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31/12/2015 | FRANCE | N°11DA00802

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 décembre 2015, 11DA00802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société AXA Corporate Solutions Assurances à lui verser une somme de 1 137 830, 46 euros, avec intérêts à compter du règlement des factures correspondant au coût des travaux qu'il a dû supporter, ainsi qu'une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Par un jugement n° 0705745 du 22 mars 2011, le tribunal administratif de Lill

e a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11DA00802 du 11 juin 2014, la cour administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société AXA Corporate Solutions Assurances à lui verser une somme de 1 137 830, 46 euros, avec intérêts à compter du règlement des factures correspondant au coût des travaux qu'il a dû supporter, ainsi qu'une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Par un jugement n° 0705745 du 22 mars 2011, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11DA00802 du 11 juin 2014, la cour administrative d'appel de Douai a admis les interventions des sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP, rejeté l'intervention de la société Norpac, annulé ce jugement et ordonné une expertise.

Par une décision n° 383596 du 22 mai 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 11 juin 2014 et a renvoyé l'affaire à cette même cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2011, le SITURV, représenté par Me I...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner la société AXA Corporate Solutions Assurances à lui verser la somme de 1 137 830,46 euros, augmentée des intérêts à compter du règlement des factures, ainsi qu'une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société AXA Corporate Solutions Assurances à lui verser la somme de 845 318 euros, assortie des intérêts légaux ;

4°) de mettre à la charge de la société AXA Corporate Solutions Assurances les dépens ainsi que la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le contrat le liant à la société AXA Corporate Solutions Assurances n'est pas illicite, compte tenu de la primauté des termes du cahier des clauses particulières du marché et de l'acte d'engagement ;

- la date d'effet du marché respecte l'article 79 du code des marchés publics ;

- le caractère éventuellement illicite de la clause du contrat relative à la date d'effet du marché ne justifie pas que l'exécution du contrat soit écartée ;

- à titre subsidiaire, son droit à indemnité est fondé sur l'enrichissement sans cause de la société AXA Corporate Solutions Assurances ;

- sa demande de première instance était recevable ;

- la prescription biennale ne lui est pas opposable ;

- le tribunal administratif est compétent pour faire application de ce contrat administratif ;

- l'application du contrat d'assurance lui ouvre droit à l'indemnisation du sinistre affectant la première ligne de tramway, le dommage étant fortuit et soudain ;

- il n'a commis aucune faute en relation avec le sinistre ;

- les clauses du contrat n'impliquent aucune détermination des responsabilités encourues ;

- la société AXA Corporate Solutions Assurances a fait preuve de résistance abusive ;

- si le contrat est illicite, cette société s'est enrichie sans cause à hauteur de la prime versée, soit 845 318 euros ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 octobre 2011, 26 mars 2012, 11 mai 2012 et 17 avril 2013, la société Axa Corporate Solutions Assurances, représentée par Me G...A...conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert, et à la mise à la charge du SITURV des dépens ainsi que d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance du SITURV était irrecevable ;

- il en est de même de sa requête en appel ;

- la prescription biennale lui est acquise ;

- le marché a été irrégulièrement passé selon la procédure négociée ;

- la commission d'appel d'offres était irrégulièrement composée ;

- la délibération du comité syndical sur l'attribution du marché était irrégulière ;

- elle n'était exécutoire que le 6 juillet 2004, alors que le marché a été signé le 28 mai précédent ;

- le contrat d'assurance, entaché de nullité, ne peut s'appliquer ;

- le moyen tiré de l'enrichissement sans cause est nouveau en appel ;

- le SITURV est seul à l'origine des irrégularités du contrat ;

- le refus de garantie est fondé sur l'absence de caractère soudain et fortuit du dommage ;

- le sinistre a pour cause le choix du maître d'ouvrage d'un procédé économique inadapté ;

- le SITURV ne peut demander le remboursement de travaux qu'il n'a pas payés ;

- il faut compenser le préjudice dont se prévaut le SITURV avec la moins-value de 1 396 951,40 euros dont il a bénéficié par l'avenant n° 1 supprimant le tablier A.

Par des mémoires, enregistrés les 15 février 2012 et 30 avril 2012, le SITURV conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre, que :

- sa requête est recevable ;

- la procédure de passation du marché en litige a été régulière ;

- la commission d'appel d'offres était régulièrement constituée ;

- le comité syndical a été régulièrement convoqué ;

- le moyen tiré de l'enrichissement sans cause n'avait pu être soulevé devant les premiers juges.

