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12/05/2015 | FRANCE | N°12DA00312

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 12 mai 2015, 12DA00312


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2012, présentée pour la société du Casino et des bains de mer, dont le siège est 3 boulevard de Verdun à Dieppe (76200), par le CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société du Casino et des bains de mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903257 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la restitution des prélèvements sur le produit brut des jeux opérés au titre des années 2004 à 2008, ainsi que la contribution pour le remboursement de la dette sociale et la cont

ribution sociale généralisée ;

2°) de prononcer la restitution de ces prélè...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2012, présentée pour la société du Casino et des bains de mer, dont le siège est 3 boulevard de Verdun à Dieppe (76200), par le CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société du Casino et des bains de mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903257 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la restitution des prélèvements sur le produit brut des jeux opérés au titre des années 2004 à 2008, ainsi que la contribution pour le remboursement de la dette sociale et la contribution sociale généralisée ;

2°) de prononcer la restitution de ces prélèvements et de ces contributions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 1907-06-15 du 15 juin 1907 réglementant le jeu dans les cercles et les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques, notamment l'article 4 ;

Vu la loi du 19 décembre 1926 portant fixation du budget général de l'exercice 1927, notamment l'article 14 ;

Vu la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, notamment l'article 50 ;

Vu l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, notamment l'article 18 ;

Vu la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, notamment l'article 27 ;

Vu le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Daniel Mortelecq, président,

- et les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1. Considérant, qu'au cours des années 2004 à 2008, la société du Casino et des bains de mer a exploité un casino, dans les conditions fixées par la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos, et a été soumise, à ce titre, à plusieurs prélèvements sur le produit brut des jeux ainsi qu'à la contribution pour le remboursement de la dette sociale et la contribution sociale généralisée ; qu'estimant avoir payé à tort ces prélèvements et ces contributions, la société du Casino et des bains de mer en a demandé vainement la restitution auprès de l'administration des finances publiques, par une réclamation du 23 décembre 2008 ; qu'elle relève appel du jugement du 2 février 2012 du tribunal administratif de Rouen par lequel a été rejetée sa demande tendant à la restitution des prélèvements sur le produit brut des jeux au titre des années 2004 à 2008, ainsi que de la contribution pour le remboursement de la dette sociale et de la contribution sociale généralisée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, déclarés conformes à la Constitution par la décision n° 2010-53 QPC du 14 octobre 2010 : " (...) III. - Sont validés, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les prélèvements spécifiques aux jeux des casinos exploités en application de la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos, dus au titre d'une période antérieure au 1er novembre 2009, en tant qu'ils seraient contestés par un moyen tiré de ce que leur assiette ou leurs modalités de recouvrement ou de contrôle ont été fixées par voie réglementaire " ;

3. Considérant, qu'à la date du jugement attaqué, le moyen invoqué par la société du Casino et des bains de mer et tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire, au regard de l'article 34 de la Constitution, pour déterminer l'assiette et les modalités de recouvrement des prélèvements sur les jeux était, par l'effet de l'entrée en vigueur du III. de l'article 27 de la loi du 22 juillet 2009 précité, devenu inopérant ; que, par suite, l'omission à statuer des premiers juges sur ce moyen est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur le bien-fondé des prélèvements et des contributions en litige :

4. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit au point 3 du présent arrêt, que le moyen invoqué par la société du Casino et des bains de mer et tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire, au regard de l'article 34 de la Constitution, pour déterminer l'assiette et les modalités de recouvrement des prélèvements sur les jeux est, par l'effet de l'entrée en vigueur du III. de l'article 27 de la loi du 22 juillet 2009 précité, devenu inopérant ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;

6. Considérant qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice des stipulations précitées que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ;

7. Considérant qu'il résulte de l'article 18 du décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques, alors en vigueur, que les sommes représentant le montant des prélèvements en cause sont la propriété, non des exploitants des casinos, mais de l'Etat et des autres bénéficiaires de ces prélèvements, dès leur entrée dans la " cagnotte " du casino pour les jeux de cercle et dès leur inscription sur les carnets de prélèvement pour les jeux de contrepartie et les " machines à sous " ; qu'ainsi, les exploitants de casinos ne sont, s'agissant des sommes correspondant à ces prélèvements, que dépositaires de fonds publics pour le compte de collectivités publiques ; que la société du Casino et des bains de mer ne peut, dès lors, revendiquer la propriété d'un " bien " auquel il aurait été porté atteinte, au sens des stipulations précitées de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, qu'à la date du 23 décembre 2008 à laquelle la société du Casino et des bains de mer a présenté sa réclamation, il ne résultait ni de dispositions législatives en vigueur ni de la jurisprudence que les prélèvements sur le produit brut des jeux relevaient de la catégorie des impositions de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution ; qu'en effet, d'une part, les prélèvements sur le produit brut des jeux dans les casinos, qui relevaient jusqu'alors de la catégorie des recettes non fiscales dans les états législatifs annexés aux lois de finances, n'ont été rattachés à la catégorie des recettes fiscales de l'Etat, dans les états annexés à la loi de finances, que par les dispositions de la loi de finances pour 2009, adoptée le 17 décembre 2008 mais promulguée le 27 décembre 2008 ; que ce sont les dispositions de l'article 129 de la loi de finances rectificative pour 2008, adoptée le 22 décembre 2008 mais promulguée le 30 décembre 2008, qui ont inséré la définition de l'assiette de ces prélèvements dans la partie législative du code général des collectivités territoriales ; que, d'autre part, il résultait alors tant de la jurisprudence du Conseil d'Etat que de celle de la Cour de cassation que les prélèvements en cause ne pouvaient être regardés comme des impositions frappant des recettes appartenant aux exploitants des casinos, les sommes correspondantes appartenant d'emblée aux bénéficiaires de ces prélèvements ; que, par suite, à la date à laquelle elle a présenté sa réclamation, la société du Casino et des bains de mer ne pouvait pas faire état de l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent, susceptible d'être regardée comme un " bien " au sens des stipulations précitées de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant que la société du Casino et des bains de mer, ne pouvant pas se prévaloir de la propriété d'un " bien " auquel il aurait été porté atteinte, ni de l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent susceptible d'être regardée comme un " bien " au sens des stipulations précitées de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est donc pas fondée à soutenir que ces stipulations ont été méconnues, ni, en tout état de cause, que la validation rétroactive introduite par la loi du 22 juillet 2009 a méconnu ces mêmes stipulations ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société du Casino et des bains de mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société du Casino et des bains de mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société du Casino et des bains de mer et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°12DA00312


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Parafiscalité - redevances et taxes diverses.

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par les protocoles - Droit au respect de ses biens (art - 1er du premier protocole additionnel).

Sports et jeux - Casinos.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : 1C M S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Date de la décision : 12/05/2015
Date de l'import : 29/05/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12DA00312
Numéro NOR : CETATEXT000030588222 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-05-12;12da00312 ?
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