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24/09/2015 | FRANCE | N°14DA00642

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14DA00642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les étangs du parc, la société ANOR et la société civile particulière (SCP) du lac ont sollicité du tribunal administratif de Rouen, par trois demandes distinctes, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Eure du 29 juillet 2011 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de l'Eure moyenne, en tant qu'il classe en zone verte les parcelles dont elles sont propriétaires ou qu'elles exploitent sur le territoire des communes de La Garenn

e-sur-Eure et d'Ezy-sur-Eure ainsi que le rejet de leurs recours gracieux.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Les étangs du parc, la société ANOR et la société civile particulière (SCP) du lac ont sollicité du tribunal administratif de Rouen, par trois demandes distinctes, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Eure du 29 juillet 2011 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de l'Eure moyenne, en tant qu'il classe en zone verte les parcelles dont elles sont propriétaires ou qu'elles exploitent sur le territoire des communes de La Garenne-sur-Eure et d'Ezy-sur-Eure ainsi que le rejet de leurs recours gracieux.

Par un jugement nos 1201088-1201091-1201092 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2014, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 6 novembre 2014 et 24 décembre 2014, la SCI Les étangs du parc, la société ANOR et la SCP du lac, représentées par Me D...A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral en tant qu'il concerne les parcelles dont elles sont propriétaires ou qu'elles exploitent sur le territoire des communes de La Garenne-sur-Eure et d'Ezy-sur-Eure, ainsi que le rejet de leurs recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me B...C..., représentant les sociétés requérantes.

1. Considérant que, par un arrêté du 29 juillet 2011, le préfet de l'Eure a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation de l'Eure moyenne ; que cet arrêté a été contesté, d'une part, par deux demandes distinctes, émanant de la SCI Les étangs du parc, propriétaire de parcelles situées sur le territoire de La Garenne-sur-Eure, qui servent de terrain d'assiette à un camping, et par la société ANOR, exploitante de cette installation ainsi que, d'autre part, par une troisième demande, émanant de la SCP du lac, propriétaire d'un étang et de parcelles entourant ce dernier, situés sur le territoire de la commune d'Ezy-sur-Eure ; qu'après avoir joint ces trois demandes, le tribunal administratif de Rouen a rejeté l'ensemble des conclusions des trois sociétés par un jugement du 6 février 2014 dont ces sociétés relèvent appel par une requête unique ; que, toutefois, elles contestent la solution rendue par des moyens distincts selon qu'elles critiquent la partie du jugement qui concerne les demandes relatives aux parcelles situées à La Garenne-sur-Eure ou celle qui concerne la demande relative aux parcelles situées à Ezy-sur-Eure ;

Sur la partie du jugement relative aux parcelles situées à La Garenne-sur-Eure :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I.- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...). / II.- Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. (...) " ;

3. Considérant qu'il est constant que l'arrêté en litige portant plan de prévention des risques d'inondation de l'Eure moyenne délimite quatre zones désignées par les couleurs vert, rouge, bleu et jaune selon que les secteurs sont ou non exposés à des risques d'inondation et que la détermination de ces zones tient compte, le cas échéant, de la nature et de l'intensité du risque encouru ; que si la zone verte, correspondant aux secteurs non urbanisés soumis à un risque d'inondation ou de rupture de digue, regroupe l'ensemble des terres sans distinguer selon le niveau de l'aléa, ce choix tient à sa vocation de zone d'expansion des crues dans laquelle il importe de soumettre l'ensemble des terrains aux mêmes prescriptions afin, quel que soit le mode d'occupation ou d'utilisation des sols, de ne pas augmenter le risque d'inondation en aval mais de le réduire ; que, par suite, la définition de la zone verte n'est pas contraire aux exigences de l'article L. 561-2 du code de l'environnement rappelées ci-dessus ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les terrains en litige, qui représentent une unité foncière de cinquante hectares, constituée d'étangs et d'un camping, sont situés le long de la rivière de l'Eure en marge du centre bourg ; que cet ensemble est classé en zone naturelle par le plan d'occupation des sols de la commune de La Garenne-sur-Eure ; que les aménagements du terrain de camping et la nature des installations légères qui s'y trouvent ne permettent pas davantage de faire regarder ce secteur comme urbanisé au sens du plan de prévention des risques d'inondation ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que les parcelles en litige sont également incluses dans le lit majeur de l'Eure et il n'est pas sérieusement contesté que les terrains sont situés dans l'un des axes d'écoulement préférentiel des crues ; que, par suite, le classement opéré ne repose pas sur une erreur de fait ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, la présence d'une ancienne ligne de chemin de fer et celle d'un lotissement à proximité suffiraient à faire obstacle à l'écoulement des eaux vers les terrains en litige appartenant à la SCI Les étangs du parc ; qu'alors même que la zone verte présenterait un caractère hétérogène au regard de la nature des parcelles qui y sont incluses ou de leurs aménagements, que les terrains en litige seraient situés en partie en zone non inondable ou d'aléa faible, ou comporteraient des " aménagements propres ", ou encore que l'autre rive de l'Eure présenterait de vastes terrains pouvant servir à l'expansion des crues, ces circonstances, compte tenu tant de la surface des terres concernées et de leur emplacement que de l'activité qui y est exercée, laquelle n'est d'ailleurs pas remise en cause par le plan de prévention des risques d'inondation, ne sont pas de nature à faire regarder leur classement en zone verte correspondant à des espaces d'expansion des crues, comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant que la circonstance que l'arrêté du préfet de l'Eure traite différemment les zones urbanisées et celles qui ne le sont pas, n'est pas par elle-même de nature à méconnaître le principe d'égalité ; que ce même arrêté qui ne pouvait inclure la rive de l'Eure située dans le département voisin n'est pas davantage entaché d'une rupture d'égalité dans le traitement des deux rives en ce qui concerne les terrains non urbanisés ;

