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29/04/2014 | FRANCE | N°12DA01634

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 29 avril 2014, 12DA01634


Vu la requête, enregistrée le 7 novembre 2012, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202058 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 31 mai 2012 refusant de délivrer à M. D... un titre de séjour " vie privée et familiale ", lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le Maroc comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le t

ribunal administratif de Rouen ;

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Vu la requête, enregistrée le 7 novembre 2012, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202058 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 31 mai 2012 refusant de délivrer à M. D... un titre de séjour " vie privée et familiale ", lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le Maroc comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les observations de Me C...B..., substituant Me Cécile Madeline, avocat de M.D... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

2. Considérant que, d'une part, M.D..., ressortissant marocain né en 1970, entré irrégulièrement en France en 2003, a sollicité un titre de séjour au motif que l'état de santé dégradé de sa mère âgée de 68 ans et de son frère handicapé âgé de 29 ans, au domicile desquels il réside, rendait nécessaire sa présence à leurs côtés ; qu'il n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, qu'il assisterait quotidiennement et effectivement sa mère ; qu'en outre, l'une de ses soeurs a déjà sollicité son admission au séjour pour le même motif ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le handicap de son frère nécessiterait l'aide d'une tierce personne ; que M. D..., célibataire et sans enfant, qui a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 33 ans, n'est pas sans attache dans ce pays où réside effectivement ses deux soeurs ; que si, d'autre part, M. D... fait valoir qu'il est parfaitement intégré, la seule production d'une attestation de participation à une formation de renforcement des savoirs de base, d'un avis d'imposition au titre de l'année 2008 et d'une promesse d'embauche, alors que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français pendant plusieurs années, n'est pas de nature à établir la réalité de son insertion ; que dans ces conditions, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas, par son arrêté contesté, commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D...; qu'il est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour l'annuler ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est donc suffisamment motivée ;

5. Considérant, qu'ainsi qu'il l'a été dit au point 2, M. D...est célibataire sans enfant et ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle particulière dans la société française ; qu'il a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 33 ans et n'est pas sans attache dans ce pays ; que dès lors, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et ne méconnaît pas, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger relevant d'une catégorie visée par ce texte lorsque notamment la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité lui a été refusé ou que ce titre lui a été retiré ; que l'article R. 313-13 du même code prévoit également que : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; qu'il s'ensuit que l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour ne peut, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en France, ignorer qu'en cas de refus, il ne peut légalement se maintenir sur le territoire français, qu'il doit en principe prendre l'initiative de quitter le territoire et qu'il est également susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il est ainsi mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, s'il l'estime utile, de présenter tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'il n'a pas alors à attendre que l'autorité administrative prenne l'initiative de l'informer expressément qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de procéder à une telle information préalable, le préfet qui assortit son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, ne méconnaît pas de ce seul fait le droit de l'étranger, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et qui a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, d'être entendu préalablement à cette mesure ; qu'en outre, et dans l'hypothèse où il aurait été porté atteinte dans une situation donnée au droit d'être entendu ainsi reconnu aux étrangers par le droit de l'Union, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (10 septembre 2013, aff. n° C-383/13) qu'il appartient au juge national chargé de l'appréciation de la légalité de la décision affectée de ce vice d'apprécier dans chaque cas d'espèce si cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ;

7. Considérant que M. D...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé la délivrance d'un tel titre et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; qu'il n'invoque aucun autre élément de nature à constater que son droit à être entendu aurait été méconnu ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, il n'est pas fondé à soutenir que ce droit, tel qu'il est consacré par le droit de l'Union, a été méconnu ;

8. Considérant que pour le même motif que celui exposé au point 5, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. D...;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant que la décision fixant le pays de destination comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'en outre, le préfet l'a suffisamment motivée en indiquant qu'elle n'était pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que M. D...n'a jamais fait état de menaces directes et personnelles ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 4 octobre 2012 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 octobre 2012 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de M. D...présentée au tribunal administratif de Rouen et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

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N°12DA01634

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N° "Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 12DA01634
Date de la décision : 29/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-04-29;12da01634 ?
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