Par un mémoire, enregistré le 1er août 2013, la société Bouygues TP régions France, la société Norpac et la société Eiffage TP, représentées par Me K...D..., ont présenté des observations et demandent qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par le SITURV.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 septembre 2013 et 28 octobre 2013, la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens, demande en outre que l'intervention des sociétés Bouygues TP régions France, Norpac et Eiffage TP ne soit pas admise et que soit mise à leur charge une somme de 3 000 euros, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en outre, que :

- la société Bouygues TP régions France n'a pas qualité pour agir, en l'absence d'un avenant au marché la substituant au titulaire Norpac ;

- les trois intervenants volontaires ne justifient d'aucun intérêt propre à agir.

Par des mémoires, enregistrés les 19 septembre 2013 et 25 octobre 2013, le SITURV conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre, que :

- le sinistre de 2006 et celui de 2009 ont des conséquences différentes ;

- la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances confond sinistre et cause du sinistre.

Par des mémoires, enregistrés les 4 et 28 novembre 2013, les sociétés Bouygues TP régions France, Norpac et Eiffage TP concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire, par les mêmes moyens.

Elles soutiennent, en outre, que :

- la société Bouygues TP régions France étant venue aux droits de la société Norpac, après la réception mettant fin aux rapports contractuels, aucun avenant n'était nécessaire ;

- la cession de marché a été tacitement acceptée par le maître d'ouvrage ;

- les sociétés Norpac et Eiffage TP ont un intérêt à agir distinct de celui du SITURV.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 novembre 2013 et 2 juin 2014, la société AXA Corporate Solutions Assurances conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 10 décembre 2014, les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP, représentées par le Cabinet Frêche et associés, concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire, par les mêmes moyens.

Par des mémoires en défense, après renvoi, enregistrés les 15 juin 2015 et 27 juillet 2015, la société Axa Corporate Solutions Assurances conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et demande qu'une somme de 100 000 euros soit mise à la charge du SITURV sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en outre que :

- les écritures des intervenants devaient être réitérées après l'intervention de l'arrêt de cassation ;

- le second rapport d'expertise est nul dès lors qu'il a été ordonné par un arrêt avant dire droit annulé par le Conseil d'Etat et que l'expert a dépassé le cadre de sa mission ;

- les frais engagés pour le renfort et/ou la stabilité des plates-formes, non prévus avant travaux et non inclus au montant prévisionnel des travaux, ne sont pas couverts par le contrat d'assurance ;

- les préjudices propres aux intervenants n'ont pas à être pris en compte.

Par un mémoire, après renvoi, enregistré le 2 juillet 2015, les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire, par les mêmes moyens.

Par un mémoire, après renvoi, enregistré le 23 juillet 2015, le SITURV conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens, et porte ses conclusions indemnitaires présentées à titre principal à la somme de 1 454 427, 75 euros majorée des intérêts et de leur capitalisation.

Par un mémoire en défense, après renvoi, enregistré le 11 septembre 2015, la société Axa Corporate Solutions Assurances conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que :

- le mémoire en intervention présenté par les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP est irrecevable faute de comporter mention du siège social des intervenants ;

- les sociétés intervenantes ne justifient pas de l'existence des actes leur permettant de venir aux droits des sociétés Norpac et Quillery génie civil ;

- la cession du marché aux sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP n'était pas prévue au stade de l'appel d'offres initial ;

- l'intervention contient des conclusions distinctes de celles présentées par le requérant.

Par un mémoire, après renvoi, enregistré le 29 septembre 2015, les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP concluent aux mêmes fins que leurs précédents mémoires, par les mêmes moyens.

Elles soutiennent en outre que :

- elles ont qualité pour intervenir en raison de l'existence à leur profit de traités d'apport partiel et de la régularisation d'un avenant le 17 décembre 2013 ;

- elles ne formulent aucune conclusion indemnitaire.

Par un mémoire en défense, après renvoi, enregistré le 29 septembre 2015, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et demande la condamnation solidaire du SITURV, de Bouygues TP régions France et d'Eiffage TP à la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Elle soutient en outre que :

- la requête est irrecevable faute pour le SITUV de justifier d'une autorisation de son président à agir en justice qui serait postérieure à la date de l'arrêt du Conseil d'Etat annulant l'arrêt avant dire-droit rendu par la cour administrative d'appel de Douai ;

- il n'est pas justifié de la qualité de Mme J...L... pour représenter le SITURV ;

- les conclusions subsidiaires du SITURV fondées sur l'enrichissement sans cause de la société AXA Corporate Solutions Assurances ne sont pas motivées ;

- de telles conclusions sont nouvelles en appel ;

- dès lors qu'il est à l'origine de la nullité du contrat, le SITURV ne peut se fonder sur la théorie de l'enrichissement sans cause ;

- la longueur de la procédure due à la résistance dolosive de Bouygues TP régions France et d'Eiffage TP lui cause un préjudice.

