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30/05/2013 | FRANCE | N°12DA01362

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 30 mai 2013, 12DA01362


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour Me C...B..., demeurant..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Nouvelle de remorquage du Havre (SNRH), par Me D... A...; Me B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001735, 1001740, 1001755, 1001759, 1001761, 1001763 du 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté les demandes de la SNRH et de Me B...tendant à l'annulation des décisions du 27 mai 2010 du directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime ayant retiré les visa

s accordés aux décisions d'effectif des remorqueurs RT Antonie, SD G...

Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour Me C...B..., demeurant..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Nouvelle de remorquage du Havre (SNRH), par Me D... A...; Me B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001735, 1001740, 1001755, 1001759, 1001761, 1001763 du 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté les demandes de la SNRH et de Me B...tendant à l'annulation des décisions du 27 mai 2010 du directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime ayant retiré les visas accordés aux décisions d'effectif des remorqueurs RT Antonie, SD Gironde, RT Claire, RT Stéphanie, SD Loire et SD Seine, des décisions du 9 juin 2010 du directeur interrégional de la mer Manche Est - mer du Nord ayant rejeté les recours hiérarchiques formés contre ces décisions du 27 mai 2010, et des décisions implicites du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ayant rejeté les recours hiérarchiques formés contre ces décisions ;

2°) d'annuler les décisions du 27 mai 2010 du directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime ayant retiré les visas accordés aux décisions d'effectif des remorqueurs RT Antoine, SD Gironde, RT Claire, RT Stéphanie, SD Loire et SD Seine, les décisions du 9 juin 2010 du directeur interrégional de la mer Manche Est - mer du Nord ayant rejeté les recours hiérarchiques formés contre ces décisions du 27 mai 2010, et les décisions implicites du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ayant rejeté les recours hiérarchiques formés contre ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 67-432 du 26 mai 1967 relatif aux effectifs à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance ;

Vu l'arrêté du 30 juin 1967 relatif aux effectifs à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance ;

Vu l'accord-cadre du 2 décembre 2005 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels navigants officiers des entreprises de remorquage maritime ;

Vu l'accord-cadre du 2 décembre 2005 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels navigants d'exécution des entreprises de remorquage maritime ;

Vu l'arrêté du 6 janvier 2006 portant extension d'un accord conclu dans le cadre de la convention collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de remorquage maritime ;

Vu l'arrêté du 6 janvier 2006 portant extension d'un accord conclu dans le cadre de la convention collective nationale des personnels navigants d'exécution des entreprises de remorquage maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maryse Pestka, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public ;

1. Considérant que par six décisions du 27 mai 2010, le directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime a retiré les visas qui avaient été accordés en 2008 aux effectifs de six remorqueurs de la Société Nouvelle de remorquage du Havre (SNRH) aux motifs que les conditions réelles d'exploitation de ces remorqueurs ne permettaient pas, d'une part, d'assurer le respect des règles relatives à la durée minimale de repos quotidien prévues par les accords-cadres du 2 décembre 2005 relatifs à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels navigants officiers et des personnels navigants d'exécution des entreprises de remorquage maritime, et, d'autre part, d'absorber l'ensemble des repos, congés et jours fériés dans la deuxième partie du cycle de travail ; que MeB..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SNRH, fait appel du jugement du 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande et celle de la SNRH tendant à l'annulation de ces six décisions ainsi que des décisions du 9 juin 2010 du directeur interrégional de la mer Manche Est-mer du Nord ayant rejeté les recours hiérarchiques formés à leur encontre, et des décisions implicites du ministre ayant rejeté les recours hiérarchiques formés contre l'ensemble de ces décisions ;

2. Considérant qu'à l'appui de leurs demandes, la SNRH et Me B...soutenaient notamment que les décisions du directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime en date du 27 mai 2010 sont entachées de détournement de pouvoir ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la SNRH et Me B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur les interventions :

