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03/02/2015 | FRANCE | N°13DA01027

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Formation plénière, 03 février 2015, 13DA01027


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2013, présentée pour M. B...D..., domicilié..., par Me C...A...; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300327 du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2012 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte

de 155 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder, dans un délai de quinze ...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2013, présentée pour M. B...D..., domicilié..., par Me C...A...; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300327 du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2012 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 155 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder, dans un délai de quinze jours et sous la même condition d'astreinte, à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros, à verser à son avocat, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant géorgien né le 22 juillet 1962, relève appel du jugement du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord, du 9 août 2012, refusant de lui délivrer un titre de séjour à la suite du rejet, par la Cour nationale du droit d'asile, de sa demande d'asile ; que, par la voie de l'appel incident, le préfet du Nord relève appel du jugement en tant qu'il a annulé les décisions du 9 août 2012 obligeant M. D...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur l'appel principal de M. D...:

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable. " ; qu'aux termes de l'article R. 742-3 du même code : " (...) le demandeur d'asile obtient le renouvellement du récépissé de la demande d'asile (...) jusqu'à la notification de la décision de la cour (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 733-20 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) " ; que s'il résulte de ces dernières dispositions que la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile statue sur une demande d'asile doit être notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, elles ne rendent pas pour autant irrégulière une notification par un autre procédé présentant des garanties équivalentes ; que M. D...a, le 9 juillet 2012, attesté de la réception de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 avril 2012, en en signant la copie ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant été régulièrement destinataire de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié ;

3. Considérant, d'une part, que le requérant ne peut utilement invoquer, à l'appui de son moyen tiré de ce qu'il n'a pas été informé dans une langue qu'il comprend des droits dont il pouvait se prévaloir à l'occasion de sa demande d'asile, de la méconnaissance de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, dès lors que les dispositions de cette directive ont été transposées par l'article 6 du décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 relatif aux conditions d'exercice du droit d'asile et codifiées dans la nouvelle rédaction du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, d'autre part, qu'eu égard à l'objet du document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, ainsi que le prévoit les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que le défaut d'un tel document ne peut, ainsi, être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; que, par suite, M. D...ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet du Nord après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 5 avril 2012, de la circonstance qu'il n'aurait pas été destinataire des informations requises par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant que si le requérant fait valoir qu'il est entré en France le 26 juillet 2009 en compagnie de son épouse et de sa fille âgée de 10 ans pour solliciter le statut de réfugié, qu'il est demeuré depuis lors dans ce pays après le rejet de sa demande d'asile, que sa fille y est scolarisée et que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de son épouse, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette dernière n'est titulaire, dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation, que d'une autorisation provisoire de séjour délivrée par le préfet en exécution du jugement précité ; qu'en outre le requérant ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale en dehors du territoire français en compagnie de son épouse et de sa fille, notamment en Géorgie, pays dans lequel ni lui, ni son épouse, ne sont dépourvus d'attaches familiales et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 47 ans ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de M.D..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord, en ce qu'il a examiné si le refus de titre de séjour qu'il lui opposait ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, aurait fait une appréciation erronée de sa situation et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision du préfet serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2012 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

Sur l'appel incident du préfet du Nord :

7. Considérant que M. D...a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'asile ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ; que le préfet du Nord est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe pour annuler la mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine prise à l'encontre de M.D... ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Lille et la cour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de l'arrêté de refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;

10. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est dès lors suffisamment motivé ;

11. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a précédé son arrêté d'un examen particulier de la situation personnelle de M.D... ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.D... ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté obligeant M. D...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1300327 du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les conclusions d'appel principal et la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation du refus de titre de séjour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°13DA01027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 13DA01027
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - RÉFUGIÉS ET APATRIDES.

335-03 Refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, pays de destination - Annulation par le tribunal administratif de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination - Appel principal sur le rejet de la demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour - Recevabilité de l'appel incident dirigé contre l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination (sol. impl.),,,Il existe un lien suffisamment étroit entre les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, pour que les conclusions incidentes présentées par le préfet à l'encontre de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la fixation du pays de destination ne soulèvent pas un litige distinct de l'appel principal dirigé contre le rejet des conclusions à fin d'annulation du refus de titre et soient dès lors recevables.,,,Rappr., ...CE, 30 novembre 1994, Préfet du Rhône, n°138725... ...CE 10 mai 1996, Préfet de la Drôme, n°162409,,CE, 25 janvier 2006, Préfet de l'Isère, n°261433,,CAA Nantes, 31 décembre 2007, M. Canpolat, n°07NT02390,,CAA Nantes, 27 février 2013, M. et Mme Beganaj, n°13NT01058.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS INCIDENTES - CONCLUSIONS INCIDENTES.

54-08-01-02-02 Refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, pays de destination - Annulation par le tribunal administratif de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination - Appel principal sur le rejet de la demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour - Recevabilité de l'appel incident dirigé contre l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination (sol. impl.),,,Il existe un lien suffisamment étroit entre les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, pour que les conclusions incidentes présentées par le préfet à l'encontre de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la fixation du pays de destination ne soulèvent pas un litige distinct de l'appel principal dirigé contre le rejet des conclusions à fin d'annulation du refus de titre et soient dès lors recevables.,,,Rappr., ...CE, 30 novembre 1994, Préfet du Rhône, n°138725... ...CE 10 mai 1996, Préfet de la Drôme, n°162409,,CE, 25 janvier 2006, Préfet de l'Isère, n°261433,,CAA Nantes, 31 décembre 2007, M. Canpolat, n°07NT02390,,CAA Nantes, 27 février 2013, M. et Mme Beganaj, n°13NT01058.


Composition du Tribunal
Président : Mme Erstein
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-02-03;13da01027 ?
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