Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI du Bien Tombé a demandé au tribunal administratif d'Amiens à titre principal de condamner le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents à lui verser la somme de 1 947 500 euros en réparation des préjudices subis du fait du comblement de l'étang lui appartenant, d'enjoindre au syndicat de modifier les aménagements réalisés afin de faire cesser les désordres et de procéder aux travaux nécessaires au rétablissement d'une ligne d'eau suffisante dans l'étang, à titre subsidiaire, de reconnaître la responsabilité de l'Etat du fait de la carence du préfet de l'Aisne dans l'exercice de ses pouvoirs de police des cours d'eau non domaniaux et de mettre à la charge du syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1202548 du 13 mai 2014, le tribunal administratif d'Amiens a déclaré responsable le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents de la moitié des désordres affectant l'étang de Châtillon-sur-Oise, propriété de la SCI du Bien Tombé, a ordonné une expertise avant de statuer sur l'indemnisation des préjudices subis par la société et a réservé, jusqu'en fin d'instance, tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par le jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2014, le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents, représenté par Me C...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 13 mai 2014 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la SCI du Bien Tombé ;
3°) de mettre à la charge de la SCI du Bien Tombé la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Marjanovic, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents.
1. Considérant que durant l'hiver 1982-1983, l'étang de Châtillon-sur-Oise, que la SCI du Bien Tombé a acquis par acte notarié le 30 octobre 2009, a été traversé accidentellement par l'Oise, à la suite de la rupture de la digue le séparant de la rivière ; qu'en application d'une convention du 30 août 1986, signée entre les anciens propriétaires du plan d'eau et le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents, chargé de l'entretien du cours d'eau, des travaux de rétablissement du cours initial du lit de l'Oise ont été entrepris qui ne sont pas parvenus à interrompre un phénomène de sédimentation constaté dans l'étang dès 1986, qui s'est renforcé en 1999 et s'est poursuivi jusqu'en 2010, entraînant un comblement du plan d'eau ; que le syndicat a supprimé en 2010 un barrage de bastaings sur la rivière, qu'il avait installé pour réguler le niveau de l'étang ; que par lettre du 13 octobre 2011, la SCI du Bien Tombé a demandé à la collectivité de remédier aux désordres résultant de cette intervention, au motif qu'elle aurait eu pour effet d'abaisser encore le seuil du plan d'eau et d'aggraver en conséquence le phénomène de sédimentation, et de l'indemniser des préjudices subis du fait des travaux publics ainsi réalisés ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens, saisi par la SCI du Bien Tombé, a déclaré responsable le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents de la moitié des préjudices invoqués et a ordonné une expertise ; que le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents relève appel de ce jugement en tant qu'il le déclare responsable d'une partie des désordres affectant l'étang de Châtillon-sur-Oise ; que par la voie de l'appel incident, la SCI du Bien Tombé demande, à titre principal, à ce que le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents soit condamné à l'indemniser de l'intégralité des préjudices subis et, à titre subsidiaire, à ce que soit admise la responsabilité de l'Etat ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que s'il résulte de l'instruction que la modification de la configuration des lieux, déjà intervenue lors de l'acquisition de l'étang par la SCI du Bien Tombé en 2009, résultant de l'écoulement de l'Oise à travers l'étang depuis la rupture de la digue, a eu pour conséquence d'établir une interdépendance entre ce cours d'eau et l'étang, de telle sorte que la SCI du Bien Tombé pourrait être regardée comme ayant la qualité d'usager par rapport aux ouvrages publics constitués par les aménagements des berges de la rivière, il résulte toutefois des écritures de première instance de la SCI du Bien Tombé que celle-ci n'invoquait que les préjudices résultant de la réalisation des opérations d'enlèvement du barrage de bastaings effectuées en 2010, qui constituent des travaux publics à l'égard desquels elle a la qualité de tiers ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu la responsabilité pour faute, qui n'est pas d'ordre public, du syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents en raison d'un défaut d'entretien normal des aménagements affectant les berges et abords de l'Oise, lequel ne concerne que les usagers de ces ouvrages publics, et non la responsabilité sans faute dont seuls peuvent se prévaloir les tiers aux ouvrages ou travaux publics ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI du Bien Tombé devant le tribunal administratif d'Amiens et la cour ;
4. Considérant qu'il revient au riverain d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice ; que, pour se dégager de sa responsabilité, l'administration doit établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
5. Considérant que si le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents conteste en appel l'existence d'un lien de causalité entre les travaux d'enlèvement d'un barrage de bastaings en 2010 et les désordres affectant l'étang appartenant à la SCI du Bien Tombé, il résulte des pièces du dossier que si, comme il a été dit au point 1, le phénomène d'envasement était déjà à l'oeuvre en 1986 et s'est accentué à partir de 1999, l'étude hydromorphologique menée le 20 juin 2013 démontre l'existence d'une accélération de ce phénomène à partir de 2010 ; que cette étude, dont le contenu n'est pas sérieusement contesté, expose en particulier que " l'effet de chasse " attendu des sédiments s'accumulant dans l'étang de Châtillon-sur-Oise, créé par l'enlèvement du barrage de bastaings à l'aval de l'étang, ne s'est pas réalisé et que le phénomène de comblement de l'étang s'est aggravé depuis la réalisation en 2010 de ces travaux qui ont eu, en définitive, pour effet d'abaisser le niveau de l'eau de l'étang ; que la circonstance que les aménagements réalisés en 2010 aient été prévus avant l'acquisition de l'étang de Châtillon-sur-Oise par la SCI du Bien Tombé n'est pas de nature à remettre en cause les conséquences, s'agissant de la responsabilité du syndicat à l'égard de la société, de l'existence d'un lien de causalité, ainsi démontré, entre les opérations en question et les préjudices invoqués ;
6. Considérant, en revanche, que le droit à réparation de la SCI du Bien Tombé, qui ne pouvait ignorer le phénomène d'envasement avancé de l'étang quand elle en a fait l'acquisition en 2009, ne peut s'étendre aux conséquences des désordres apparus avant cet achat et doit ainsi être limité à l'aggravation, par les travaux de 2010, de la situation existant au moment où la société est devenue propriétaire du plan d'eau ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce droit en le fixant à la moitié des dommages résultant de l'envasement, constatés à la suite des opérations réalisées par le syndicat intercommunal en 2010 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a partiellement engagé sa responsabilité ;
Sur la recevabilité de l'appel incident :
8. Considérant que les conclusions indemnitaires et les conclusions à fin d'injonction, présentées par la voie de l'appel incident par la SCI du Bien Tombé, et sur lesquelles le tribunal administratif n'avait pas encore statué par le jugement attaqué, sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCI du Bien Tombé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents une somme de 1 500 euros à verser à la SCI du Bien Tombé au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SCI du Bien Tombé présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents versera à la SCI du Bien Tombé une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal pour l'aménagement de l'Oise moyenne et de ses affluents, à la SCI du Bien Tombé et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.
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N°14DA01182