La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/2015 | FRANCE | N°13DA01318

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 21 juillet 2015, 13DA01318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Choeurs de fondeurs a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 décembre 2009 du ministre chargé du travail rejetant sa demande tendant à l'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord, situé à Noyelles-Godault, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

Par un jugement n° 1001259 du 4 juillet 2012, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
r>Par un arrêt n° 12DA01348 du 13 mai 2013, la cour administrative d'appel de Douai a annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Choeurs de fondeurs a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 décembre 2009 du ministre chargé du travail rejetant sa demande tendant à l'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord, situé à Noyelles-Godault, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

Par un jugement n° 1001259 du 4 juillet 2012, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12DA01348 du 13 mai 2013, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et a enjoint au ministre chargé du travail de procéder à l'inscription de l'établissement Métaleurop Nord de Noyelles-Godault sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période du 1er janvier 1962 au 31 décembre 1996.

Procédure devant la cour :

Par une requête en tierce opposition et des mémoires, enregistrés le 1er août 2013, le 13 décembre 2013, le 11 mars 2014, le 17 juin 2014, le 4 septembre 2014, le 23 décembre 2014 et le 6 mars 2015, la société Recylex SA, représentée par Me A...B..., demande à la cour :

1°) de déclarer non avenu son arrêt du 13 mai 2013 ;

2°) de rejeter la demande de l'association Choeurs de fondeurs devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé du travail de retirer ou d'abroger l'arrêté interministériel du 5 novembre 2013 inscrivant l'établissement de la société Métaleurop Nord, situé à Noyelles-Godault, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ;

4°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du 4 juillet 2012 ;

5°) à titre subsidiaire, de limiter à la date du 31 décembre 1989 la période retenue pour l'inscription et d'enjoindre au ministre chargé du travail de modifier en conséquence l'arrêté interministériel du 5 novembre 2013.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;

- la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la société Recylex SA, et de Me C...D..., représentant l'association Choeurs de fondeurs.

Une note en délibéré présentée pour la société Recylex SA a été enregistrée le 7 juillet 2015.

1. Considérant que par un arrêt du 13 mai 2013, la cour de céans a, sur la requête de l'association Choeurs de fondeurs, annulé le jugement du tribunal administratif de Lille du 4 juillet 2012 ayant rejeté la demande de cette association tendant à l'annulation de la décision du 23 décembre 2009 du ministre chargé du travail rejetant sa demande à fin d'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord, situé à Noyelles-Godault, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante et a enjoint au ministre chargé du travail de procéder à l'inscription de cet établissement sur cette liste pour la période du 1er janvier 1962 au 31 décembre 1996 ; que la société Recylex SA, nouvelle dénomination de la société Métaleurop SA, forme un recours en tierce opposition contre cet arrêt ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, peut former tierce opposition à un arrêt d'une cour administrative d'appel qui préjudicie à ses droits, la personne qui n'a pas été régulièrement appelée dans l'instance ayant abouti à cet arrêt ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la société Recylex SA n'a pas été présente ou régulièrement appelée dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 13 mai 2013 de la cour de céans ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de la jurisprudence des juridictions judiciaires que les salariés qui ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi susvisée du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 et figurant dans la liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvent par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et sont, dès lors, fondés à demander la réparation d'un préjudice d'anxiété ; qu'ainsi, l'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante est de nature à influer sur les conditions dans lesquelles la responsabilité de la société Recylex SA, société mère de la société Métaleurop Nord qu'elle détenait à 99 % et reconnue coemployeur des salariés de cette dernière, est susceptible d'être recherchée devant le juge judiciaire à raison du préjudice d'anxiété subi par ses anciens salariés, sans qu'à cet égard l'association Choeurs de fondeurs puisse se prévaloir de l'état d'abandon et de pollution grave dans lequel la société Recylex SA a laissé le site de Noyelles-Godault après la cessation totale d'activité de la société Métaleurop Nord intervenue en mars 2003 ou que le ministre chargé du travail aurait représenté les intérêts de la société Recylex SA lors de l'instance devant la cour administrative d'appel de Douai ; que, dans ces circonstances, en estimant que les conditions de cette inscription étaient réunies, l'arrêt précité a préjudicié aux droits de la société Recylex SA au sens des dispositions précitées de l'article R. 832-1 du code de justice administrative ; que celle-ci est dès lors recevable à former tierce opposition contre cet arrêt ; que par suite, il y a lieu de statuer à nouveau sur la requête de l'association Choeurs de fondeurs ;

Sur le bien-fondé de la tierce opposition :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société Recylex SA :

5. Considérant que par une décision du 23 août 2004, le ministre chargé du travail avait rejeté la demande de l'association Choeurs de fondeurs tendant à l'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord de Noyelles-Godault, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante au motif qu'eu égard à son activité de traitement de minerai, il ne relevait pas du dispositif législatif relatif aux établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage, de calorifugeage, de construction ou de réparation navale ; que la décision contestée du 23 décembre 2009 rejetant une nouvelle fois la demande d'inscription de cette association était fondée sur l'exercice d'une activité de traitement de minerai et sur l'absence de part significative des salariés concernés par des activités de calorifugeage à l'amiante susceptible de permettre l'inscription de cet établissement sur la dite liste ; que ce dernier motif, résultant de la modification de l'article 41 de la loi susvisée du 23 décembre 1998 par l'article 119 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 portant loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 constitue une circonstance de droit nouvelle alors même qu'il procéderait de la reprise dans la loi d'un critère jurisprudentiel ; que dès lors, la fin de non-recevoir, tirée du caractère confirmatif de la décision du 23 décembre 2009 refusant d'inscrire l'établissement de Noyelles-Godault sur la liste dont il s'agit doit être écartée ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 précitée dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante (...), sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements ; que les opérations de calorifugeage à l'amiante doivent, pour l'application de ces dispositions, s'entendre des interventions qui ont pour but d'utiliser l'amiante à des fins d'isolation thermique ;

