Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2013, présentée pour l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse, dont le siège est 10 rue Chef Mécanicien Prigent à Sainte-Adresse (76310), représentée par son président, par la société d'avocats Vargues et Associés ;
L'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100695 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Sainte-Adresse du 22 octobre 2010 approuvant le plan local d'urbanisme et de la décision du 4 janvier 2011 rejetant son recours gracieux contre cette décision ;
2°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération en tant qu'elle porte classement, d'une part, des espaces boisés du bois du vagabond bien aimé autrement appelé bois de la Marande et, d'autre part, en zone AU de la partie basse du terrain dit la Pénétrante ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Adresse la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 22 octobre 2014 du président de la cour désignant M. Laurent Domingo pour exercer les fonctions de rapporteur public à l'audience du 14 novembre 2014 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Michel Riou, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Sur les conclusions d'annulation totale du plan local d'urbanisme :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ces conclusions ;
En ce qui concerne la recevabilité du moyen tiré d'un vice de procédure :
1. Considérant que l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse n'avait soulevé en première instance que des moyens relevant de la légalité interne du plan local d'urbanisme ; que le moyen, soulevé pour la première fois en appel, tiré de ce que la procédure d'adoption du plan local d'urbanisme aurait été viciée du fait d'une méconnaissance alléguée de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales relève de la légalité externe ; que, par suite, la commune de Sainte-Adresse est fondée à soutenir que ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel ;
En ce qui concerne l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme remis en vigueur :
2. Considérant que si le plan local d'urbanisme en litige approuvé le 22 octobre 2010 a mentionné " l'obsolescence " du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région du Havre établi en 1974, la commune de Sainte-Adresse, auteur de ce plan, n'a pas entendu indiquer que son projet serait de manière générale incompatible avec ce schéma qui a été, postérieurement à l'adoption du plan, remis en vigueur à la suite de l'annulation, par un jugement du tribunal administratif de Rouen, confirmé par un arrêt de la cour le 19 avril 2012, de la délibération du 28 janvier 2008 du comité du syndicat Scot Le Havre Pointe de Caux Estuaire approuvant le schéma de cohérence territoriale Le Havre Pointe de Caux Estuaire ; que, par suite, en se bornant à relever l'existence de la mention précitée, l'association requérante ne met pas la cour à même d'apprécier le bien-fondé de son moyen tiré de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme remis en vigueur ;
En ce qui concerne l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine :
3. Considérant qu'en se bornant à affirmer que la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine prescrit " notamment le maintien de la protection des sites ", l'association ne fournit aucun élément de nature à apprécier une absence de compatibilité du plan local d'urbanisme dans son ensemble avec cette directive ;
Sur les conclusions d'annulation partielle du plan local d'urbanisme :
En ce qui concerne le déclassement de certaines parties des parcelles AB 690, AB 691 et AB 779 :
4. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. (...) / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. / (...) " ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le plan local d'urbanisme doit classer en espaces boisés, au titre de l'article L. 130-1 du présent code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, ainsi que d'un avis de l'Office national des forêts, que le bois du vagabond bien aimé, également dénommé bois de la Marande, fait, dans sa totalité, partie des ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune de Sainte-Adresse, commune littorale dans laquelle s'appliquent les dispositions précitées de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ; que les parcelles AB 690, 691 et 779 appartiennent à cet ensemble boisé ; que, par sa délibération en litige, la commune de Sainte-Adresse a décidé de supprimer le classement en " espaces boisés classés " (EBC) au plan local d'urbanisme, en premier lieu, d'une superficie de 800 m² sur les 5 273 m² correspondant à la parcelle AB 690 située au nord-est de cet ensemble, appartenant à un propriétaire privé, en deuxième lieu, d'une superficie de 1 400 m² sur un total de 4 860 m² correspondant à la parcelle AB 691, située au sud-ouest de cet ensemble, appartenant à un autre propriétaire privé, ainsi qu'en dernier lieu, d'une surface correspondant à un chemin et à un ancien jardin potager, située au centre du bois au sein de la parcelle communale AC 779 ;