4. Considérant que, d'une part, le syndicat maritime Normandie CFDT a intérêt au rejet de la requête ; que, d'autre part, le syndicat indépendant du personnel de remorquage du Havre a intérêt à l'annulation des décisions en litige ; que leurs interventions sont donc recevables ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant, en premier lieu, que les décisions en litige comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elles sont donc suffisamment motivées ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 67-432 du 26 mai 1967 susvisé : " L'effectif de tout navire (...) est soumis, par l'armateur, au visa de l'administrateur des affaires maritimes territorialement compétent qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail. " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Si les conditions réelles d'exploitation du navire ne permettent pas d'assurer le respect des règles mentionnées à l'article 1er ci-dessus, le visa est retiré. " ;

7. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 30 juin 1967 susvisé : " Les administrateurs des affaires maritimes ne peuvent retirer le visa, dans les cas prévus à l'article 2 du décret du 26 mai 1967, qu'après avoir entendu l'armateur ou son représentant. " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. " ; que doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 les " décisions individuelles défavorables (...) qui (...) retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle l'administrateur des affaires maritimes compétent retire un visa en application de l'article 2 du décret du 26 mai 1967 précité, qui, abrogeant une décision créatrice de droits, est au nombre des décisions devant être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979, ne peut intervenir qu'après que l'armateur ou son représentant ait été entendu conformément à l'article 6 précité de l'arrêté du 30 juin 1967 et ait été mis à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, orales conformément à l'article 24 précité de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime a adressé à la SNRH, pour chacun de ses six remorqueurs, un courrier du 10 mars 2010 l'informant qu'il envisageait de retirer le visa qui leur avait été accordé en 2008 au motif que la durée minimale de repos de onze heures consécutives, prévue aux articles II-3 des accords-cadres du 2 décembre 2005 susvisés n'était pas respectée, sans que la société ne justifie par ailleurs des mesures compensatoires susceptibles de lui permettre de déroger à cette durée de repos minimal ; que ce même courrier invitait la société à une réunion qui s'est tenue le 2 avril 2010 ; que le procès-verbal de cette réunion mentionne qu'il a été indiqué à la société qu'elle pouvait fournir tout document à l'appui des explications qu'elle avait fournies lors de cette entrevue et solliciter éventuellement un nouvel entretien, dans un délai de quinze jours ; que la SNRH a adressé un courrier à la direction départementale des territoires et de la mer de la Seine-Maritime, daté du 16 avril 2010, précisant sa position sur la durée minimale de repos applicable, et abordant par ailleurs la question de l'imputation des repos sur la période de congés et repos du cycle de travail ; que la société a explicité sa position sur cette question du report des repos et congés sur la " semaine à terre " dans un autre courrier du 20 avril 2010 et a été de nouveau entendue au cours d'une seconde réunion tenue le 11 mai 2010 ; qu'elle a ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, été mise en mesure de présenter ses observations écrites et orales sur l'ensemble des griefs qui lui étaient faits, conformément aux dispositions précitées de l'arrêté du 30 juin 1967 et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

9. Considérant, en troisième lieu, que sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision et si elle est illégale ; que lorsque des dispositions législatives ou règlementaires soumettent une telle décision à une condition dont la satisfaction doit être régulièrement vérifiée, et permettent explicitement d'abroger cette décision lorsque cette condition n'est plus remplie, l'administration peut procéder à cette abrogation, sur ce fondement, à tout moment ;