7. Considérant qu'en interdisant toute nouvelle implantation d'activité à l'exception de celles qui seraient de nature à garantir le maintien des espaces concernés dans leur fonction d'expansion des crues sans toutefois augmenter le risque, pour ainsi préserver les secteurs fortement urbanisés situés en aval, le règlement de la zone verte du plan de prévention des risques d'inondation n'a pas fixé une prescription étrangère à la finalité du plan ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Les étangs du parc et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation du classement de leurs parcelles situées à Garenne-sur-Eure en zone verte par l'arrêté du 29 juillet 2011 du préfet de l'Eure approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de l'Eure moyenne ;

Sur la partie du jugement relative aux parcelles situées à Ezy -sur-Eure :

En ce qui concerne la régularité de cette partie du jugement :

9. Considérant qu'il ne ressort pas des termes mêmes du jugement, et notamment de son point 8, que le tribunal a répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans le classement de l'étang appartenant à la SCP du lac en zone verte du plan de prévention des risques d'inondation de l'Eure moyenne en litige ; qu'il ne ressort pas davantage de ce jugement que le tribunal a répondu à l'autre moyen, qui n'était pas inopérant, tiré du caractère trop contraignant du règlement de la zone verte pour l'étang ; que, par suite, la SCP du lac est fondée à soutenir que le jugement est, en ce qui la concerne, entaché d'irrégularité ; qu'il doit être, dans cette mesure, annulé ;

10. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de la SCP du lac devant le tribunal administratif de Rouen ;

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

11. Considérant que le moyen tiré du caractère incomplet des dossiers déposés dans chacune des communes comprises dans le périmètre de l'enquête publique n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

12. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SCP du lac, la chambre d'agriculture de l'Eure a rendu son avis le 20 septembre 2010 et le centre régional de la propriété forestière de Normandie le 27 septembre 2010 ; que le moyen tiré du défaut de consultation de ces organismes manque en fait ;

13. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'ensemble des avis requis soient repris dans les visas de l'arrêté contesté ; que le moyen tiré d'une omission des visas est, par suite, sans incidence sur la légalité de l'arrêté ;

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

14. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exprimées au point 3, la définition de la zone verte ne méconnaît pas l'article L. 562-1 du code de l'environnement ;

15. Considérant qu'en classant l'étang en zone verte, le préfet n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son emplacement et du rôle que cette étendue peut jouer dans la prévention des inondations en aval ; que les constructions lacustres ou sur pilotis dans l'étang ne seraient pas de nature à les rendre moins vulnérables et à faciliter l'évacuation des personnes mises en danger par les crues ; que, par suite, le règlement de la zone verte, qui interdit ce type de construction, ne présente pas de caractère illégal ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile particulière du lac n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 29 juillet 2011 du préfet de l'Eure approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de l'Eure moyenne en tant qu'il classe les parcelles lui appartenant en zone verte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les conclusions de la SCI Les étangs du parc et autres, parties perdantes, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur la demande de la SCP du lac.

Article 2 : La demande de la SCP du lac ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel de la SCI Les étangs du parc, de la société ANOR et de la société civile particulière (SCP) du lac sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les étangs du parc, à la société ANOR, à la SCP du lac et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00642
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Christian Bernier
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : ROCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-24;14da00642 ?
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