6. Considérant, en premier lieu, que si le déboisement de la parcelle AB 690, qui porte sur une surface réduite en limite de bois à proximité de zones urbanisées, serait compensé par la création de bois dans d'autres secteurs du territoire communal et serait également limité par la création d'une bande de constructibilité réduite à 20 mètres par rapport à l'alignement, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder les 800 m² en cause comme divisibles du reste du bois de la Marande avec lequel l'ensemble de la parcelle forme une unité ; que cette partie du bois doit, dès lors, bénéficier de la même protection que l'ensemble boisé significatif du bois de la Marande ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en dépit de la présence de quelques vestiges de murs d'habitations, d'une déclivité différente et d'un entretien médiocre des bois par le propriétaire, ainsi que de constructions existantes sur des parcelles contiguës, la partie sud de la parcelle AB 691 n'est pas distincte du reste du bois de la Marande avec lequel l'ensemble de la parcelle forme une unité ; que les circonstances que la commission départementale de la nature, des sites et des paysages a donné, le 22 juin 2009, un avis favorable au plan local d'urbanisme en cause pris dans son ensemble et que le déboisement envisagé serait limité et compensé par la création de bois dans d'autres secteurs du territoire communal ne sont pas de nature à modifier cette situation de fait ; que cette partie du bois doit, dès lors, bénéficier de la même protection que l'ensemble boisé significatif du bois de la Marande ;
8. Considérant, en dernier lieu, alors même que l'aménagement du sentier sylvestre, implanté au sein de la parcelle AB 779, présente une utilité publique, cette partie du bois et l'ancien potager doivent bénéficier de la même protection que l'ensemble du bois de la Marande avec lequel la parcelle forme une unité ;
9. Considérant qu'il résulte des points précédents qu'en supprimant le classement EBC sur les parties de bois en litige des parcelles AB 690, 691 et 779, la commune de Sainte-Adresse a méconnu les dispositions précitées tant du quatrième alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme que de l'article L. 130-1 du même code ;
En ce qui concerne le classement en zone à urbaniser d'une partie de la zone dite de la Pénétrante :
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, que le terrain dit de la Pénétrante, frange boisée d'une surface totale de 37 901 m², fait partie, par son boisement, de type forestier très dense selon l'étude d'août 2006 de l'Office national des forêts, sa superficie et son unité, des ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune, alors même que sa partie basse, dont le plan d'urbanisme en cause prévoit le classement en zone à urbaniser, est d'un boisement peu riche ; que cette partie basse s'intègre sans discontinuité à l'ensemble boisé ; que, par suite, et alors même que la zone en cause n'était pas auparavant classée en espace boisé, la commune de Sainte-Adresse, en ne décidant pas le classement en espace boisé de cette zone, a méconnu les dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;
11. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état du dossier, susceptible d'entraîner l'annulation du plan local d'urbanisme en ce qui concerne les parties concernées des parcelles AB 690, 691 et 779 ainsi que la partie classée en zone à urbaniser du terrain dit de la Pénétrante ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 22 octobre 2010 par laquelle la commune a approuvé son plan local d'urbanisme en tant qu'elle concernait le classement en espaces boisés des zones indiquées aux points 5 et 10, par voie de conséquence, le rejet de son recours gracieux ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sainte-Adresse une somme de 1 500 euros à verser à l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à la mise à la charge de l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Sainte-Adresse et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La délibération du conseil municipal de la commune de Sainte-Adresse du 22 octobre 2010 en tant, d'une part, qu'elle supprime le classement en espaces boisés de 800 m² au sud de la parcelle AB 690, de 1 400 m² en périphérie de la parcelle AB 691, du chemin et de l'ancien potager situés au sein de la parcelle AB 779 et en tant que, d'autre part, elle ne classe pas en espaces boisés la partie basse du terrain dit de la Pénétrante, ainsi que, dans la même mesure, la décision du maire de Sainte-Adresse du 4 janvier 2011 rejetant le recours gracieux de l'association contre cette délibération, sont annulées.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 janvier 2013 est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : La commune de Sainte-Adresse versera une somme de 1 500 euros à l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Sainte-Adresse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la sauvegarde du site de Sainte-Adresse et à la commune de Sainte-Adresse.
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N°13DA00373 2