La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2015 | FRANCE | N°15DA00247

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 14 décembre 2015, 15DA00247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de la décision du 3 juin 2013 du préfet de la Seine-Maritime refusant le bénéfice du regroupement familial à ses trois enfants.

Par un jugement n° 1302219 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 13 février 2015 sous le n° 15DA00248, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler

le jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de rejeter la demande de Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de la décision du 3 juin 2013 du préfet de la Seine-Maritime refusant le bénéfice du regroupement familial à ses trois enfants.

Par un jugement n° 1302219 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 13 février 2015 sous le n° 15DA00248, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- la décision refusant le regroupement familial ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les enfants de la requérante étaient déjà présents sur le territoire national.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2015, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Seine-Maritime ;

2°) d'annuler la décision du 3 juin 2013 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'accorder à ses trois enfants le bénéfice du regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de procéder à un réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision du 3 juin 2013 en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où elle justifie d'un séjour régulier supérieur à dix-huit mois ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

II. Par une requête, enregistrée le 13 février 2015 sous le n° 15DA00247, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux d'annulation et des conséquences difficilement réparables de nature à justifier le sursis à exécution du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2015, MmeB..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il n'existe pas de moyens sérieux d'annulation du jugement attaqué ;

- le préfet n'établit pas le caractère difficilement réparable des conséquences de l'exécution du jugement attaqué.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les deux requêtes susvisées n° 15DA00247 et n° 15DA00248 présentées par le préfet de la Seine-Maritime tendent à obtenir, respectivement, le sursis à l'exécution et l'annulation d'un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que Mme B..., ressortissante gabonaise, entrée régulièrement en France le 26 août 2008 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa portant la mention " étudiant ", s'est vu délivrer en cette qualité un titre de séjour valable du 1er novembre 2008 au 31 octobre 2009, renouvelé jusqu'au 31 octobre 2011 ; qu'elle a ensuite obtenu, le 2 mai 2013, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que ses trois enfants nés au Gabon en 1997, 1998 et 2006 sont entrés régulièrement sur le territoire français le 12 février 2009 ; qu'elle a demandé au préfet de la Seine-Maritime l'admission au séjour de ses enfants ; que, par une décision du 3 juin 2013, le préfet a rejeté sa demande notamment au motif que ces derniers résidaient déjà sur le territoire français ; que le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les enfants de la requérante sont présents en France depuis leur entrée sur le territoire et y sont scolarisés ; que, par une ordonnance du président du tribunal de première instance d'Oyem rendue le 22 avril 2010, les enfants de Mme B...ont été placés sous sa garde et la requérante dispose de l'entière autorité parentale sur eux ; que MmeB..., qui est séparée de son époux résidant au Gabon, occupe un emploi d'aide ménagère sous couvert d'un contrat à durée indéterminée et assume seule l'entretien et l'éducation de ses enfants qui n'ont plus aucun rapport avec leur père demeuré dans leur pays d'origine ; qu'enfin, la décision du préfet subordonnait expressément l'examen d'une nouvelle demande de regroupement familial à la condition que les enfants soient retournés entre-temps au Gabon indiquant par là-même que sa décision du 3 juin 2013 impliquait une séparation des enfants de leur mère ne fût-ce que pour une période temporaire ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision par laquelle il opposait un refus à la demande de regroupement familial introduite par la requérante au nom de ses enfants mineurs méconnaissait l'intérêt supérieur de ces enfants, protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 3 juin 2013 en litige refusant le bénéfice du regroupement familial aux enfants de Mme B...;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

6. Considérant que, par le présent arrêt, la cour statuant sur les conclusions du recours du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle qui a été prescrite par le tribunal administratif ; que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B...ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que MeD..., son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le préfet de la Seine-Maritime.

Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Cécile Madeline, avocat de MmeB..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Mme A...B....

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 14 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : M. MILARDLe président de chambre,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

''

''

''

''

5

Nos15DA00247,15DA00248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00247
Date de la décision : 14/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU ; SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU ; SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-14;15da00247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award