Par des mémoires, après renvoi, enregistrés les 30 septembre 2015 et 6 octobre 2015, les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire, par les mêmes moyens.

Elles soutiennent en outre que les conclusions indemnitaires présentées par la société AXA Corporate Solutions Assurances sont nouvelles en appel.

Par des mémoires, après renvoi, enregistrés les 30 septembre 2015 et 6 octobre 2015, le SITURV conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.

Par des mémoires, après renvoi, enregistrés les 5 et 9 octobre 2015, la société AXA Corporate Solutions Assurances conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens et déclare abandonner ses moyens tirés du défaut de qualité pour agir du président du SITURV.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 16 juillet 2015, par laquelle le président de la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. H...B....

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me I...F..., représentant le syndicat intercommunal pour les transports en commun de la région de Valenciennes (SITURV), de Me C...E...représentant les sociétés Bouygues TP régions France, Norpac et Eiffage TP et de Me G...A...représentant la société AXA Corporate Solutions Assurances.

Une note en délibéré, enregistrée le 21 décembre 2015, a été présentée pour la société Axa Corporate Solutions Assurances.

Une note en délibéré, enregistrée le 24 décembre 2015, a été présentée pour les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP.

1. Considérant que le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV), en sa qualité de maître d'ouvrage, a souscrit en 2004, auprès de la société AXA Corporate Solutions Assurances, un contrat d'assurances " tous risques chantiers " n° 415 150 756 20 aux fins de garantir les éventuels sinistres affectant le chantier de construction de la première ligne de tramway de l'agglomération valenciennoise ; que, par un courrier du 20 février 2006, la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances a refusé l'indemnisation d'un sinistre survenu sur ce chantier à la suite de l'affaissement du sol reconstitué sous le giratoire reliant le boulevard Pompidou à l'ouvrage d'art " Sainte Catherine " ; que le SITURV a relevé appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société AXA Corporate Solutions Assurances à l'indemniser des conséquences de ce sinistre en application du contrat souscrit ; que, par une décision du 22 mai 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt avant dire-droit du 11 juin 2014 de la cour administrative d'appel de Douai au motif que la cour a insuffisamment motivé son arrêt et a commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si l'erreur sur la substance des travaux assurés par le contrat en litige, résultant de la modification de leur programme décidée sans en informer les candidats au marché d'assurance, caractérisait un vice du consentement d'une gravité telle qu'il justifiait que le contrat soit écarté et le litige réglé sur un autre terrain ;

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par la compagnie AXA Coporate Solutions Assurances :

2. Considérant que les conclusions de la société AXA Corporate Solutions Assurances tendant à la condamnation solidaire du SITURV, de Bouygues TP régions France et d'Eiffage TP à la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, qui n'ont pas été présentées devant les premiers juges, constituent une demande nouvelle, irrecevable en appel ;

Sur l'intervention des sociétés Bouygues TP régions France, Norpac et Eiffage TP :

3. Considérant que la cession, justifiée par la production du traité d'apport partiel d'actif du 20 mai 2010, à la société VSL France, devenue la société Bouygues TP régions France, de la branche d'activité " ouvrages d'art " de la société Norpac, intervenue postérieurement à la fin de l'exécution des travaux, a été régularisée par un avenant au marché du 17 décembre 2013 ; que, par suite, la société Bouygues TP régions France a qualité pour intervenir dans la présente instance ; qu'en revanche la société Norpac, pour les mêmes motifs, est privée d'une telle qualité ;

4. Considérant que l'article 1. 2. des conditions générales du contrat en litige mentionne, au nombre des assurés, l'ensemble des entreprises " participant à l'acte de construire sur le site " ; qu'il est constant que les sociétés Bouygues TP régions France et Quillery, aux droits de laquelle vient la société Eiffage TP, par fusion absorption en date du 27 avril 2001 et un avenant au marché du 17 décembre 2013, ont, en leur qualité de titulaires du lot " ouvrages d'art ", participé à l'acte de construire sur le chantier en cause et sont, par suite, assurées par le contrat en litige ;