8. Considérant qu'il est constant que de l'amiante à fin de calorifugeage a été utilisée dans les fonderies de plomb et de zinc de Noyelles-Godault, les procédés mis en oeuvre faisant appel à de très hautes températures, lesquelles nécessitaient l'utilisation de l'amiante sous des formes multiples dans l'ensemble des unités de fabrication de cet établissement ; que ce matériau a été utilisé en quantités importantes sur ce site dans le grillage des minerais de plomb et de zinc, dans les hauts fourneaux de production de zinc et plomb, dans l'usine d'acide sulfurique, dans les fours de fusion et les onze colonnes de distillation comme élément de calorifugeage à des fins d'isolation thermique ; que de nombreuses tuyauteries, les caisses de catalyse, les câbles électriques dans l'ensemble de l'usine étaient calorifugés à l'aide de bandes de tissu amianté ; que sous l'effet de la chaleur, les différents matériaux amiantés se délitaient rapidement ; que les opérations de changement de joints et de tresse amiantés sur de nombreuses installations, telles les machines de grillage, les boites à eau et rotors du haut fourneau zinc, le four de fusion zinc, les colonnes de distillation étaient très régulières, parfois quotidiennes, et réalisées par les salariés de Métaleurop Nord ;

9. Considérant qu'il ressort du rapport du 6 octobre 2009 de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord-Pas-de-Calais que les opérations de calorifugeage impliquaient 132 salariés différents, soit 12 % de l'effectif total de l'établissement en 1990 ; qu'à cet égard la société Recylex SA ne peut limiter ce calcul aux seuls salariés figurant sur le tableau annexé à ce rapport aux trois rubriques intitulées " calorifugeage " dès lors que ce terme doit aussi être entendu comme s'appliquant aux interventions qui ont pour objet d'utiliser l'amiante à des fins d'isolation thermique et figurant dans ce tableau dans d'autres rubriques ; que si la société Recylex SA conteste la méthodologie d'élaboration de ce tableau, elle ne produit elle-même aucun élément de nature à établir la réalité d'une proportion différente de salariés affectés avant 1990 à ces opérations de calorifugeage ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les opérations de calorifugeage à l'amiante ont présenté un caractère significatif au sein de l'établissement Métaleurop Nord de Noyelles-Godault ; que, dès lors, l'association Choeurs de fondeurs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 décembre 2009 du ministre chargé du travail refusant l'inscription de l'établissement Métaleurop Nord, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que les éléments produits par la société Recylex SA et non sérieusement contestés établissent le remplacement progressif de l'amiante par des fibres céramiques ayant pour conséquence une très forte diminution de l'utilisation annuelle d'amiante après 1990 ; qu'il y a dès lors lieu de limiter à la période du 1er janvier 1962 au 31 décembre 1989 la période d'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord de Noyelles-Godault sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre chargé du travail de procéder à la modification de son arrêté du 5 novembre 2013 ayant inscrit l'établissement de la société Métaleurop Nord de Noyelles-Godault sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante en ce qu'il fixe le terme de cette période d'inscription au 31 décembre 1996, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Recylex SA est seulement fondée à demander que l'arrêt du 13 mai 2013 de la cour de céans soit déclaré non avenu en tant qu'il a enjoint au ministre chargé du travail de fixer à la date du 31 décembre 1996 le terme de la période d'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord de Noyelles-Godault sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Recylex SA la somme que l'association Choeurs de fondeurs demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La tierce opposition formée par la société Recylex SA à l'encontre de l'arrêt du 13 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Douai prononçant l'annulation du jugement du 4 juillet 2012 du tribunal administratif de Lille ainsi que la décision du 23 décembre 2009 du ministre chargé du travail et ayant enjoint à ce dernier de procéder à l'inscription de l'établissement Métaleurop Nord de Noyelles-Godault sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période du 1er janvier 1962 au 31 décembre 1996 est admise.

Article 2 : L'arrêt du 13 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Douai est déclaré non avenu en tant qu'il a fixé la date du 31 décembre 1996 comme terme de la période d'inscription de l'établissement de la société Métaleurop Nord de Noyelles-Godault sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

Article 3 : Il est enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de procéder dans le délai de deux mois à la modification de l'arrêté du 5 novembre 2013 ayant inscrit l'établissement de la société Métaleurop Nord de Noyelles-Godault sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante en tant qu'il a fixé la date du 31 décembre 1996 comme terme de la période d'inscription et de lui substituer celle du 31 décembre 1989.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Recylex SA est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'association Choeurs de fondeurs présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à société Recylex SA, à l'association Choeurs de fondeurs et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

''

''

''

''

1

2

N°13DA01318

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01318
Date de la décision : 21/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition.

Travail et emploi - Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS KING et SPALDING INTERNATIONAL LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-07-21;13da01318 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award