Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2012, présentée pour la commune de Pont de l'Arche, représentée par son maire en exercice, par Me A...B...; la commune de Pont de l'Arche demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903153 du 5 avril 2012 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à garantir la société Pieux Ouest à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre en principal, frais et dépens, en réparation du dommage causé à la société Véolia Eau - Compagnie Générale des Eaux (CGE) ;
2°) de rejeter la demande de la société Véolia Eau - CGE et de la société Pieux Ouest ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la société Véolia Eau - Compagnie Générale des Eaux et de la société Pieux Ouest les dépens, dont la contribution prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre solidairement à la charge de la société Véolia Eau - Compagnie Générale des Eaux et de la société Pieux Ouest une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de la propriété des personnes publiques ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 pris pour l'application du I de l'article 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée ;
Vu le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;
Vu l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'oeuvre confiés par les maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Marie-Christine Dutat, avocat de la société Pieux Ouest et de la compagnie Axa France Iard ;
1. Considérant que la commune de Pont de l'Arche relève appel du jugement du 5 avril 2012 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à garantir la société Pieux Ouest à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre en principal, frais et dépens, en réparation des préjudices subis par la société Véolia Eau - Compagnie Générale des Eaux (CGE) ; que le cabinet Lamarti conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir la société Pieux Ouest à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à son encontre ; que la société Pieux Ouest et son assureur, la compagnie Axa France Iard, concluent à la mise hors de cause de la société Pieux Ouest ; que la société Véolia Eau - CGE conclut à la confirmation du jugement attaqué ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Véolia Eau - CGE :
Sur le lien de causalité :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du constat d'huissier du 28 juin 2006 relevant la présence d'un pieu bétonné ferraillé reposant sur une canalisation cassée, qu'alors qu'elle effectuait, au cours du mois de janvier 2006, pour le compte de la commune de Pont de l'Arche, des travaux de fondations spéciales dans le cadre de l'aménagement des parkings du bord de l'Eure, la société Pieux Ouest a endommagé, au cours d'un forage à la tarière creuse, une conduite d'eau exploitée par la société Véolia Eau - CGE ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent la commune de Pont de l'Arche, ainsi que la société Pieux Ouest et son assureur, la compagnie Axa France Iard, le lien de causalité direct et certain entre les travaux publics incriminés et les dommages subis par la société Véolia Eau - CGE est établi ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il condamne la commune de Pont de l'Arche à garantir à hauteur de 40 % la société Pieux Ouest des condamnations prononcées à son encontre :
3. Considérant, d'une part, que, même en l'absence de faute, la collectivité maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 14 octobre 1991 : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux travaux effectués au voisinage des ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques indiqués ci-dessous : (...) f) Ouvrages de prélèvement et de distribution d'eau destinée à la consommation humaine en pression ou à écoulement libre ; g) Réservoirs d'eau destinée à la consommation humaine, enterrés, en pression ou à écoulement libre ; h) Ouvrages de transport ou de distribution de vapeur d'eau, d'eau surchauffée, d'eau chaude ou d'eau glacée (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : " Les entreprises, y compris les entreprises sous-traitantes ou membres d'un groupement d'entreprises, chargées de l'exécution de travaux entrant dans le champ d'application des annexes I à VII bis du présent décret, doivent adresser une déclaration d'intention de commencement des travaux à chaque exploitant d'ouvrage concerné par les travaux. Cette déclaration, qui est établie sur un imprimé conforme au modèle déterminé par l'arrêté prévu à l'article 4, doit être reçue par les exploitants d'ouvrages dix jours au moins, jours fériés non compris, avant la date de début des travaux. (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 