance de l'article 32 du règlement (UE) n° 604/2013, d'une information de ces autorités sur ses difficultés de santé, au moyen du formulaire prévu par l'annexe IX au règlement pris pour l'exécution de cette disposition ;

- cette décision a été prise en méconnaissance du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- l'annulation de la décision de remise aura nécessairement pour effet de priver de base légale la décision de placement en rétention administrative prise sur son fondement ;

- pour la placer en rétention administrative, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 et commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2015, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié, notamment par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme B...relève appel du jugement du 15 mai 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté en date du 11 mai 2015 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa remise aux autorités belges, d'autre part, de l'arrêté préfectoral du même jour la plaçant en rétention administrative ;

Sur la légalité de la décision de remise :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de l'entretien individuel réalisé à la préfecture le 27 mars 2015, Mme B...a fait état, sans autre précision, de ce qu'elle était suivie médicalement par le centre hospitalier de Rouen, au sein du service de gynécologie, et qu'elle s'est ensuite limitée à produire un certificat médical émis le 20 avril 2015 par un médecin de ce service, qui atteste voir régulièrement l'intéressée " pour le suivi de ses problèmes de santé ", sans assortir cette mention d'aucune précision, en particulier quant à la nécessité de poursuivre ce suivi, ni aux risques susceptibles de résulter d'une interruption de celui-ci ; que le certificat médical plus précis produit pour la première fois en appel, rédigé par un autre praticien du même service et qui fait état de ce que l'état de santé de Mme B...rend nécessaire une intervention chirurgicale prévue le 28 juillet 2015, n'a été émis que le 6 juillet 2015, soit à une date postérieure à celle à laquelle la décision de remise aux autorités belges a été prise ; que l'article 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n'est relatif qu'aux conditions d'échange de données de santé qui ne s'effectuent qu'après accord explicite du demandeur d'asile avant l'exécution de son transfert ; que la requérante ne peut dès lors utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions, ni de celles qui ont été prises pour en fixer les modalités d'application, et ne peut davantage utilement invoquer l'absence d'avis du médecin de l'agence régionale de santé, dès lors que le préfet de la Seine-Maritime ne peut être regardé, eu égard à ce qui vient d'être dit, comme ayant disposé, à la date à laquelle il a pris la décision contestée, d'éléments suffisamment précis sur l'état de santé de Mme B...et de nature à le conduire à s'interroger sur la compatibilité de cet état avec un transfert vers un autre état de l'Union européenne et, en particulier, sur la capacité de l'intéressée à voyager sans risque ;

3. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, si ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé ; que, conformément au paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement et à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités françaises ont la faculté d'examiner une demande d'asile, même si cet examen relève normalement de la compétence d'un autre Etat

4. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 2, que Mme B...bénéficie d'un suivi médical régulier en milieu hospitalier pour une difficulté d'ordre gynécologique, elle n'a toutefois pas produit au préfet de la Seine-Maritime des éléments suffisamment précis pour le conduire à s'interroger sur la compatibilité de son état de santé avec un transfert vers un autre état de l'Union européenne ; que, la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée à son état en cas de transfert en Belgique ; que, par suite, et en dépit des liens amicaux que MmeB..., qui n'a fait état d'aucune autre attache en France, a pu nouer et de l'aide qu'elle a pu trouver pour l'assister dans ses démarches, le préfet de la Seine-Maritime pouvait, sans méconnaître les dispositions dérogatoires du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, décider de la remise de l'intéressée aux autorités belges ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

5. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 2 à 4, le moyen tiré de ce que la décision de remise de Mme B...aux autorités belges serait entachée d'illégalités de nature à affecter la décision plaçant l'intéressée en rétention administrative ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : "1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. / 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. / (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...n'était, à la date à laquelle la décision contestée a été prise, pas en mesure de justifier de la possession d'un passeport en cours de validité et ne disposait pas d'un domicile stable, ayant seulement fait état auprès des services préfectoraux d'une domiciliation postale auprès d'une association ; que, par suite, et en dépit du fait qu'elle aurait honoré tous ses rendez-vous, au demeurant à l'exception du dernier, en préfecture, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 pour estimer qu'il existait un risque non négligeable de fuite de l'intéressée et décider de la placer en rétention, en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de l'assigner à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 de ce code ; que cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : M.-T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01139
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-31;15da01139 ?
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