5. Considérant que la circonstance à la supposer avérée que la cession des marchés dont étaient titulaires les sociétés Norpac et Quillery n'aurait pas été possible, faute d'avoir été expressément autorisée par l'appel d'offres initial, est sans incidence sur l'intérêt à intervenir des sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP ;

6. Considérant que les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP se bornent dans leurs écritures à venir au soutien de la requête présentée par le SITURV ; que, par suite, la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances n'est pas fondée à soutenir que leur intervention est irrecevable dès lors qu'elle contiendrait des conclusions distinctes de celles présentées par le requérant ;

7. Considérant enfin, que la circonstance que les interventions des sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP seraient irrecevables faute de comporter mention des adresses des sièges sociaux de ces deux sociétés manque, en tout état de cause, en fait ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8, et sans qu'il soit besoin que les intervenants réitèrent leurs écritures après l'intervention de la décision du 22 mai 2015 du Conseil d'Etat, que les sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP justifient d'un intérêt à agir propre et distinct du SITURV et sont, dès lors, recevables à intervenir au soutien des intérêts de ce dernier ;

Sur la validité du second rapport d'expertise :

9. Considérant d'une part, que si l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêt avant dire-droit statuant sur les droits à indemnité du SITURV et ordonnant un complément d'expertise, prive de fondement légal ce second rapport d'expertise, cette circonstance, alors que les parties ont pu présenter leurs observations au cours de la procédure écrite qui a suivi le dépôt de ce rapport, ne fait pas obstacle à ce qu'il soit retenu par la cour, qui dispose maintenant des éléments nécessaires à la solution du litige, à titre d'élément d'information, et à ce qu'il soit statué au fond ; que, d'autre part, dans ces circonstances, la société AXA Corporate Solutions Assurances ne peut utilement soutenir que l'expert n'aurait pas respecté l'étendue de sa mission fixée par la cour ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

10. Considérant qu'à la date de l'enregistrement au greffe du tribunal administratif de Lille, le 30 août 2007, de la demande présentée pour le SITURV par son président, celui-ci disposait d'une délégation, régulièrement accordée pour la durée de son mandat, par une délibération du comité syndical du 29 juin 2001 ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la société AXA Corporate Solutions Assurances et tirée du défaut de qualité à agir du président du SITURV devant le tribunal administratif doit être écartée ;

Sur la validité du contrat d'assurance :

11. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code des marchés publics, applicable au marché en litige : " Les marchés publics doivent être notifiés avant tout commencement d'exécution. / La notification consiste en un envoi du marché signé au titulaire par tout moyen permettant de donner date certaine. La date de notification est la date de réception du marché par le titulaire. / Le marché prend effet à cette date " ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction, tout d'abord, qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 79 du code des marchés publics, le contrat en litige contient, dans ses " conditions particulières ", qui prévalent sur les conditions générales, une date de prise d'effet fixée au 12 mai 2004 et, de ce fait, antérieure tant à la date de signature de ce marché, le 6 juillet 2004, qu'à sa date de notification ; que, toutefois, cette rétroactivité dans la date de prise d'effet du marché, applicable aux seules parties au contrat, n'est pas de nature à entacher le contrat d'illicéité ; qu'en outre, cette irrégularité n'a eu aucune incidence sur les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; qu'enfin, la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances ne peut utilement invoquer, au demeurant sans les établir, divers manquements aux règles de passation de ce marché ;

14. Considérant, ensuite, que l'affaissement des ouvrages édifiés sur le sol reconstitué sous le giratoire reliant le boulevard Pompidou à l'ouvrage d'art " Sainte Catherine " résulte de la substitution au projet initial, qui prévoyait à cet endroit la construction d'une dalle de transition sur pieux, d'une plate-forme établie sur un sol de mauvaise qualité, sujet au fluage et conduisant à un tassement dépassant les tolérances techniques ; que, si le cahier des clauses particulières prévoit en son article 1.3 que les plans de l'ouvrage, les devis estimatifs, les études de sols, le descriptif et l'avis du bureau de contrôle devaient être communiqués à l'assureur, ces mêmes dispositions précisent que ces " documents ne revêtent qu'un caractère indicatif et non contractuel " ; que la société AXA Corporate Solutions Assurances n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la signature du contrat en litige est entachée d'un vice de consentement dès lors que les documents qui lui ont été fournis étaient élaborés en tenant compte de la solution technique initiale ;

