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05/06/2014 | FRANCE | N°13DA01483

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 05 juin 2014, 13DA01483


Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre 2013 et 20 janvier 2014, présentés par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101248 du 3 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille, à la demande du syndicat Antenne locale CFDT de Béthune, de M. Everaere et M.B..., a annulé sa décision du 24 décembre 2010 refusant l'inscription des établissements Ugine ALZ France et Tkes Ugo, situés à Isbergues, sur la liste des établissements

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Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre 2013 et 20 janvier 2014, présentés par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101248 du 3 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille, à la demande du syndicat Antenne locale CFDT de Béthune, de M. Everaere et M.B..., a annulé sa décision du 24 décembre 2010 refusant l'inscription des établissements Ugine ALZ France et Tkes Ugo, situés à Isbergues, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et lui a enjoint de procéder dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à cette inscription pour la période 1950-1998 ;

2°) de rejeter la demande du syndicat Antenne locale CFDT de Béthune ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée portant financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- les observations de Me Christophe Loonis, avocat du syndicat Antenne locale CFDT de Béthune,

- les observations de Me Frédéric Blancpain, avocat de la société Aperam Stainless France SAS,

- les observations de Me Eric Dhorne, avocat de la SAS Thyssenkrupp Electrical Steel Ugo ;

1. Considérant que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL relève appel du jugement du 3 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 24 décembre 2010 refusant l'inscription des établissements Ugine ALZ France et Tkes Ugo, situés à Isbergues, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et lui a enjoint de procéder dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à cette inscription pour la période 1950-1998 ; que par la voie de l'appel incident, le syndicat Antenne locale CFDT de Béthune demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de MM. Everaereet B...tendant à l'annulation de ladite décision ;

Sur l'appel du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction alors en vigueur : " Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante (...) sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements ; qu'il en va ainsi alors même que ces opérations ne constitueraient pas l'activité principale des établissements en question ; que les opérations de calorifugeage à l'amiante doivent, pour l'application de ces dispositions, s'entendre des interventions qui ont pour but d'utiliser l'amiante à des fins d'isolation thermique ; que ne sauraient par suite ouvrir droit à l'allocation prévue par ce texte les utilisations de l'amiante à des fins autres que l'isolation thermique, alors même que, par l'effet de ses propriétés intrinsèques, l'amiante ainsi utilisée assurerait également une isolation thermique ;

3. Considérant que les établissements de la société Ugine ALZ France devenue la société Aperam Stainless France SAS et de la société Thyssenkrupp Electrical Steel Ugo d'Isbergues sont issus de l'établissement Usinor Sacilor qui avait pour activité principale la production d'acier ; que ceux-ci constituent, à la date de la décision contestée, deux établissements distincts ;

En ce qui concerne l'établissement Ugine ALZ France :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que des opérations de calorifugeage à l'amiante ont été effectuées dans l'établissement susindiqué pour l'exploitation et la maintenance des hauts fourneaux, des chaudières et de la centrale de distillation d'air liquide ; que la maintenance des fours et chaudières était réalisée par environ 10 salariés, deux à trois fois par an et celle de la tour de distillation, qui a fonctionné jusqu'en 1975, par 10 salariés, également à la même fréquence ; que l'entretien et la réfection des fours auraient été effectués par une équipe de 50 fumistes ; que si les personnels affectés directement à la production d'acier étaient conduits à procéder au cours de leur activité journalière au renouvellement du calorifugeage des outils de manutention, la proportion des salariés y procédant de façon habituelle n'est pas établie par les pièces du dossier alors que cet établissement a employé jusqu'à 3 717 salariés en 1975 et que l'amiante a commencé à être remplacée par des produits de substitution à partir de 1977 ; que le degré d'exposition des salariés aux poussières d'amiante et l'existence de maladies professionnelles liées à l'amiante recensées dans l'établissement ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à justifier légalement l'inscription de cet établissement sur la liste prévue à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la loi n'ayant entendu permettre une telle inscription, susceptible d'ouvrir droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité à l'intégralité des salariés de l'établissement concerné, qu'à raison du caractère significatif de la part de l'activité consacrée aux opérations de calorifugeage et de flocage à l'amiante ; que ne sauraient ainsi être pris en compte les salariés exposés à l'amiante, en raison du port d'équipements de protection en amiante, de la manipulation de ce matériau en vue de la mise en place de joints d'étanchéité sur les portes des fours à coke, de son stockage dans les magasins généraux et par le service d'entretien, de son découpage en vue de fabrication de rouleaux amiantés et de la présence de poussière d'amiante dans les ateliers ; que, dans ces conditions, les opérations de calorifugeage à l'amiante ne peuvent être regardées comme ayant représenté, au cours de la période en cause, une part significative de l'activité de l'établissement ;

En ce qui concerne l'établissement de la SAS Thyssenkrupp Electrical Steel Ugo :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que créée en 1998 par scission de l'établissement de la société Usinor Sacilor d'Isbergues, la SAS Thyssenkrupp Electrical Steel Ugo n'a jamais utilisé d'amiante dans son activité de fabrication de tôles magnétiques à grains orientés ; qu'ainsi, le ministre a à bon droit refusé l'inscription de l'établissement de cette société sur la liste prévue par les dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

6. Considérant que par suite, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 24 décembre 2010 refusant l'inscription des établissements de la société Ugine ALZ France et de la société Tkes Ugo d'Isbergues sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante au motif que les opérations de calorifugeage représentaient sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat Antenne locale CFDT de Béthune devant le tribunal administratif de Lille ;

8. Considérant que la décision contestée du 24 décembre 2010 du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL a pris en compte tant l'activité principale d'aciérie des établissements de la société Ugine ALZ France et de la société Tkes Ugo d'Isbergues qui ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 que les opérations accessoires de calorifugeage à l'amiante lors des opérations de maintenance ; que le ministre aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul dernier motif ; que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'il aurait commis en ne visant que l'activité principale d'aciérie doit dès lors être écarté ;

9. Considérant que pour se prononcer sur une demande d'inscription d'un établissement sur la liste prévue par les dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne font obligation au ministre de procéder à une enquête contradictoire ; que la décision du ministre qui ne constitue pas une décision individuelle n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision du 24 décembre 2010 refusant d'inscrire les établissements Ugine ALZ France et Tkes Ugo, situés à Isbergues, sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;

Sur l'appel incident du syndicat Antenne locale CFDT de Béthune :

11. Considérant que, compte tenu de ce qui est dit au point 10, il n'y a pas lieu de faire droit, en tout état de cause, aux conclusions d'appel incident du syndicat Antenne locale CFDT de Béthune à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par MM. B...etC... ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le syndicat Antenne locale CFDT de Béthune au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 juillet 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande du syndicat Antenne locale CFDT de Béthune devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de MM. B...et Everearesont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DU DIALOGUE SOCIAL, au syndicat Antenne locale CFDT de Béthune, à M. E... Everaere et à M. A...B....

Copie sera adressée à la société Aperam Stainless France et à la société Thyssenkrupp Electrical Steel Ugo.

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N°13DA01483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01483
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03 Travail et emploi. Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SELARL ROBERT et LOONIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-06-05;13da01483 ?
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