Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 31 août 2014 par lequel le préfet du Nord, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et, d'autre part, a ordonné son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1405647 du 5 septembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2014, M.B..., représenté par Me Clément, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 septembre 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 31 août 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 630 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 5° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de délai de départ volontaire est fondé sur des dispositions nationales qui n'ont pas correctement transposé les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- il méconnaît les dispositions du 3° du II de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le placement en rétention administrative est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses garanties de représentation.
La requête a été transmise au préfet du Nord qui n'a pas produit d'observations.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la directive 2008/115/CE ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., de nationalité congolaise, né le 11 février 1989, relève appel du jugement du 5 septembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2014 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination du Congo et prononçant sa rétention administrative ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant que rien ne s'oppose à ce que l'administration, comme elle le fait de façon générale, permette le maintien sur le territoire d'un étranger qui a demandé un titre de séjour jusqu'à ce qu'elle ait statué par une décision explicite sur la demande de séjour ; que ni les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles qu'issues de la loi du 16 juin 2011, ni aucune disposition du code ne font obstacle à ce que, en application des dispositions de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois sur une demande de titre de séjour vaille décision de rejet et à ce que ce rejet implicite permette directement de prononcer une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, l'autorité administrative peut prononcer une obligation de quitter le territoire français lorsque le silence gardé pendant quatre mois sur une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour a fait naître une décision implicite de rejet, sans qu'il lui soit impératif d'opposer au préalable un refus explicite de titre de séjour ; qu'il incombe toutefois à l'autorité administrative, dans le cas où elle prononcerait une obligation de quitter le territoire français à la suite d'un refus implicite de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, de motiver sa décision en indiquant les circonstances de fait et les considérations de droit qui la justifient, sans qu'elle puisse se borner à motiver sa décision par référence à l'existence d'un refus implicite de titre de séjour.
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de l'expiration, le 27 août 2011, de la carte de séjour temporaire dont il était titulaire en qualité d'étudiant, M. B... a obtenu un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 11 octobre 2011 pour lui permettre d'achever son cursus universitaire ; qu'après avoir vainement demandé à l'intéressé de justifier de la poursuite de ses études, le préfet du Nord a constaté le 12 avril 2012 que le requérant, qui ne pouvait plus se prévaloir de la détention d'un titre de séjour valide, se trouvait dès lors en situation irrégulière rejetant par là-même implicitement le renouvellement du récépissé dont M. B...était titulaire ; que l'arrêté contesté mentionne expressément les considérations de fait qui ont conduit le représentant de l'Etat à estimer que le renouvellement du récépissé de demande de titre de séjour antérieurement délivré n'avait pu être accordé et qu'il entrait dès lors dans le champ d'application des dispositions du 5° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet du Nord, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, a suffisamment motivé l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant ;
4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 5°. Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le préfet du Nord a implicitement mis un terme au renouvellement du récépissé de demande de titre de séjour du requérant qui se trouvait dès lors, contrairement à ce qu'il prétend, dans la situation où un ressortissant étranger peut être éloigné sur le fondement des dispositions du 5° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il dispose de l'ensemble de sa famille sur le territoire français et qu'il poursuit des efforts d'intégration notamment professionnels, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est entré en France que récemment et ne justifie pas être dépourvu de toute attache familiale au Congo où, séparé de ses parents présents sur le territoire français depuis 2008, il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans ; que, par suite, et eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressé qui a toujours la faculté de revenir régulièrement sur le territoire national en obtenant un visa, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M.B..., une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le refus de délai de départ volontaire :
6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (... ) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si pour justifier son refus de faire bénéficier le requérant du délai de départ, le préfet s'est fondé d'une part, sur le fait qu'il s'était maintenu sur le territoire plus d'un mois après l'expiration de son récépissé de demande de titre de séjour et, d'autre part, sur le défaut de garanties de représentation, ces seules circonstances qui ne constituent que de simples présomptions de l'existence d'un risque de fuite ne sont pas de nature à établir, au cas particulier, la réalité de ce risque dès lors que M. B...était hébergé chez ses parents eux-mêmes en situation régulière sur le territoire français et disposait donc d'une adresse stable et connue et qu'il était détenteur d'un passeport en cours de validité qui a au demeurant été retenu par les services de la police de l'air et des frontières dans l'attente de son départ du territoire national ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le requérant est donc fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur d'appréciation quant à l'existence d'un risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire français et que la décision refusant un délai de départ volontaire doit, par suite, être annulée ;
Sur le placement en rétention administrative :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la décision prononçant le placement en rétention administrative de M. B...doit être annulée par voie de conséquence ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de délai de départ volontaire et de son placement en rétention administrative ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l'étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l'autorité administrative en application du II de l'article L. 511-1 ou du sixième alinéa de l'article L. 511-3-1. Ce délai court à compter de sa notification. " ;
11. Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord d'accorder, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, à M. B..., qui demeure soumis à l'obligation de quitter le territoire français, un délai de départ volontaire dans les conditions prévues par les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant que le requérant a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Clément, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Clément de la somme de 900 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en date du 5 septembre 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B...dirigées contre la décision du 31 août 2014 du préfet du Nord lui refusant un délai de départ volontaire et celle du même jour prononçant son placement en rétention administrative.
Article 2 : La décision du 31 août 2014 du préfet du Nord refusant à M. B...un délai de départ volontaire ainsi que celle du même jour prononçant son placement en rétention administrative sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de fixer à M. B...un délai de départ volontaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à Me Clément, avocat de M.B..., la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M.D..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 23 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 novembre 2015.
Le rapporteur,
Signé : M. LAVAIL DELLAPORTALe président de chambre,
Signé : M. A...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°14DA01959