de ce décret : " En ce qui concerne les travaux effectués à proximité d'ouvrages énumérés à l'article 1er autres que ceux mentionnés à l'article 9, les exploitants communiquent au moyen du récépissé prévu à l'article 8, sous leur responsabilité et avec le maximum de précisions possible tous les renseignements en leur possession sur l'emplacement de leurs ouvrages existant dans la zone où se situent les travaux projetés et y joignent les recommandations techniques écrites applicables à l'exécution des travaux à proximité desdits ouvrages. Si les travaux, en raison de leurs conditions de réalisation telles que celles-ci sont précisées dans la déclaration souscrite par l'exécutant, rendent nécessaire le repérage, préalable et en commun, de l'emplacement sur le sol des ouvrages, les exploitants en avisent, au moyen du même récépissé, l'exécutant des travaux afin de coordonner les dispositions à prendre. Les travaux ne peuvent être entrepris qu'après la communication des indications et recommandations fournies par les exploitants concernés. Toutefois, à défaut de réponse des exploitants concernés dans le délai fixé à l'article 8, les travaux peuvent être entrepris trois jours, jours fériés non compris, après l'envoi par l'exécutant des travaux d'une lettre de rappel confirmant son intention d'entreprendre les travaux. " ;
5. Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la société Pieux Ouest a adressé à la société Véolia Eau - CGE la déclaration d'intention de commencement des travaux mentionnée à l'article 7 du décret du 14 octobre 1991, ou la lettre de rappel confirmant son intention de commencer les travaux, dans le cas où les renseignements relatifs aux emplacements des réseaux ne lui auraient pas été transmis ; que, par suite, aucune faute de nature à exonérer totalement ou partiellement la société Pieux Ouest ne saurait être imputée à la société Véolia Eau - CGE ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de l'annexe III de l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'oeuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Les études préliminaires, dans le cas d'une opération de construction neuve, première étape de la réponse de la maîtrise d'oeuvre aux objectifs, données, exigences et contraintes du programme, permettent au maître de l'ouvrage d'arrêter le parti d'ensemble de l'ouvrage et ont pour objet de : - préciser les contraintes physiques, économiques et d'environnement conditionnant le projet, à partir des documents de base remis par le maître de l'ouvrage, et se renseigner sur l'existence et l'implantation des ouvrages et réseaux souterrains, subaquatiques et aériens susceptibles d'être rencontrés à l'emplacement des travaux ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 1bis du même texte : " Les études de diagnostic, dans le cas d'une opération de réutilisation ou de réhabilitation, permettent de renseigner le maître de l'ouvrage sur l'état de l'ouvrage et sur la faisabilité de l'opération et ont pour objet de : - établir un état des lieux. Le maître de l'ouvrage a la charge de remettre au maître d'oeuvre tous les renseignements en sa possession concernant l'ouvrage, son environnement, ses performances et son fonctionnement. Le maître d'oeuvre est chargé, s'il y a lieu, d'effectuer les relevés nécessaires à l'établissement de cet état des lieux ; (...) - proposer, éventuellement, des études et opérations complémentaires d'investigation des existants. Les données et contraintes du programme sont à fournir par le maître de l'ouvrage dans les mêmes conditions que celles définies au paragraphe 1° ci-dessus. " ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8-2 du cahier des clauses administratives particulières commun à tous les lots du marché relatif à l'aménagement des bords de l'Eure : " (...) Le maître de l'ouvrage a confié au maître d'oeuvre une mission de base avec études d'exécution pour les lots 1, 2 et 3 " ; qu'aux termes de l'article 2.3.4 du cahier des clauses techniques particulières : " (...) Les plans d'exécution sont à la charge de l'équipe d'ingénierie (...) " ; qu'aux termes de l'article 2.4.3 du même texte : " Réseaux existants. L'entrepreneur prendra toutes dispositions nécessaires pour s'assurer qu'après enquête les réseaux rencontrés peuvent être démolis et qu'ils ne font pas partie d'installation en service présentant un caractère de propriété ou d'utilité publique " ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que, si la localisation des réseaux d'eau souterrains situés dans l'emprise d'un travail public ne relève pas de la mission de base, elle ressort nécessairement des missions de diagnostic et d'étude préliminaire qui peuvent être