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10/09/2015 | FRANCE | N°14DA01803

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 10 septembre 2015, 14DA01803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 29 octobre 2014 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1403764 du 3 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'obligation de quitter le territoire fran

çais sans délai de départ volontaire et, par voie de conséquence, la décision fixant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 29 octobre 2014 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1403764 du 3 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et le placement en rétention administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2014, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- et les observations de Me C...E..., représentant M.B....

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

1. Considérant que la requête d'appel du préfet de la Seine-Maritime, qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire en défense de première instance mais énonce de manière précise les critiques adressées au jugement attaqué, répond aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. B...à la requête d'appel du préfet doit être écartée ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 28 octobre 2014, M. B...a été interpellé par les services de police du Havre puis placé en garde à vue en raison d'un défaut de permis de conduire ; qu'ayant constaté que l'intéressé ne disposait pas d'un titre l'autorisant à séjourner sur le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 29 octobre suivant, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ; qu'au cours de son audition, M. B...a été entendu sur l'infraction au code de la route qu'il a commise mais également sur sa situation administrative, personnelle et familiale ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de la mesure d'éloignement, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de cette mesure ; que, dans ces circonstances, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à une obligation de quitter le territoire français, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu que l'intéressé a été privé d'une garantie susceptible d'avoir eu une influence sur le sens de cette décision ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant la juridiction administrative par M.B... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant que, par un arrêté du 29 septembre 2014 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à Mme D...A..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, aux fins de signer la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant qu'il ressort de la décision attaquée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que le préfet de la Seine-Maritime a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.B... ; que, dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé, doivent être écartés ;

6. Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier que M.B..., ressortissant algérien né le 1er décembre 1991, est entré en France muni de son passeport et d'un " visa touristique chinois " le 18 août 2010 ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français au bénéfice de l'examen de sa demande d'asile rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2012 ; qu'en outre, il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime le 24 juillet 2013 à laquelle il n'a pas déféré ; que, s'il se prévaut de la présence en France de cinq de ses frères et soeurs en situation régulière, il ne ressort pas des pièces du dossier que, si sa soeur Aïcha titulaire d'un titre de séjour d'un an l'héberge depuis juillet 2013, il entretiendrait des liens d'une intensité particulière avec l'ensemble des membres de sa famille présents sur le territoire français, ni de la nécessité de demeurer auprès de sa soeur qui l'héberge ; qu'en outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, ses six autres frères et soeurs et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans ; qu'aucun élément versé au dossier ne permet de garantir la stabilité de la relation, à la supposer d'ailleurs certaine, qu'il entretiendrait avec une ressortissante française depuis plus d'un an, selon ses déclarations ; qu'ainsi, compte tenu des conditions du séjour et en dépit d'une présence de plus de quatre ans sur le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, il n'a pas entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B...n'est pas, en tout état de cause, fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait privée de base légale ;

9. Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) " ;

11. Considérant que M. B...fait valoir qu'il justifie d'une adresse stable au domicile de sa soeur ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B...s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement ; qu'en outre, s'il a présenté son passeport algérien aux services de police, celui-ci n'était plus valide depuis le 26 juin 2012 ; que, par suite, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire au motif qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes permettant d'exclure tout risque de soustraction à une nouvelle la mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale ;

14. Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire français, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est, du reste, mentionné dans la décision attaquée ; qu'ainsi, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que, par ailleurs, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé sa décision en mentionnant que l'intéressé n'indiquait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en fait ;

15. Considérant que M.B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, allègue qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il pourrait faire l'objet de traitements inhumains et dégradants ; que, toutefois, il n'apporte aucun élément probant tendant à craindre qu'il serait soumis de manière actuelle et personnelle à de tels traitements ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;

Sur le placement en rétention administrative :

17. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. B...n'est pas fondé, en tout état de cause, à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision de placement en rétention administrative serait privé de base légale ;

18. Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

20. Considérant que pour les mêmes raisons que celles exposées au point 11, M. B...doit être regardé comme ne présentant pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime ; que, par suite, ce dernier n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant son placement en rétention administrative ;

21. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B...est arrivé en France en 2010, il n'est hébergé chez sa soeur que depuis le mois de juillet 2013 ; qu'ainsi, si la décision attaquée indique que l'hébergement a débuté au cours de l'année 2014, cette inexactitude matérielle est toutefois sans incidence sur la légalité du placement en rétention administrative dès lors qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point précèdent que l'autorité préfectorale était fondée à prendre cette mesure à son encontre en l'absence de garanties de représentation effectives propres à éviter un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 29 octobre 2014 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme réclamée par le conseil de M.B... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01803
Date de la décision : 10/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-09-10;14da01803 ?
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