Vu la requête, enregistrée le 7 août 2012 au greffe de la cour, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par la SCP Bleitrach Geoffroy ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0904861-0906353 du 14 juin 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a, après l'avoir déchargée de la pénalité de 80 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2004 et de contributions sociales à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005, rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à la décharge de ces impositions supplémentaires, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par l'hospitalisation de son mari, le 12 juillet 2009, et, enfin, à ce que l'Etat lui verse une somme de 4 058,03 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2005 ;
3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme C...A...épouse B...a fait l'objet, d'une part, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a évalué d'office les bénéfices non commerciaux des années 2004 et 2005 résultant de son activité de coauteur de logiciels originaux et, d'autre part, avec son conjoint, M.B..., d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle des années 2004, 2005 et 2006 ; qu'elle relève appel du jugement du 14 juin 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2004 et du complément de contributions sociales auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2005 ; que le ministre de l'économie et des finances, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement en tant qu'il concerne les pénalités afférentes à ces impositions supplémentaires ;
Sur l'appel principal de MmeB... :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; qu'aux termes du paragraphe 5 du chapitre III de la charte remise à Mme B... avant l'engagement de la vérification de sa comptabilité à laquelle il a été procédé en 2007 : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...) " ; que ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points où persiste un désaccord avec ce dernier ; que l'utilité d'un tel débat n'est pas affectée par la circonstance que ce supérieur hiérarchique ait, éventuellement, signé ou visé l'un des documents qui ont été notifiés au contribuable depuis l'engagement de la procédure de redressement ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie prévue par les dispositions précitées de la charte du fait, qu'en l'espèce, le supérieur hiérarchique du vérificateur a apposé, sur le document comportant la motivation de pénalités qui lui ont été notifiées, le visa que l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales requiert d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) / 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...). / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable (...) ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) " ;
4. Considérant que, si M. et Mme B...ont déposé des déclarations de revenus pour les années 2004 et 2005, il résulte de l'instruction que Mme B...n'a pas déposé les déclarations prévues aux articles 96 et 97 du code général des impôts précités au titre de ses revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et qu'elle ne s'est pas fait connaître d'un centre de gestion des entreprises ; que, par suite, en application de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, Mme B...a pu, même en l'absence de mise en demeure, être régulièrement taxée d'office pour ne pas avoir souscrit dans le délai légal ses déclarations catégorielles de revenus au titre des années 2004 et 2005 ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable en cas de procédure contradictoire : " (...) Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) " ; que Mme B...ayant été régulièrement taxée d'office en l'absence de toute souscription, dans le délai légal, de déclarations catégorielles au titre des années 2004 et 2005, elle ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu'elle a été privée de la possibilité de bénéficier d'un délai supplémentaire de trente jours pour répondre à la proposition de rectification à l'issue de la vérification de sa comptabilité ; que, s'agissant de l'examen contradictoire de la situation fiscale du foyer fiscal de M. et MmeB..., le moyen est dépourvu de base légale ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les indications contenues dans la proposition de rectification concernant les bénéfices non commerciaux de Mme B...ont porté à la connaissance de celle-ci les éléments ayant servi au calcul des impositions en litige, en précisant leurs modalités de détermination ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification est entachée d'insuffisance de motivation manque en fait ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;
8. Considérant qu'à la suite de la demande de la requérante du 17 décembre 2007, les copies des documents obtenus lors du droit de communication auprès de la société Mobiquid, venant aux droits de la société Frog Planete, lui ont été communiquées le 20 décembre 2007, soit avant la mise en recouvrement des impositions en litige le 31 décembre 2008 ; que le moyen tiré de ce que Mme B...a obtenu tardivement la communication de ces documents, contrairement aux prévisions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, manque donc en fait ;
9. Considérant, en sixième lieu, qu'aucune disposition du livre des procédures fiscales ne prévoit, dans le cadre de l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de tiers, de faire mention d'informations telles que l'heure de la remise des documents, les nom et adresse des tiers ayant transmis les documents en cause ainsi que le grade de l'agent du service dûment habilité les ayant reçus ;
10. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que les indications contenues dans la proposition de rectification concernant les bénéfices non commerciaux de Mme B...ont porté à sa connaissance, notamment, les éléments ayant servi au calcul des impositions en litige, tels que la teneur, l'origine et le détenteur des listings obtenus auprès de la société Mobiquid ayant déclaré les sommes versées et leurs montants ; que ces indications répondaient, ainsi, aux exigences de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 93 quater du code général des impôts : " I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies. / Ce régime est également applicable aux produits de la propriété industrielle définis à l'article 39 terdecies quelle que soit la qualité de leur bénéficiaire ainsi qu'aux produits des cessions de droits portant sur des logiciels originaux par leur auteur, personne physique (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'exercice, par l'administration, du droit de communication, qu'elle tient des dispositions des articles L. 81 et L. 85 du livre des procédures fiscales, auprès de la société Mobiquid, a permis d'établir que Mme B...a perçu les sommes de 17 175,72 euros sous le nom d'épouse " B... " et 51 199,50 euros sous son nom de jeune fille " A...Véronique ", versées par chèque par la société Allopass sur ses comptes bancaires, correspondant à des versements de commissions Allopass sur des numéros de télécommunication surtaxés permettant l'accès à ses sites internet ; que, de plus, il résulte des entretiens et des correspondances émises par MmeB..., notamment celle du 10 janvier 2008, que ces sommes provenaient de son activité de coauteur de logiciels originaux " Totocam, Labroderie et Allocam ", qu'elle exerçait avec son mari, développeur indépendant ;
13. Considérant que MmeB..., qui supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste, n'a produit aucun élément comptable qui permettrait de contester utilement l'existence et le montant des encaissements figurant sur les listings de la société Mobiquid ; que, par suite, elle n'établit pas avoir été imposée sur des sommes qu'elle n'aurait pas perçues, du fait de la prise en compte de ces listings ; que, par suite, l'administration était fondée à effectuer un rehaussement des plus-values professionnelles à long terme relevant des bénéfices non commerciaux imposables au titre de l'année 2005 ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur l'appel incident du ministre de l'économie et des finances :
15. Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition ; qu'en appel, le ministre de l'économie et des finances demande que le 3 de l'article 1728 du code général des impôts soit substitué comme base légale des pénalités en litige, à l'article 1728-1 c du même code que l'administration avait initialement invoqué pour fonder ces majorations ; que cette substitution de base légale ne prive Mme B... d'aucune garantie ; qu'eu égard à l'existence de l'activité occulte de Mme B..., qui n'avait pas déposé les déclarations prévues par les articles 96 et 97 du code général des impôts et qui ne s'était pas fait connaître d'un centre de gestion des entreprises, il y a lieu de faire droit à cette demande de substitution de base légale demandée par le ministre ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander que la pénalité de 80 %, dont ont été assorties la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle Mme B... a été assujettie au titre de l'année 2004 et la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005, soit remise à la charge de Mme B... et, dans cette mesure, que le jugement attaqué soit réformé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
18. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme B... doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : L'article 1er du jugement nos 0904861-0906353 du tribunal administratif de Lille du 14 juin 2012 est annulé.
Article 3 : La pénalité de 80 % dont ont été assorties la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle Mme B... a été assujettie au titre de l'année 2004 et la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 est rétablie.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°12DA01218