Vu la requête, enregistrée le 27 août 2013, présentée pour la société Magnesita refractories, société en commandite simple, dont le siège est 63 rue du Petit Bruxelles à Valenciennes (59300), par Me A...B...; la SCS Magnesita refractories demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1007741 du 27 juin 2013 du tribunal administratif de Lille par lequel a été rejetée sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 600 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu'elle a subi au cours de la période du 1er janvier 2004 au 31 mars 2008 à raison de la transposition tardive de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 458 594 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 35 euros correspondant à la contribution à l'aide juridique qu'elle a payée, au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992 ;
Vu la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;
Vu le code des douanes ;
Vu la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ;
Vu l'arrêt du 5 juillet 2007 de la Cour de justice des communautés européennes dans les affaires jointes C-145/06 et C-146/06 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Daniel Mortelecq, président,
- et les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 357 bis du code des douanes : " Les tribunaux de grande instance connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives " ; qu'il résulte de ces dispositions que les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître des contestations, engagées par les redevables, relatives à l'assiette des contributions indirectes ; qu'en revanche, lorsque le redevable recherche la responsabilité de l'État du fait de la méconnaissance de l'obligation qui incombe au législateur d'assurer le respect des conventions internationales, notamment faute d'avoir réalisé la transposition des directives communautaires, dans les délais qu'elles ont prescrits, une telle action relève du régime de la responsabilité de l'État du fait de son activité législative, dont la juridiction administrative est seule compétente pour en connaître ;
2. Considérant que la SCS Magnesita refractories demande la réparation du préjudice qui lui aurait été causé par la transposition tardive de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 1 du présent arrêt qu'une telle action relève de la compétence de la juridiction administrative ; que, dès lors, l'exception d'incompétence opposée par le ministre des finances et des comptes publics doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la SCS Magnesita refractories n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Sur la responsabilité de l'État :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription opposée par le ministre des finances et des comptes publics :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 : " Les États membres taxent les produits énergétiques et l'électricité conformément à la présente directive " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même directive : (...) 4. La présente directive ne s'applique pas : (...) b) aux utilisations ci-après des produits énergétiques et de l'électricité : / - produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible, / - produits énergétiques à double usage. / Un produit énergétique est à double usage lorsqu'il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. L'utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l'électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage (...) " ; que, selon les articles 14, 15 et 16 de cette même directive, les États membres peuvent, dans les cas qu'ils énoncent, prévoir des exonérations ou réductions de taxation ; qu'enfin, aux termes de l'article 28 : " 1. Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 2003. Ils en informent immédiatement la Commission. / 2. Ils appliquent les présentes dispositions à partir du 1er janvier 2004 (...) " ;
5. Considérant que le gaz naturel, utilisé en particulier pour la métallurgie, était, en application de l'article 266 quinquies du code des douanes et sous réserve des cas d'exonérations, assujetti à une taxe intérieure de consommation lors de sa livraison par un fournisseur à un utilisateur final, qui était répercutée dans le prix d'achat, jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er avril 2008, de l'article 23 de la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007 portant transposition de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ; que la SCS Magnesita refractories soutient que la responsabilité de l'État est engagée dans la mesure où, en l'absence de transposition de cette directive dans le délai prévu à l'article 28 de celle-ci, elle a indûment supporté cette taxe du 1er janvier 2004 au 31 mars 2008 ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du b) du 4. de l'article 2 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 que celles-ci ne s'appliquent pas aux produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustibles ou carburants ; que, d'ailleurs, la Cour de justice des communautés européennes, saisie d'une question préjudicielle, a, par un arrêt du 5 juillet 2007 Fendt Italiana Srl c/ Agenzia Dogane - Ufficio Dogane di Trento, estimé que cette directive ne s'opposait pas à ce qu'une législation nationale prévoie la perception d'une taxe frappant les huiles lubrifiantes lorsqu'elles sont destinées, mises en vente ou employées à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible, dès lors que le b) du 4. de l'article 2 avait placé ce type d'utilisation en dehors de son champ d'application ; que, contrairement à ce que fait valoir la SCS Magnesita refractories, cette solution est transposable aux produits énergétiques à double usage ; que la circonstance que le législateur a décidé, lors de la transposition de la directive en cause par la loi du 25 décembre 2007 portant loi de finances rectificative pour 2007, d'exclure de la taxe intérieure de consommation les produits énergétiques à double usage, est sans incidence sur la portée à donner aux dispositions de la directive et ne saurait être regardée comme révélant l'incompatibilité du dispositif fiscal qui était en vigueur jusqu'au 1er avril 2008 ; que, par suite, la SCS Magnesita refractories n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 266 quinquies du code des douanes, dans leurs rédactions antérieures au 1er avril 2008, sur le fondement desquelles la société a indirectement supporté, pour la période faisant l'objet du litige, la taxe intérieure de consommation du gaz naturel utilisé dans le cadre de procédés métallurgiques, étaient incompatibles avec la directive communautaire, ni donc à se prévaloir d'une transposition tardive pour mettre en cause la responsabilité de l'État ;
7. Considérant, en second lieu, ainsi qu'il vient d'être dit au point 6 du présent arrêt, que le b) du 4. de l'article 2 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 exclut expressément de son champ d'application les produits énergétiques à double usage, les États membres conservant la faculté d'en déterminer le régime d'imposition ; que, par suite, la SCS Magnesita refractories ne peut utilement invoquer la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime pour reprocher au législateur national de ne pas avoir pris en compte les nouvelles catégories d'usage du gaz créées par cette directive ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Protection de la propriété. / Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; que les produits énergétiques à double usage étant expressément exclus du champ d'application de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003, la SCS Magnesita refractories ne peut utilement se prévaloir d'une transposition tardive pour invoquer l'atteinte à une espérance légitime d'obtenir une somme d'argent constitutive d'un bien, au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCS Magnesita refractories n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Magnesita refractories est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Magnesita refractories et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie sera adressée au directeur général des douanes et droits indirects.
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N°13DA01459