Vu la requête, enregistrée le 10 août 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE WATTRELOS (Nord), représentée par son maire dûment habilité par la délibération du conseil municipal en date du 15 mars 2008, par Me Denecker, avocat ; la commune demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0603023 du 8 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la résiliation du marché conclu le 20 juillet 2000 avec la SA Applicam aux torts de cette dernière ;
2°) de prononcer l'annulation du marché précité aux torts de la SA Applicam ;
3°) de condamner la SA Applicam à lui verser la somme de 159 971,84 euros, correspondant au remboursement de la rémunération contractuelle, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2002, ainsi que la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de condamner la SA Applicam à lui verser la somme de 13 543 euros au titre des frais d'expertise ainsi que la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 77-699 du 27 mai 1977, ensemble le décret n° 86-619 du 14 mars 1986, portant cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Gaspon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
1. Considérant que, par un marché de fournitures courantes et de services notifié le 8 août 2000, la COMMUNE DE WATTRELOS a confié à la SA Applicam la fourniture et la mise en oeuvre, comprenant la formation des personnels, d'un système monétique appelé " carte ville " afin de faciliter la gestion des services parascolaires de cantine et garderie ; que la commune a mis fin à l'exploitation, le 8 mars 2002, après environ 18 mois de fonctionnement et paiement de la rémunération contractuelle de 159 971,84 euros ; que, confrontée à des anomalies du système, la commune a obtenu la désignation, par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 6 mai 2002, d'un expert qui a rendu son rapport le 2 avril 2003 ; que la COMMUNE DE WATTRELOS relève appel du jugement du 8 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la résiliation du marché en cause aux torts de la SA Applicam ;
Sur les conclusions tendant à la résiliation du marché :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 24 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) : " 24.1. La personne publique peut à tout moment, qu'il y ait ou non faute du titulaire, mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci par une décision de résiliation du marché. / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 25 à 28, le titulaire a droit à être indemnisé du préjudice qu'il subit du fait de cette décision comme il est dit à l'article 31 " ; qu'aux termes de l'article 28 du même CCAG-FCS : " 28.1. Le marché peut, selon les modalités prévues au 2 ci-dessous, être résilié aux torts du titulaire sans que celui-ci puisse prétendre à indemnité et, le cas échéant, avec exécution des prestations à ses frais et risques comme il est dit à l'article 32 : / (...) f) Lorsque le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais prévus ; (...) 28.2. La décision de résiliation, dans un des cas prévus au 1 ci-dessus, ne peut intervenir qu'après que le titulaire a été informé de la sanction envisagée et invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. En outre, dans les cas prévus aux c, d, f, l et m dudit 1, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. " ;
3. Considérant, d'autre part, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient à la personne publique, après avoir informé le titulaire de la sanction envisagée afin qu'il puisse présenter des observations, de prendre une décision de résiliation du marché même en l'absence de faute du titulaire ; que cette résiliation peut être prononcée aux torts du titulaire dans des conditions définies par l'article 28 du CCAG-FCS, au nombre desquelles figure le défaut d'exécution des obligations contractuelles dans le délai prévu ; que, par ailleurs, il appartient à la personne publique responsable du marché, si elle l'estime nécessaire, de saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qu'elle a conclu et qu'il revient alors à la juridiction saisie de prononcer éventuellement la résiliation du contrat, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles et d'une éventuelle atteinte excessive à l'intérêt général que produirait la résiliation ;
5. Considérant que la COMMUNE DE WATTRELOS n'a pas mis en oeuvre la procédure de résiliation aux torts du titulaire prévue par les articles 24 et 28 du CCAG-FCS précités ; qu'elle n'a pas plus saisi le juge du contrat afin de contester la validité du contrat qui la lie à la SA Applicam, mais s'est en réalité bornée à demander indemnisation de préjudices qu'elle indique avoir subis à raison de l'exécution du contrat ; qu'elle ne pouvait, par voie de conséquence, demander la résiliation judiciaire du contrat en cause ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à se plaindre que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande de résiliation du marché en cause ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de la SA Applicam à lui verser le montant intégral du marché litigieux ;
Sur les conclusions indemnitaires de la COMMUNE DE WATTRELOS :
6. Considérant que, si la COMMUNE DE WATTRELOS a entendu soutenir que des manquements dans l'exécution de ses obligations contractuelles par la SA Applicam lui ont causé des préjudices, il résulte de l'instruction, singulièrement du rapport d'expertise, que les insuffisances ou manquements de la SA Applicam dans l'exécution du contrat, relatifs à une insuffisante formation des utilisateurs et à des problèmes matériels bénins et classiques, n'ont pas compromis de façon définitive et irréversible le fonctionnement du système monétique mis en place ; que, par suite, la commune ayant fait le choix d'arrêter l'exploitation du système sans mettre en oeuvre la procédure de résiliation contractuelle, la demande d'indemnisation d'un montant égal à la rémunération versée à la société Applicam doit être rejetée ; que, par ailleurs, la COMMUNE DE WATTRELOS ne justifie pas que l'installation complexe de nombreuses versions du progiciel a entraîné des surcoûts de fonctionnement pour les services municipaux et un préjudice d'image à l'égard des administrés ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE WATTRELOS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes indemnitaires ;
Sur les conclusions reconventionnelles de la SA Applicam :
7. Considérant que la SA Applicam persiste à demander la condamnation de la COMMUNE DE WATTRELOS à l'indemniser, par le versement de la somme de 15 000 euros, du préjudice d'image qu'elle aurait subi en raison du comportement de la commune ; qu'il y a lieu de rejeter cette demande par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE WATTRELOS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les frais d'expertise :
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ;
10. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de laisser les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 13 543 euros (TTC) par ordonnance du président du tribunal administratif de Lille en date du 4 avril 2003 dans l'instance de référé n° 0201322, à la charge de la COMMUNE DE WATTRELOS ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
12. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE DE WATTRELOS doivent, dès lors, être rejetées ;
13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la SA Applicam ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE WATTRELOS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SA Applicam sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE WATTRELOS et à la SA Applicam.
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N°10DA01003