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15/04/2014 | FRANCE | N°13DA00348

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 15 avril 2014, 13DA00348


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour la société MMA IARD assurances mutuelles, dont le siège est 10 boulevard Alexandre Oyon à Le Mans (72000), par la Selafa Cabinet Cassel ; la société MMA IARD assurances mutuelles demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003150 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de condamnation du département de la Seine-Maritime à lui verser les sommes de 64 100 euros au titre de l'aggravation du préjudice subi par M. H...F...et de 3 048,88 euros au titre de la contamina

tion de ce dernier par le virus de l'hépatite C, avec intérêts au taux...

Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour la société MMA IARD assurances mutuelles, dont le siège est 10 boulevard Alexandre Oyon à Le Mans (72000), par la Selafa Cabinet Cassel ; la société MMA IARD assurances mutuelles demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003150 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de condamnation du département de la Seine-Maritime à lui verser les sommes de 64 100 euros au titre de l'aggravation du préjudice subi par M. H...F...et de 3 048,88 euros au titre de la contamination de ce dernier par le virus de l'hépatite C, avec intérêts au taux légal, et à la mise à la charge du département de la Seine-Maritime d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner le département de la Seine-Maritime à lui verser les sommes de 64 100 euros au titre de l'aggravation du préjudice de M. F...et 3 048,88 euros au titre du préjudice résultant de la contamination de ce dernier par le virus de l'hépatite C, avec intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge du département de la Seine-Maritime une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'exception de prescription quatriennale ne lui est pas opposable, sa requête de première instance ayant été enregistrée le 26 octobre 2010, soit avant l'expiration, le 1er janvier 2011, du délai de prescription interrompu le 27 février 2001 et qui avait recommencé à courir le 1er janvier 2007 ;

- le montant de sa créance sur le département de la Seine-Maritime doit être déterminé en fonction de la part de responsabilité de la collectivité, fixée par le tribunal administratif de Rouen, et du montant mis à sa charge par le tribunal de grande instance de Dieppe, selon jugement du 2 juin 2005, et par le protocole du 1er juin 2011 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2013, présenté pour le département de la Seine-Maritime, par Me E...C..., qui demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 5 400 euros à la société MMA IARD assurances mutuelles ;

3°) qu'il soit mis à la charge de la société MMA IARD mutuelles assurances une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la prescription quadriennale est opposable à la société MMA IARD assurances mutuelles ;

- la créance dont la société requérante se prévaut n'est pas justifiée par les documents qu'elle produit ;

- le juge administratif n'est lié, ni par les décisions judiciaires, ni par les sommes versées par les assurances dans le cadre d'un accord transactionnel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me Nicolas Bernard, avocat de la société MMA IARD assurances mutuelles ;

1. Considérant que, le 5 septembre 1988, M. H...F...a été victime d'un accident de la circulation causé par M. D...A..., assuré de la société Azur, aux droits de laquelle s'est substituée la société MMA IARD assurances mutuelles ; que M. F...a été définitivement indemnisé de ses préjudices corporels compte tenu de son déficit fonctionnel permanent, par arrêt du 6 janvier 2000 de la cour d'appel de Rouen lui allouant une somme de 97 567 euros ; que, par jugement devenu définitif du 2 juin 2005 du tribunal administratif de Rouen, le département de la Seine-Maritime a été déclaré responsable à hauteur de 40 % des dommages résultant de cet accident, en raison du défaut d'entretien normal de la chaussée ; que, par jugement du 7 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Dieppe a condamné solidairement les consorts A...et la société MMA IARD assurances mutuelles à verser à M. F...la somme de 7 622,22 euros en raison de la contamination de ce dernier par le virus de l'hépatite C lors des soins consécutifs à l'accident du 5 septembre 1988 ; que, par ordonnance du 9 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Dieppe a ordonné une nouvelle expertise médicale afin de déterminer l'étendue de l'aggravation des préjudices subis par M. F...et a condamné solidairement les consorts A...et la société MMA IARD assurances mutuelles à lui verser une provision de 10 000 euros ; qu'après dépôt du rapport de l'expert, un protocole transactionnel est intervenu le 1er juin 2011 entre la société MMA IARD assurances mutuelles et M.F..., fixant à 160 400 euros, compte non tenu du versement de la provision de 10 000 euros, le préjudice corporel dont ce dernier pouvait solliciter l'indemnisation ; que la société requérante relève appel du jugement du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné le département de la Seine-Maritime à lui verser une indemnité totale de 5 400 euros, qu'elle estime insuffisante, au titre de l'aggravation du préjudice de M. F... et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que, par appel incident, le département de la Seine-Maritime demande l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné au versement d'une indemnité ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; et qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours (...) ; Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption (...) " ; que la créance que l'auteur d'un dommage, subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée en exécution d'une décision de la juridiction judiciaire ou d'un accord transactionnel ayant force de chose jugée, détient sur une collectivité publique à laquelle le dommage est également imputable, se rattache à l'exercice au cours duquel est intervenue la décision judiciaire ou l'accord qui a fixé le montant de la réparation et rendu ainsi la créance liquide et exigible ;

