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05/03/2015 | FRANCE | N°13DA00536

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 05 mars 2015, 13DA00536


Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2013, présentée pour M. A... F..., élisant domicile..., par Me G...C... ; M. F... demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement nos 1002605-1100060 du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge

de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice...

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2013, présentée pour M. A... F..., élisant domicile..., par Me G...C... ; M. F... demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement nos 1002605-1100060 du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) " ;

2. Considérant que la seule circonstance que la proposition de rectification envoyée à M. F...le 23 février 2009 mentionnait que l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle avait commencé le 3 décembre 2008, date à laquelle l'avis de vérification est parvenu au contribuable, n'était pas par elle-même, de nature à établir que, dès cette date, l'administration aurait procédé, pour les besoins de cet examen, à des démarches autres que celles consistant à consulter, dans le cadre de son droit de communication qui peut être exercé sans que le contribuable en soit préalablement avisé, les pièces relatant les auditions de M. F... dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de l'intéressé pour escroquerie et abus de confiance et que le magistrat instructeur avait mises à la disposition de l'administration fiscale en vertu de l'obligation qui lui en est faite par les dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ; qu'en particulier, il ne ressort pas des termes de la proposition de rectification du 23 février 2009 que l'administration aurait directement contrôlé les comptes bancaires de M. F... ou de tiers mentionnés dans les pièces de la procédure pénale ; qu'en outre, et en tout état de cause, les impositions litigieuses ont exclusivement pour origine les informations portées à la connaissance de l'administration fiscale dans le cadre de l'exercice de son droit de communication et ne procèdent pas de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. F... à laquelle le service a par ailleurs procédé ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de ce qu'il n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil de son choix ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, l'administration a eu connaissance des détournements de fonds opérés par M. F...à l'occasion de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ; qu'il en résulte que le service avait mis en évidence, avant l'engagement de l'examen contradictoire de la situation personnelle de l'intéressé, les conditions d'exercice de l'activité non déclarée du requérant imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, par suite, la circonstance que l'administration n'ait pas entrepris de vérification de comptabilité ne peut être regardée comme un détournement de procédure et n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition ; qu'il ne peut davantage soutenir que celle-ci serait irrégulière au motif qu'il aurait été privé des garanties attachées à la procédure de vérification de comptabilité ;

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées et qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile ;

5. Considérant que les propositions de rectification du 1er décembre 2008 et du 23 février 2009 mentionnent les dispositions de l'article 92 du code général des impôts, qui inclut dans les bénéfices des professions non commerciales les sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ; qu'elles précisent que l'exercice du droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Lille a permis de mettre en évidence des sommes résultant de détournements de fonds au détriment de la société Promod ; que ces sommes ont été inscrites, en 2005 et 2006, au crédit de comptes courants détenus ou contrôlés par M.F... ; que l'administration, qui a identifié le montant total des sommes considérées comme des bénéfices non commerciaux pour chacun des comptes bancaires concernés, n'était pas tenue de fournir le détail des sommes portées au crédit de ces comptes, dès lors qu'elle a indiqué la nature et l'origine de ces sommes ; que les propositions de rectification comportent ainsi suffisamment de précisions quant aux motifs pour lesquels les redressements en litige étaient envisagés ; qu'elles sont donc suffisamment motivées ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. F...a accusé réception le 3 décembre 2008 et le 24 février 2009 des propositions de rectification que l'administration lui a adressées le 1er décembre 2008 et le 23 février 2009 ; que les observations de M.F..., qui n'a pas sollicité de prorogation de délai, sont parvenues au service le 27 avril 2009, soit après l'expiration du délai de trente jours visé par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, l'intéressé ne disposait plus de la faculté de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires ; que, par suite, M. F...ne peut utilement soutenir que les impositions en litige auraient été établies à la suite d'une procédure irrégulière au motif que l'administration, alors même qu'elle a répondu à ses obervations, ne l'aurait pas informé de la faculté de saisir l'organisme paritaire ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) " ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle entend fonder une imposition sur les dispositions précitées du code général des impôts, en dehors de toute procédure d'évaluation d'office, d'établir que les sommes réintégrées dans les bases imposables du contribuable constituent des revenus relevant de cet article du code ;

9. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.F..., les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une erreur de droit en relevant qu'il appartenait à l'intéressé de démontrer l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration, dès lors qu'il avait tacitement accepté les redressements qui lui avaient été notifiés ; qu'en revanche, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, il appartient à l'administration de démontrer que les détournements de fonds commis par l'intéressé sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au sens de l'article 92 du code général des impôts ;

10. Considérant que pour déterminer que les sommes mentionnées au crédit des divers comptes ouverts au nom du requérant ou utilisés par lui dans différents établissements financiers correspondaient à des détournements de fonds commis par l'intéressé au détriment de la société qui l'employait, le service a certes fait effectivement référence dans les propositions de rectification du 1er décembre 2008 et du 23 février 2009 aux déclarations de M. F...consignées notamment dans un procès-verbal d'interrogatoire de première comparution du 29 mars 2007 et dont elle mentionne précisément la teneur ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que dans sa réponse du 17 avril 2009 à ces propositions de rectification, le requérant, tout en contestant le montant des redressements qui lui ont été notifiés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, a expréssement admis avoir détourné les fonds en cause et a déclaré ne pas contester le principe même de l'imposition dont il était l'objet sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ; qu'ainsi, eu égard à cette reconnaissance du contribuable, dont rien ne permet de penser qu'il n'en a pas mesuré la portée, il appartient désormais à l'intéressé, devant le juge de l'impôt, de démontrer que ces sommes n'ont pas constitué des revenus ; que faute pour M. F...d'apporter la moindre explication sur l'origine de ces sommes, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que les sommes en litige ont constitué des revenus imposables en vertu des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : " Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l'égard des époux et des enfants, en France, sous réserve du respect des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil. Il peut faire l'objet d'une transcription dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7 du même code. A compter de la date de transcription, il produit effet à l'égard des tiers " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 171-5 du code civil : " Pour être opposable aux tiers en France, l'acte de mariage d'un Français célébré par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l'état civil français. En l'absence de transcription, le mariage d'un Français, valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l'égard des époux et des enfants " ;

12. Considérant que les dispositions précitées de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ne rendent opposables aux tiers les mariages célébrés à l'étranger qu'à compter de la date de leur transcription sur les registres de l'état civil français ; qu'elles ne peuvent ainsi être invoquées pour l'application des dispositions précitées de l'article 6 du code général des impôts au calcul des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2005 et 2006 ;

13. Considérant que la réponse ministérielle faite à la question n° 41533 de M.E..., député, publiée au Journal officiel le 26 juillet 2005 et la réponse ministérielle faite à la question n° 20257 de M.B..., sénateur, publiée au Journal officiel du 3 novembre 2005, reconnaissent, sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, des effets aux mariages contractés à l'étranger par deux ressortissants de même sexe que si la loi de l'Etat où le mariage a été célébré et la loi personnelle de chacun des époux admettent le mariage des couples de même sexe ; que tel n'était alors pas le cas de la législation française avant l'entrée en vigueur de la loi précitée du 17 mai 2013 ; qu'ainsi, cette doctrine ne s'appliquait qu'aux ressortissants étrangers dont la loi personnelle admettait le mariage entre personnes de même sexe ; que M. F..., de nationalité française, ne saurait, dès lors, se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de cette doctrine pour solliciter l'application des dispositions précitées de l'article 6 du code général des impôts à raison de son mariage avec M. D..., célébré le 2 juillet 2005 en Belgique ; qu'il ne peut davantage utilement se prévaloir d'un courrier du 11 juillet 2008, dont les termes sont identiques, adressé par la sous-direction du contentieux de la direction générale des finances publiques à un autre contribuable ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. F... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°13DA00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 13DA00536
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Enfants à charge et quotient familial.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : WIBAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-03-05;13da00536 ?
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