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12/11/2015 | FRANCE | N°14DA00840

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 12 novembre 2015, 14DA00840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2011 par lequel le maire de la commune de Nieppe a mis M. B... en demeure d'ôter, dans un délai de huit jours, les palissades et clôtures faisant obstacle à l'accès au chemin des Cuisiniers sous peine d'exécution d'office à ses frais, et de condamner la commune à leur verser la somme totale de 4 000 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1106999 du 21 mars 2014, le tribunal admin

istratif de Lille a rejeté la requête de M. et Mme B...et a mis à leur charge la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2011 par lequel le maire de la commune de Nieppe a mis M. B... en demeure d'ôter, dans un délai de huit jours, les palissades et clôtures faisant obstacle à l'accès au chemin des Cuisiniers sous peine d'exécution d'office à ses frais, et de condamner la commune à leur verser la somme totale de 4 000 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1106999 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête de M. et Mme B...et a mis à leur charge la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Nieppe sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2014, M. et Mme D...B..., représentés par la SELARL Avocatcom, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté ne vise pas Mme B...qui est également propriétaire de la parcelle A 517 ;

- il ne lui a pas non plus été notifié ;

- le sentier sur lequel était édifié la clôture est leur propriété ;

- il n'a pas le caractère d'un chemin rural mais d'un chemin d'exploitation, en application de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime;

- il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête d'appel jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Dunkerque, compétent en application de l'article L. 162-5 du code rural et de la pêche, se soit prononcé sur la question préalable de la propriété du sentier.

Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2015, la commune de Nieppe, représentée par Me A...C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 octobre 2011 :

En ce qui concerne l'absence de mention de Mme B...dans l'arrêté du maire :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux " ; que selon l'article D. 161-11 du même code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence (...). " ; qu'en application de ces dispositions, il incombe notamment au maire de remédier à la présence de tout obstacle s'opposant à la circulation sur un chemin rural ;

2. Considérant que, par l'arrêté du 11 octobre 2011, le maire de la commune de Nieppe a mis M. B... en demeure d'enlever, dans un délai de huit jours, les palissades et clôtures faisant obstacle à l'accès du chemin rural des Cuisiniers sous peine d'exécution d'office à ses frais ; que, par son objet, un tel arrêté a le caractère d'une mesure de police et non d'une sanction ;

3. Considérant qu'il est constant que les clôtures, palissades et obstacles qui interdisent l'accès du chemin litigieux ont été posés par M.B..., propriétaire riverain du chemin ; que l'arrêté du maire en litige met en demeure ce dernier d'enlever les obstacles qu'il a mis à la circulation sur la voie qualifiée de chemin rural par la commune ; que, dans ces conditions, la circonstance que MmeB..., épouse de l'intéressé et copropriétaire de parcelles voisines du chemin, n'ait pas été mentionnée dans l'arrêté de police est sans influence sur sa légalité, et ce, alors même qu'elle revendique comme son mari la propriété de la voie ; qu'il en va de même du défaut de notification de cette mesure à MmeB... ;

En ce qui concerne la propriété du chemin :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune " ; que selon l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé " ; qu'aux termes de l'article L. 161-4 du même code : " Les contestations qui peuvent être élevées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire " ;

5. Considérant qu'il résulte des pièces produites par la commune en première instance que la portion de la voie dite " chemin rouge " qui prolonge l'actuel chemin des Cuisiniers figure dans les plans de la commune de Nieppe de 1811, 1856, et 1914 sous ces noms ou, dès 1671, sous le nom de " E... " ; que chemin desservait à l'époque diverses fermes et relie actuellement deux rues de la commune ; que s'il est encore entouré de parcelles naturelles ou agricoles, il ne sert pas exclusivement à la communication entre divers fonds agricoles, ou à leur exploitation ; qu'il ne présente donc pas le caractère de chemin d'exploitation au sens de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'il est traditionnellement répertorié comme chemin pédestre et figure comme voie de passage sur le plan annexé au programme de voirie de 1979 sous son nom ancien de rue des Cuisiniers ; qu'il fait désormais partie intégrante depuis 1985 du circuit pédestre du plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) arrêté en application de l'article L. 361-1 du code de l'environnement ; qu'alors même qu'il serait faiblement emprunté par les randonneurs, cette inscription au plan départemental matérialisée sur le terrain par la pose d'un panneau indicateur " circuit pédestre " à l'entrée du chemin et confirmée par un entretien suffisant du passage, suffit à établir son affectation actuelle à l'usage du public ; qu'en revanche, les requérants, qui n'établissent pas que l'usage de la voie serait avec le temps tombé en désuétude, ne peuvent utilement se prévaloir, d'une part, de l'absence de mention du chemin au registre des voies communales et, d'autre part, de l'existence de panneaux " propriété privée-défense d'entrer " ou des obstacles interdisant l'accès aux promeneurs, qu'ils ont eux-mêmes placés ; que, dans ces conditions, le chemin en litige qui est affecté à l'usage du public présente, au regard des dispositions de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, le caractère d'un chemin rural, si toutefois il est la propriété de la commune ;

6. Considérant que, pour revendiquer la propriété du " chemin rouge " qui longe leurs parcelles, M. et Mme B...se prévalent d'un acte notarié de 1924 qui énonce que " le chemin des cuisiniers dans son entier " marque la limite de la parcelle dont ils sont propriétaires sans que soit expressément précisé si cette voie appartient ou non à leur fonds ; que les requérants font également valoir qu'ils sont devenus propriétaires du chemin par la prescription acquisitive trentenaire avant 1985 ; que les pièces du dossier ne permettent pas de tenir pour acquis de manière manifeste et certaine, notamment au regard d'une jurisprudence établie des juridictions civiles, la propriété ou l'absence de propriété du chemin au bénéfice de M. et MmeB... ; que l'affectation du chemin au public est sans lien avec la question du droit de propriété ; que, les circonstances de l'espèce, l'appréciation du bien-fondé de la contestation tirée de ce que le chemin, objet de l'arrêté du 11 octobre 2011, constituerait la propriété des requérants, présente une difficulté sérieuse dont l'appréciation relève de la seule compétence du juge judiciaire qui en est d'ailleurs déjà saisi ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle " ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6, qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, de saisir le tribunal de grande instance de Dunkerque et de surseoir à statuer sur la requête de M. et Mme B...jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. et Mme B...jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Dunkerque se soit prononcé sur la propriété de l'assiette du chemin, objet de l'arrêté en litige.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...B..., à la commune de Nieppe et au président du tribunal de grande instance de Dunkerque.

Délibéré après l'audience publique du 29 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2015.

Le président-rapporteur,

Signé : C. BERNIERLe président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00840
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Compétences concurrentes des deux ordres de juridiction - Contentieux de l'interprétation - Cas où une question préjudicielle s'impose.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Sursis à statuer.

Voirie - Composition et consistance - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL AVOCATCOM

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-11-12;14da00840 ?
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