confiées à la maîtrise d'oeuvre ; que, pour le bon déroulement de ces dernières, il incombe au maître d'ouvrage de fournir tous les renseignements qu'il détient concernant l'emplacement des réseaux souterrains ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'il n'appartenait pas à la maîtrise d'oeuvre, confiée dans la présente affaire au cabinet Lamarti et à la société BET Structure Alpha BET, de porter à la connaissance de la société Pieux Ouest la localisation des réseaux, dès lors qu'aucune mission de diagnostic ou d'étude préliminaire ne lui avait été confiée ; que cette obligation incombait, en conséquence, au maître de l'ouvrage, la commune de Pont de l'Arche, qui a, dès lors que les plans qu'elle a fournis ne mentionnaient pas la localisation des réseaux existants, concouru aux désordres survenus sur la canalisation exploitée par la société Veolia Eau - CGE ; que, par suite, compte tenu des manquements qui lui sont imputables, le tribunal administratif a fait une juste appréciation des faits de l'espèce en estimant que la commune de Pont de l'Arche devait conserver à sa charge 40 % des préjudices causés à la société Veolia Eau - CGE ;
Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Pont de l'Arche :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Pont de l'Arche à l'encontre de la société Pieux Ouest, du cabinet Lamarti et de la société BET Structure Alpha BET doivent être rejetées ;
Sur les conclusions d'appel incident présentées par la société Pieux Ouest, la compagnie Axa France Iard et le cabinet Lamarti :
S'agissant de la mise hors de cause de la société Pieux Ouest :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux en cause ont été réceptionnés sans réserve avant la survenance du dommage, que la société Pieux Ouest n'est pas fondée à demander sa mise hors de cause ;
S'agissant du préjudice :
12. Considérant, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, que la société Véolia Eau - CGE justifie, par la facture qu'elle produit, des frais de réparation de la canalisation perforée, d'un préjudice d'un montant de 21 861,82 euros ;
S'agissant des appels en garantie :
13. Considérant qu'il résulte des dispositions citées aux points 7 et 8, que l'entreprise Pieux Ouest, professionnel de la construction, qui ne pouvait ignorer la présence d'une canalisation au regard des deux bouches de visite, parfaitement visibles, devait, dans le cadre de sa mission propre, prévenir le maître d'oeuvre d'une éventuelle présence non signalée d'un réseau souterrain préalablement à toute opération de forage qui pourrait l'affecter ; que, toutefois, la maîtrise d'oeuvre ne pouvait s'abstenir, dans les circonstances de l'espèce, de solliciter la localisation des réseaux avant de fournir ses plans et se devait d'avertir l'entrepreneur que les plans n'en faisaient pas mention ; que, par suite, le tribunal administratif a fait une juste appréciation des faits de l'espèce en estimant que le cabinet Lamarti et la société BET Structure Alpha BET devaient conserver, chacun, à leur charge 15 % des préjudices causés à la société Société Véolia Eau - CGE ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Pont de l'Arche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à garantir la société Pieux Ouest à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre en principal, frais et dépens ; que la société BET Structure Alpha BET ainsi que le cabinet Lamarti ne sont pas fondés à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif les a condamnés chacun à garantir la société Pieux Ouest à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur les dépens :
15. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;
16. Considérant, qu'en l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de la commune de Pont de l'Arche la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
18. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Pont de l'Arche doivent, dès lors, être rejetées ;
19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du cabinet Lamarti, de la société Pieux Ouest, de la compagnie Axa France Iard et de la société Véolia Eau - CGE présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Pont de l'Arche est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du cabinet Lamarti, de la société Pieux Ouest et de la compagnie Axa France Iard sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Véolia Eau - CGE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pont de l'Arche, à la société Véolia Eau - Compagnie générale des eaux (CGE), à la société Pieux Ouest, à la compagnie Axa France Iard, au cabinet Lamarti Ramzi et à la société Bet Structure Alpha Bet.
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N°12DA00831