15. Considérant toutefois qu'il n'est pas contesté que la modification précitée a été arrêtée avant la signature du contrat d'assurance en litige et sans que la société AXA Corporate Solutions Assurances en soit avertie ; que les articles 6.1, 6.2 et 6.3 du cahier des clauses particulières prévoient que l'assuré doit répondre aux questions de l'assureur afin de lui permettre d'apprécier le risque, qu'au demeurant, en cours de contrat, il doit déclarer toutes circonstances nouvelles susceptibles d'aggraver les risques ou d'en créer de nouveaux et que toute fausse déclaration conduit à la nullité du marché ; que, cependant, il résulte de l'instruction que le projet de construction de la ligne de tramway de Valenciennes présente une longueur de voies de neuf kilomètres et demi, nécessite la construction de dix-neuf stations et de quatre ouvrages d'art ; que, comme il a été dit, la modification en litige, qui constituait au jour ou elle a été décidée une solution équivalente techniquement à celle initialement prévue, se réduit au choix d'une option technique relative à une partie d'un seul ouvrage d'art, sans que soient modifiées l'assiette et la consistance globale du projet de construction de la ligne de tramway, cette modification marginale entraînant, au demeurant, une diminution de la masse du marché de travaux de moins de 1% ; que dans ces circonstances, le vice du consentement dont est affecté le marché en litige n'est pas d'une gravité telle qu'il justifie que le contrat soit écarté et le litige réglé sur un autre terrain ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SITURV est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter ses conclusions indemnitaires, les premiers juges ont relevé que le contrat était entaché d'illicéité et, d'autre part, à demander que le litige soit réglé sur le terrain du contrat ;

Sur la prescription biennale :

17. Considérant que le sinistre faisant l'objet du litige est survenu en janvier 2006, a été déclaré par le SITURV auprès de la société AXA Corporate Solutions Assurances le 17 janvier 2006 et a fait l'objet d'un refus de garantie le 20 février 2006 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la demande indemnitaire du SITURV, enregistrée le 30 août 2007 au greffe du tribunal administratif de Lille, a valablement interrompu le délai de deux ans à compter de la connaissance du sinistre au terme duquel, en application des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, toute action fondée sur un contrat d'assurance est prescrite ;

Sur le droit à indemnité du SITURV :

18. Considérant que l'article 1.5. des conditions générales applicables au contrat prévoit que " pour l'application du présent contrat, il faut entendre par (...) sinistres : toute perte ou dommage matériel survenant de manière fortuite et soudaine, qui résulte d'un même fait générateur et qui atteint simultanément les biens assurés " ;

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'urgence établi le 7 juin 2006 par l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Lille, à la demande du SITURV, que le tassement excessif du sous-sol du giratoire du boulevard Pompidou a été révélé aux divers constructeurs au cours du mois de novembre 2005, lors de l'intervention de l'entreprise chargée de la pose des rails, qui ont présenté un différentiel d'altimétrie de 14 centimètres ; que, si la société AXA Corporate Solutions Assurances fait valoir que ce phénomène de tassement a été enregistré dès le mois de juillet 2005, lors des mesures régulièrement effectuées sur le chantier, il est constant, ainsi que l'ont relevé l'expert et son sapiteur dans le cadre de l'expertise également ordonnée par le tribunal administratif de Lille, qu'un tassement des remblais de cette nature est, dans une limite d'environ 4 centimètres, normal ; que, dans ces conditions, le sinistre déclaré le 17 janvier 2006 par le SITURV constitue, malgré son caractère évolutif, un dommage matériel survenant de manière soudaine, en ce qu'il a excédé le tassement normal attendu d'un tel ouvrage ;

20. Considérant, en outre, que, pour soutenir que le dommage ne présenterait pas de caractère fortuit, la société AXA Corporate Solutions Assurances ne peut utilement faire valoir que le SITURV aurait commis une faute à l'origine du sinistre en retenant une solution technique plus économique, le contrat " tous risques chantier " en litige prévoyant, dans ses conditions particulières, l'indemnisation des sinistres quelle que soit leur origine, y compris lorsqu'ils résultent d'un défaut de conception ;

