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24/09/2015 | FRANCE | N°14DA01863

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 24 septembre 2015, 14DA01863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 novembre 2014 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa remise aux autorités portugaises et l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative et d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1403826 du 6 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés et a rejeté le surplu

s des conclusions de la demande de M. D...F....

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 novembre 2014 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa remise aux autorités portugaises et l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative et d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1403826 du 6 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces arrêtés et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. D...F....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2014, et un mémoire, enregistré le 28 mai 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...F...devant le tribunal administratif ;

3°) de rejeter les conclusions de M. D...F...en appel tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- et les observations de Me A...B..., substituant Me C...E..., représentant M. D... F....

1. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas . Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale / (...) / 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres " ;

2. Considérant que les autorités portugaises ont délivré à M. D...F..., de nationalité angolaise, un visa valable du 17 février 2014 au 2 avril 2014, qui était périmé depuis moins de six mois à la date à laquelle il a formulé sa demande d'asile ; que si le requérant soutient qu'il n'en a pas fait usage pour entrer au Portugal et qu'il est entré en France muni d'un passeport d'emprunt, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations ; qu'ainsi, dès lors que M. D... F...était détenteur d'un visa portugais qui lui aurait effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre et que les autorités portugaises avaient accepté de le prendre en charge en application des dispositions précitées, c'est à bon droit que le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa remise aux autorités portugaises en application des dispositions précitées du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour ce motif, la décision de remise aux autorités portugaises et, par voie de conséquence, l'arrêté ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...F...devant la juridiction administrative ;

Sur la décision de remise aux autorités portugaises :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors d'un rendez-vous à la préfecture de la Seine-Maritime le 30 juillet 2014, M. D...F...s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile et une brochure d'information " A " relative à la détermination de l'Etat responsable, rédigés en langue française, que l'intéressé a déclaré comprendre ; qu'il s'est vu remettre une seconde brochure " B " concernant la procédure Dublin du règlement (UE) n° 604/2013 à l'issue de l'entretien individuel du 14 août 2014, comportant les informations mentionnées par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que si ces informations ne lui ont pas été toutes délivrées dès le 30 juillet 2014, date à laquelle il a introduit une demande de protection internationale auprès des autorités françaises, il ressort des pièces du dossier que M. D...F..., qui a bénéficié d'un délai raisonnable pour prendre connaissance de celles-ci avant le 4 novembre 2014, date à laquelle le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa remise aux autorités portugaises et qui a d'ailleurs pu formuler des observations dans un courrier du 7 octobre 2014, n'a pas été privé de la garantie procédurale consistant en un accès, dans une langue qu'il est susceptible de comprendre, à ces informations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. La Commission adopte, par voie d'actes d'exécution, des conditions uniformes pour l'établissement et la présentation des requêtes aux fins de prise en charge. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2. " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités portugaises, que le préfet de la Seine-Maritime a saisies le 29 août 2014, ont répondu favorablement à cette demande le 3 septembre 2014 ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'elles n'aient pas été saisies d'une demande présentée à l'aide d'un formulaire-type, est sans incidence sur la régularité de la procédure ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 3 de l'article 21 du règlement précité doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 : " Par dérogation à l'article 3, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France à l'âge de vingt-huit ans ; que, selon ses propres déclarations lors de sa demande d'asile, sa compagne et ses deux enfants mineurs résident en Angola ; qu'il y avait, en outre, indiqué qu'aucun membre de sa famille ne résidait en France ; que s'il se prévaut, devant la juridiction administrative, de la présence régulière en France de son frère, de ses soeurs et de cousins, il ne justifie pas, par la seule production, au demeurant postérieure à l'arrêté attaqué, d'une attestation d'hébergement de sa soeur, de l'intensité de ses liens familiaux ; qu'il ne se prévaut, ni n'allègue, d'aucune autre circonstance de nature à justifier qu'il soit fait application de la clause discrétionnaire du 1 de l'article 17 du règlement précité ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu ces dispositions et entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, doivent être écartés ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...F...n'est pas fondé à soutenir que la décision de remise aux autorités portugaises est illégale ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative :

11. Considérant que la décision contestée qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde est, par suite, suffisamment motivée ;

12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 10, la décision de remise aux autorités portugaises n'est pas illégale ; que le requérant n'est donc pas fondé à invoquer son illégalité à l'encontre de la décision de le placer en rétention ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du règlement n° 604/2013/UE : " Placement en rétention / 1. Les états membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. / 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. / (...) " ;

14. Considérant qu'il est constant que M. D...F...est entré irrégulièrement sur le territoire français et ne dispose pas de document de voyage ou d'identité en cours de validité ; que la circonstance qu'il bénéficie d'une adresse postale auprès de l'association " France Terre d'Asile " ne permet pas d'établir qu'il dispose d'un lieu de résidence stable et effectif ; que l'attestation de la soeur de l'intéressé, certifiant l'héberger, non circonstanciée, est postérieure à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, et alors même qu'il s'est présenté spontanément aux convocations de la préfecture, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure de remise aux autorités portugaises dont il fait l'objet ; que, dès lors, le préfet, en adoptant la décision de placement en rétention, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 28 du règlement du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013, lequel prévoit la possibilité d'un placement en rétention lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite, ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...F...n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant son placement en rétention administrative est illégale ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ses arrêtés ; que les conclusions présentées par M. D...F...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, dès lors, être écartées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...F...devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...F...en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. G...D...F...et à Me C...E....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01863
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-24;14da01863 ?
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