Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 23 mai 2014 par lesquelles le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination de la mesure d'expulsion prise à son encontre et a ordonné son placement en rétention administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1403387 du 31 mai 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, par l'article 1er du jugement, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de son expulsion et, à l'article 2, a annulé la décision ordonnant le placement en rétention administrative, puis, à l'article 3, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au conseil de M.F..., sous réserve d'une renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2014, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. F...présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le jugement a omis de constater le non-lieu à statuer sur la rétention administrative ;
- il avait compétence pour placer l'intéressé en rétention administrative, en vertu du 2° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par trois mémoires, enregistrés les 15 juin, 20 juillet et 19 novembre 2015, M. F..., représenté par Me E...D..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me E...D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant que la seule circonstance que le délai de rétention de cinq jours était expiré au moment où le tribunal a statué, n'est pas de nature à priver d'objet les conclusions dirigées contre le placement en rétention de M.F... ; que, par suite, le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a écarté l'exception de non-lieu qu'il avait opposée ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 2° Fait l'objet d'un arrêté d'expulsion / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 551-1 du même code : " L'autorité compétente pour ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger est le préfet de département (...) " ;
3. Considérant que, pour annuler, par l'article 2 du jugement attaqué, la décision du 23 mai 2014 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a ordonné le placement en rétention administrative de M.F..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'incompétence de l'autorité préfectorale pour prendre une telle mesure qui relevait, selon lui, du ministre de l'intérieur qui avait prononcé l'expulsion de l'étranger en application de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant que si les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient qu'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion peut être placé en rétention et si celles de l'article R. 523-5 du même code confient compétence au ministre de l'intérieur pour assigner à résidence un étranger faisant l'objet d'une mesure d'expulsion prise en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 ainsi qu'en cas d'urgence absolue, aucune disposition, et notamment pas celles de l'article R. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, confèrent, dans ce cas, à une autre autorité que le préfet de département la compétence pour ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'expulsion ;
5. Considérant qu'il est constant que M. F...a fait l'objet d'une première mesure d'expulsion prise le 30 mai 1997 puis d'une seconde mesure intervenue le 23 mai 2014 ; qu'en vue d'organiser son départ à l'issue de la période d'incarcération de l'intéressé, qui purgeait une peine à la prison de Longuenesse dans le Pas-de-Calais, le préfet de ce département a placé, dès le 23 mai 2014, l'intéressé en rétention administrative ; que, compte tenu de qui a été dit au point précédent, cette autorité était compétente pour prendre une telle mesure en vertu du 2° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen d'incompétence de l'auteur de l'acte pour annuler la décision du 23 mai 2014 ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant la juridiction administrative par M.F... ;
7. Considérant que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays de renvoi, de l'insuffisance de motivation de cette décision et de la méconnaissance de la procédure contradictoire préalablement à l'intervention de cette décision, prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, doivent être écartés comme inopérants à l'encontre de la décision portant placement en rétention administrative de M.F..., dès lors que la mesure fixant le pays de destination ne constitue pas la base légale de la mesure de placement en rétention et que cette mesure n'est pas prise en exécution de la précédente ;
8. Considérant que M. C...A..., chef de bureau, bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté préfectoral du 4 février 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, l'autorisant à signer, notamment, les décisions de placement en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
9. Considérant que la décision contestée vise l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne l'absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite de l'intéressé ; qu'ainsi, elle comporte l'énonciation des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, la mesure de placement en rétention est suffisamment motivée ;
10. Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment du III de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative place l'étranger en rétention administrative ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 fixant les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de placement en rétention administrative ; qu'au demeurant, l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations le 7 mai 2014 ;
11. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait fondée sur une " interdiction de quitter le territoire français " illégale, à supposer d'ailleurs que cette décision existe ; qu'en outre, un tel moyen n'est pas assorti des précisions qui permettent, en tout état de cause, d'en apprécier le bien-fondé ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'expulsion prise à l'encontre de l'intéressé ne serait pas entrée en vigueur à la date à laquelle la décision du 23 mai 2014 prononçant le placement en rétention a été prise ;
13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. F..., qui souffre d'un diabète insulino-dépendant, serait incompatible avec une mise en rétention ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
14. Considérant que si M. F...présente une adresse stable dans la commune de Bourbourg, il s'est soustrait à une première mesure d'éloignement prise à son encontre en 1997 avant d'être incarcéré ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ne présentant pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque d'un refus d'exécution de la nouvelle mesure d'éloignement dont il a été l'objet ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur commise dans l'appréciation des garanties de représentation présentées par M. F... doit être écarté ;
15. Considérant que les stipulations de l'article 5, paragraphe 4, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet, ni pour effet, de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions, distinctes, qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté de placement en rétention administrative aurait été pris sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
16. Considérant qu'il résulte des points 7 à 15 que la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Lille, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 23 mai 2014 en tant qu'il a ordonné le placement de M. F...en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 31 mai 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... F...et à Me E...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 26 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 décembre 2015.
Le rapporteur,
Signé : H. HABCHILe président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°14DA00971 2