21. Considérant qu'il résulte du chapitre II des conditions particulières au contrat en litige que sont garantis " tous les frais engagés pour le renfort et/ou la stabilité des plates-formes, non prévus avant travaux et non inclus au montant prévisionnel des travaux " ; que, par suite, la société AXA Corporate Solutions Assurances n'est pas fondée à soutenir que le coût des travaux effectués pour remédier aux désordres constatés ne serait pas couvert par le contrat conclu avec le SITURV ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SITURV est fondé à demander que la société AXA Corporate Solutions Assurances soit condamnée à indemniser les conséquences du sinistre déclaré le 17 janvier 2006 en application du contrat d'assurance " tous risques chantier " n° 415 150 756 20 ;

Sur le montant de l'indemnité due par la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances :

23. Considérant que l'article 7.1. du cahier des clauses particulières du contrat prévoit que l'indemnité due par l'assureur en cas de sinistre " s'apprécie au coût réel de la réparation au moment où celle-ci est exécutée " ; qu'il résulte de l'instruction que les travaux de reprise des affaissements ont nécessité des interventions en 2006, puis ont porté en 2013-2014 sur la confortation du demi-giratoire ; que leur montant représente un coût, pour le seul SITURV, de respectivement 1 070 867,36 euros et 233 560,39 euros ; qu'il y a lieu de condamner la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances à lui verser la somme globale de 1 304 427,75 euros, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la solution technique mise en oeuvre et qui s'est révélée impropre n'était pas celle qui avait été retenue dans le projet initial et que l'abandon de l'édification d'une dalle de transition ait occasionné une diminution du coût de l'ouvrage ;

24. Considérant que le SITURV ne fait état d'aucun préjudice résultant, selon lui, de la résistance abusive de la société Axa Corporate Solutions Assurances ; que ses conclusions tendant à ce que cette dernière soit condamnée de ce chef, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

25. Considérant que les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jours où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que le SITURV n'établit pas, par les pièces qu'il produit, les dates auxquelles il a saisi la société Axa Corporate Solutions Assurances des demandes de paiement correspondant à l'indemnité de 1 070 867,36 euros et de celle de 233 560,39 euros ; que, par suite, il y a lieu de faire courir les intérêts assortissant la première de ces sommes à compter du 30 août 2007, date de saisine du tribunal administratif de Lille et la seconde du 23 juillet 2015, date d'enregistrement au greffe de la cour administrative d'appel de Douai du mémoire demandant la condamnation de la société Axa Corporate Solutions Assurances au versement de cette somme ;

26. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 23 juillet 2015 ; qu'à cette date, il était dû, vis-à-vis de la somme de 1 070 867, 36 euros, au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'en revanche la capitalisation des intérêts de la somme de 233 560,39 euros ne courra qu'à compter du 23 juillet 2016 ;

Sur les dépens :

27. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise engagés tant en première instance qu'en appel, la seconde expertise ordonnée par l'arrêt de la cour administrative d'appel du 11 juin 2014 annulé par la décision du 22 mai 2015 du Conseil d'Etat ayant été utile à la solution du litige, à la charge de la société Axa Corporate Solutions Assurances ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Axa Corporate Solutions Assurances une somme de 5 000 euros à verser au SITURV au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du SITURV, et en tout état de cause des sociétés Bouygues TP régions France, Norpac et Eiffage TP qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la compagnie Axa Corporate Solutions demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention des sociétés Bouygues TP régions France et Eiffage TP est admise.

Article 2 : L'intervention de la société Norpac n'est pas admise.

Article 3 : Le jugement du 22 mars 2011 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 4 : La société AXA Corporate Solutions Assurances est condamnée à verser au syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes, les sommes de 1 070 867,36 euros et 233 560,39 euros qui porteront respectivement intérêts à compter des 30 août 2007 et 23 juillet 2015. Les intérêts échus de la somme de 1 070 867,36 euros seront capitalisés à la date du 23 juillet 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Les intérêts échus de la somme de 233 560,39 euros seront capitalisés à la date du 23 juillet 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 5 : Les conclusions indemnitaires de la compagnie AXA Corporate Solutions Assurances sont rejetées.

Article 6 : Les dépens, tant de première instance que d'appel, liquidés et taxés à la somme globale de 42 042,13 euros sont mis à la charge de la société AXA Corporate Solutions Assurances.

Article 7 : La société AXA Corporate Solutions Assurances versera au syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes, à la société AXA Corporate Solutions Assurances, à la société Bouygues TP régions France, à la société Norpac, à la société Eiffage TP et à l'expert, M. H...B....

Délibéré après l'audience publique du 17 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : O. NIZETLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI

Le greffier,

Signé : M.-T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°11DA00802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00802
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-04 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Contenu.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ADEKWA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-31;11da00802 ?
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