10. Considérant que les dispositions précitées des articles 1 et 2 du décret n° 67-432 du 26 mai 1967 permettent à l'administration de retirer un visa à tout moment dès lors que les conditions réelles d'exploitation du navire ne permettent pas d'assurer le respect des règles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail ; que le moyen tiré d'une méconnaissance du délai de retrait des décisions créatrices de droit doit dès lors être écarté ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que les arrêtés susvisés du 6 janvier 2006 portant extension des accords-cadres du 2 décembre 2005 relatifs à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels navigants officiers et des personnels navigants d'exécution des entreprises de remorquage maritime, qui rendent leurs dispositions obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application professionnel et territorial de la convention collective nationale des personnels navigants officiers et d'exécution des entreprises de remorquage maritime du 31 janvier 1950, confèrent une portée règlementaire à ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées ne pouvaient, sans méconnaître l'article 4 de l'arrêté du 30 juin 1967 susvisé, aux termes duquel " L'administrateur vérifie que l'effectif permet de répondre en toutes circonstances aux exigences posées par les textes législatifs et règlementaires en matière de durée du travail et de sécurité de la navigation ", être légalement fondées sur un motif tiré de la violation de règles prévues par ces accords-cadres, qui seraient dépourvues de caractère règlementaire, doit être écarté ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que, contrairement à ce que soutient Me B..., les règles relatives à la durée minimale de repos quotidien font partie des règles relatives à la durée du travail dont l'administration pouvait légalement apprécier, en application de l'article 2 du décret n° 67-432 du 26 mai 1967, si les conditions réelles d'exploitation des navires de la SNRH permettaient d'en assurer le respect ; que le moyen tiré de ce que les décisions contestées ne pouvaient être légalement fondées sur un motif tiré des modalités de prise des temps de repos ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de l'article II-3 des accords-cadres susvisés du 2 décembre 2005 que la possibilité de déroger à la règle selon laquelle tout officier ou personnel d'exécution " doit bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze (11) heures consécutives " est conditionnée à la mise en oeuvre des " mesures compensatoires ou des contreparties minimales visées aux III-2-I, III-2-2 et III-3-2 " ; qu'il est constant que la SNRH, qui n'accorde pas à ses personnels un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, n'applique aucune des mesures compensatoires ou contreparties minimales visées aux articles III-2-I, III-2-2 et III-3-2 des accords-cadres du 2 décembre 2005 ; que les moyens tirés de ce que les décisions contestées seraient entachées d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation doivent être écartés ;

14. Considérant, en septième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à supposer que le second motif des décisions contestées tiré de ce que les conditions réelles d'exploitation des remorqueurs ne permettaient pas d'absorber l'ensemble des repos, congés et jours fériés dans la deuxième partie du cycle de travail, soit entaché d'illégalité, le directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime aurait pris les mêmes décisions en se fondant sur le seul motif tiré de ce que les conditions réelles d'exploitation de ces remorqueurs ne permettaient pas d'assurer le respect des règles relatives à la durée minimale de repos quotidien prévues par les accords-cadres du 2 décembre 2005 relatifs à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels navigants officiers et des personnels navigants d'exécution des entreprises de remorquage maritime ;

15. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Me B...n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du 27 mai 2010 du directeur départemental des territoires et de la mer de la Seine-Maritime ayant retiré les visas accordés aux décisions d'effectif des remorqueurs RT Antonie, SD Gironde, RT Claire, RT Stéphanie, SD Loire et SD Seine, ensemble des décisions du directeur interrégional de la mer Manche Est - mer du Nord et du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer rejetant ses recours hiérarchiques ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNRH une somme au titre des frais exposés par l'État et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par le syndicat maritime Normandie CFDT et le syndicat indépendant du personnel de remorquage du Havre, intervenants ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2012 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les interventions du syndicat maritime Normandie CFDT et du syndicat indépendant du personnel de remorquage du Havre sont admises.

Article 3 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Rouen par la SOCIETE NOUVELLE DE REMORQUAGE DU HAVRE et Me B... sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le syndicat maritime Normandie CFDT et le syndicat indépendant du personnel de remorquage du Havre sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me C...B...liquidateur judiciaire de la Société Nouvelle de remorquage du Havre (SNRH) et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N°12DA01362

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N° "Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA01362
Date de la décision : 30/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

50-025 Ports. Police des ports.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: Mme Maryse Pestka
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SCP EMO HEBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-05-30;12da01362 ?
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