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31/12/2014 | FRANCE | N°13DA00952

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 31 décembre 2014, 13DA00952


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...D...; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101461 du 2 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de la justice rejetant implicitement sa demande d'indemnisation du 14 mars 2011 relative à ses conditions de détention au sein de la maison d'arrêt de Rouen, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice

moral qu'il a subi et, enfin, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mi...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B...D...; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101461 du 2 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de la justice rejetant implicitement sa demande d'indemnisation du 14 mars 2011 relative à ses conditions de détention au sein de la maison d'arrêt de Rouen, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi et, enfin, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de ses conditions de détention dégradantes ;

4°) d'enjoindre à l'Etat d'effectuer les travaux nécessaires afin de rendre la maison d'arrêt de Rouen conforme aux prescriptions du règlement sanitaire départemental, sous astreinte de 1 000 euros par mois de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A... a été incarcéré à... ; qu'après avoir présenté une réclamation préalable, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande indemnitaire, laquelle a été rejetée par un jugement du 2 mai 2013 ; que M. A..., qui sollicite la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi lors de sa détention, fait appel de ce jugement ;

2. Considérant que la requête de M.A..., qui tend à l'engagement de la responsabilité de l'Etat, a le caractère d'un recours de plein contentieux ; que, dans le cadre d'un tel recours, le juge ne se borne pas à apprécier la légalité de la décision rejetant la demande d'indemnisation du demandeur, mais se prononce sur les mérites de la demande indemnitaire de l'intéressé ; que, dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir du défaut de motivation de la décision implicite ayant rejeté sa demande d'indemnisation, ni de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il en résulte, comme en dispose l'article D. 189 du code de procédure pénale dans sa version applicable au litige, que tout prisonnier a droit à être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d'exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention ; qu'en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur handicap et de leur personnalité, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l'intérêt des victimes ; que des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, notamment des articles D. 349 à D. 351, révèleraient l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ;

4. Considérant, en premier lieu, que si la sur-occupation d'une seule et même cellule, par plusieurs détenus, peut, en raison des conditions et des modalités de cette occupation au regard notamment du nombre de détenus, de la superficie de cette cellule et des caractéristiques de ses aménagements, être de nature à établir l'existence de traitements inhumains et dégradants, le défaut de détention en cellule individuelle ne saurait, en tant que tel, constituer une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, M. A...ne peut utilement se prévaloir des recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants, selon lesquelles chaque détenu devrait disposer d'une superficie de 7 m², qui, en tout état de cause, n'ont qu'une valeur de recommandation, ni des principes affirmés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, indépendamment de toute appréciation concrète des modalités et conditions de détention effectives qui lui ont été réservées dans chacune des cellules qu'il a occupées et qui caractériseraient les atteintes invoquées ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que pour établir une faute de l'administration pénitentiaire du fait des conditions de détention dégradantes qu'il aurait endurées à l'automne 2007 pendant son incarcération d'un mois et onze jours à la maison d'arrêt de Rouen, M. A...se borne à invoquer le constat d'un rapport d'expertise établi en 2005 concernant d'autres détenus et fait mention d'extraits du rapport rédigé par le contrôleur général des lieux de privation de liberté à l'occasion d'une visite de l'établissement pénitentiaire de Rouen du 23 au 26 septembre 2008 ; que si ces documents mettent effectivement en exergue de manière générale la taille exigüe des cellules ainsi que l'existence de problèmes de conception et de cloisonnement des cabinets d'aisance, M. A...n'apporte aucun élément de nature à décrire concrètement ses conditions réelles de détention au sein d'un établissement où il n'a passé au demeurant qu'une courte période ; que, par suite, M. A...n'établit pas que les conditions de son incarcération à la maison d'arrêt de Rouen ont été de nature à porter gravement atteinte à sa dignité de telle sorte que la responsabilité de l'administration devrait être engagée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

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N°13DA00952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00952
Date de la décision : 31/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : ARAKELIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-31;13da00952 ?
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