3. Considérant, en premier lieu, que la créance de la société MMA IARD assurances mutuelles au titre de la contamination de M. F...par le virus de l'hépatite C est née à compter du jugement précité du 7 décembre 2005 du juge judiciaire ; que le délai de prescription quadriennale concernant cette créance a commencé à courir à compter du 1er janvier 2006 ; que, du fait de l'appel interjeté contre le jugement du 2 juin 2005 du tribunal administratif de Rouen, et de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel du 12 décembre 2006, le cours de la prescription quadriennale a été interrompu en vertu des dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ; que le nouveau délai de quatre ans a commencé à courir à compter du 1er janvier 2007 ; que, par suite, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la créance de la société MMA IARD assurances mutuelles de la somme qu'elle a été condamnée à verser à M. F..., du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, n'était pas prescrite quand elle a saisi, le 26 octobre 2010, le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation du département de la Seine-Maritime ;

4. Considérant, en second lieu, que la créance de la société MMA IARD assurances mutuelles au titre de l'aggravation du préjudice corporel de M. F...est née à compter de l'ordonnance susmentionnée du 9 janvier 2008 du juge des référés judiciaire en ce qui concerne la provision de 10 000 euros et à compter du protocole transactionnel du 1er juin 2011 en ce qui concerne la somme de 150 400 euros ; que le délai de prescription quadriennale concernant ces créances ont respectivement commencé à courir à compter du 1er janvier 2009 et du 1er janvier 2012 ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que la prescription quadriennale n'était pas opposable à la créance d'un montant total de 160 400 euros dont se prévaut la société MMA IARD assurances mutuelles à l'égard du département de la Seine-Maritime au titre de l'aggravation du préjudice corporel de M.F... ;

Sur les préjudices :

5. Considérant que les expertises, dont les résultats ont permis l'évaluation des différents préjudices subis par M. F...à la suite de l'accident dont il a été victime en 1988, constituent, alors même qu'elles n'ont pas été diligentées au contradictoire du département de la Seine-Maritime, des pièces de la procédure auxquelles le juge de l'indemnisation est en droit de se rapporter pour l'évaluation des dommages indemnisables ; que les rapports produits dans le dossier d'instruction, alors même qu'ils seraient incomplets, comportent néanmoins tous les éléments permettant aux parties de prendre connaissance des conclusions de l'expert et d'en contester utilement le bien-fondé ;

En ce qui concerne la contamination par le virus de l'hépatite C :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la contamination de M. F...par le virus de l'hépatite C résulte des soins qu'il a reçus à l'hôpital suite à l'accident de la circulation dont le département de la Seine-Maritime a été reconnu responsable des dommages à hauteur de 40 % ; que M. F...a subi à ce titre une ponction biopsie hépatique ayant entraîné une incapacité totale de travail du 21 mai 2001 au 31 mai 2001 ; que les souffrances endurées ont été évaluées à 3 sur une échelle de 7 ; qu'en outre, si l'expert note que M. F...n'a pas développé la maladie, il conclut à l'existence d'un préjudice moral résultant de l'apparition d'une anxiété à partir du 18 avril 2000, date de la découverte de la contamination ; que, par suite, il sera fait une exacte appréciation de la somme due par le département de la Seine-Maritime à la société MMA IARD assurances mutuelles en le condamnant à verser à cette société une indemnité 3 048 euros ;

En ce qui concerne l'aggravation du préjudice corporel :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. F...a été indemnisé de la somme de 97 657 euros par arrêt du 6 janvier 2000 de la cour d'appel de Rouen sur la base d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 40 % ; que selon l'expertise judiciaire du 31 mars 2010, le déficit fonctionnel permanent dont l'intéressé était atteint s'est aggravé pour s'établir, au 29 août 2008, date de consolidation de l'état de la victime, à 50 % ; qu'en outre, l'expert note l'existence de nouvelles souffrances, évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 ; que les autres préjudices subis par M. F...n'ont en revanche pas connu d'aggravation ; que la somme de 64 100 euros demandée par la société MMA IARD assurances mutuelles au titre de l'aggravation du préjudice correspond à 40 % des sommes versées suite à la transaction conclue le 1er juin 2011; que, toutefois, le juge administratif n'est pas lié par l'appréciation faite par les compagnies d'assurances du montant de l'indemnisation qu'elles ont choisi de retenir ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent et des nouvelles souffrances endurées en les évaluant respectivement à la somme de 20 000 euros et de 4 000 euros ; que, par suite, compte tenu de la part de responsabilité du département de la Seine-Maritime, celui-ci doit être condamné à verser à la société MMA IARD assurances mutuelles une somme de 9 600 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société MMA IARD assurances mutuelles est seulement fondée à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif a condamné le département de la Seine-Maritime à lui verser, soit portée à la somme de 12 648 euros ;

Sur les intérêts :

9. Considérant que la société MMA IARD assurances mutuelles a droit aux intérêts de la somme de 12 648 euros à compter de la date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif, soit le 26 octobre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le département de la Seine-Maritime doivent, dès lors, être rejetées ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Seine-Maritime une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société MMA IARD assurances mutuelles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 5 400 euros que le département de la Seine-Maritime a été condamné à verser à la société MMA IARD assurances mutuelles par le jugement du tribunal administratif du 17 janvier 2013 est portée à 12 648 euros. La somme de 12 648 euros est majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2010.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 janvier 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le département de la Seine-Maritime versera à la société MMA IARD assurances mutuelles une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société MMA IARD assurances mutuelles est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du département de la Seine-Maritime présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société MMA IARD mutuelles assurances et au département de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 1er avril 2014 à laquelle siégeaient :

- Mme Lucienne Erstein, président de la cour,

- M. B...G..., premier vice-président,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 15 avril 2014.

Le rapporteur,

Signé : M. I... Le président de la cour,

Signé : L. ERSTEIN

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00348
Date de la décision : 15/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Erstein
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELAFA CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-04-15;13da00348 ?
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