Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013, présentée pour la SARL Le Téoria, dont le siège est 5 place d'Angleterre à Boulogne-sur-Mer (62200), représentée par Me B...C..., liquidateur judiciaire, par Me D...A... ; la SARL Le Téoria demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903424 du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Le Téoria, qui exploite une discothèque à Lottinghen (Pas-de-Calais), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005, laquelle a abouti à un rejet de sa comptabilité et à une reconstitution du chiffre d'affaires imposable ; qu'elle relève appel du jugement du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à l'issue du contrôle ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a explicitement indiqué dans la proposition de rectification les motifs qui le conduisaient à écarter la comptabilité produite ; qu'il a précisé la nature, le montant et les motifs des redressements, ainsi que la méthode utilisée pour reconstituer les recettes issues des différentes activités de la SARL Le Téoria ; qu'ainsi, et alors même que les tableaux de dépouillement des achats n'avaient été ni reproduits, ni annexés aux trente-cinq pages de la proposition de rectification, la société a été mise à même d'engager utilement un dialogue avec le service ; que, par suite, la SARL Le Téoria n'est pas fondée à soutenir que la notification de redressements est insuffisamment motivée et qu'elle a été privée des informations nécessaires pour contester utilement les rectifications en litige ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;
4. Considérant que l'application des dispositions précitées est subordonnée à une demande du contribuable exprimée avant la mise en recouvrement des impositions ; qu'il résulte de l'instruction que le service a fondé les impositions en litige sur les résultats de la reconstitution de chiffres d'affaires effectuée, notamment, à partir des achats, dont la nature et les montants ont été obtenus auprès des fournisseurs de la SARL Le Téoria, dans le cadre du droit de communication ; que la proposition de rectification reprenait tous les éléments recueillis par le vérificateur ; que, lorsque le gérant de la SARL Le Téoria a demandé au service la communication de ces documents, le 22 septembre 2008, les cotisations supplémentaires contestées avaient déjà été mises en recouvrement le 24 juillet 2008 ; que, par suite, la mise en recouvrement des impositions assignées à la SARL Le Téoria ayant déjà eu lieu, le service n'était pas tenu de communiquer les documents obtenus auprès des tiers ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la demande du 22 septembre 2008 de la SARL Le Téoria, fondée sur la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et tendant à ce qu'elle soit mise en mesure de consulter le rapport établi à la suite de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet, a été présentée postérieurement à la mise en recouvrement des impositions en litige intervenue le 24 juillet 2008, et, au demeurant, a été suivie de la communication de ces documents par l'administration le 1er octobre 2008 ; que, par suite, la SARL Le Téoria n'est pas fondée à soutenir que les impositions contestées ont été établies selon une procédure irrégulière ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis, soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code " ; qu'aux termes de l'article R. 60-3 du même livre : " L'avis ou la décision de la commission départementale doit être motivé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. / La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le redressement est soumis au juge (...) " ;
7. Considérant que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission, s'ils n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition, peuvent avoir pour effet de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve, telle que prévue par l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant que la SARL Le Téoria soutient que l'avis de la commission est insuffisamment motivé et méconnaît les dispositions précitées de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, d'une part, précisé les raisons pour lesquelles la comptabilité de la SARL Le Téoria ne pouvait être regardée comme probante et, d'autre part, procédé à une analyse des motifs retenus par l'administration pour justifier les rehaussements en litige ainsi qu'à un examen des arguments et moyens du contribuable ; que, dès lors, l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était suffisamment motivé ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Le Téoria, dont l'imposition a été établie conformément à l'avis émis par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 28 février 2008, n'est pas fondée à soutenir que cet avis est entaché de vices de forme ou de procédure de nature à modifier la dévolution de la charge de la preuve prévue par les dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la régularité de la comptabilité :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes journalières de l'établissement exploité par la SARL Le Téoria étaient globalisées en fin de journée, ne distinguant les recettes des caisses enregistreuses qu'entre quatre catégories de boissons ; que les dispositions de l'article 286-1-3° du code général des impôts autorisant une telle globalisation des recettes inférieures à 76 euros ne dispensent pas la société requérante de produire les pièces justificatives du détail de ces recettes ; que, par ailleurs, d'importantes discordances ont été relevées entre le nombre de contremarques distribuées avec les tickets d'entrée et celles restituées aux bars de l'établissement ; que, du 1er janvier au 15 mai 2004, les recettes afférentes à la vente de bouteilles de " Passoa " n'ont pas été enregistrées et, qu'enfin, certaines factures d'achat n'ont pas été comptabilisées ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que l'administration fiscale a rejeté la comptabilité de la SARL Le Téoria comme étant dépourvue de valeur probante et a procédé à la reconstitution des chiffres d'affaires de cette société ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
11. Considérant, en premier lieu, que la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe à la SARL Le Téoria, conformément à l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dès lors que les impositions, établies selon la procédure contradictoire, ont été mises en recouvrement conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et que la comptabilité présente de graves irrégularités ;
12. Considérant, en second lieu, que la SARL Le Téoria ne formule aucune critique à l'encontre de la méthode de reconstitution ainsi retenue et détaillée dans la notification de redressements ni ne propose aucune autre méthode plus fiable et plus précise que celle retenue par l'administration ; qu'il s'ensuit que la SARL Le Téoria n'apporte pas la preuve de l'exagération des impositions arrêtées par l'administration ;
Sur les pénalités :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La décision d'appliquer les majorations prévues aux articles 1729 et 1732 du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités " ; qu'aux termes de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales : " L'administration notifie l'avis de la commission au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition. " ; qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 17 avril 2007, qui comportait la motivation des pénalités mises en recouvrement à l'encontre de la SARL Le Téoria, avait été visée par un agent titulaire du grade prévue par ces dispositions ; que la lettre du 28 mai 2008, par laquelle l'administration fiscale a adressé à la SARL Le Téoria l'avis de la commission départementale des impôts et lui a indiqué les bases ou droits, après avis de la commission, qu'elle envisageait de retenir, n'a modifié ni la base légale, ni la qualification, ni les motifs des pénalités que l'administration avait envisagé d'appliquer au contribuable ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition pour absence du contreseing de l'inspecteur départemental sur le courrier du 28 mai 2008 doit être écarté ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;
15. Considérant qu'en faisant valoir le caractère non probant de sa comptabilité, l'importance des minorations des chiffres d'affaires déclarés en 2004 et 2005 et le caractère répétitif des omissions ainsi constatées, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la SARL Le Téoria d'éluder l'impôt ; que, par suite, c'est à bon droit que la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, qui a fait l'objet d'une motivation suffisante, a été appliquée aux impositions contestées ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Téoria n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
18. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SARL Le Téoria doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Le Téoria est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Téoria, représentée par Me B...C..., liquidateur judiciaire et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°13DA00272