Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 6 avril 2012 et régularisée par la production de l'original le 17 avril 2012, présentée pour M. Jean-Claude A, demeurant ..., par Me A. Tugaut, avocat ;
M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902705 du 7 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Jouin-Bruneval à lui verser une somme de 105 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de la carence fautive de la commune en matière de prévention des inondations ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jouin-Bruneval la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,
- les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public,
- et les observations de Me C. Ozanne, avocat de M. A, et de Me J. Garrigues, avocat de la commune de Saint-Jouin-Bruneval ;
1. Considérant que M. A, propriétaire de terrains situés au hameau de la mare Goubert, sur le territoire de la commune de Saint-Jouin-Bruneval, a sollicité une autorisation de lotissement le 6 mars 2007, en vue de la création de cinq lots, dont quatre terrains à bâtir ; que, le 6 juin 2007, le syndicat mixte des bassins versants de la Pointe-de-Caux (SMVB), consulté par la direction départementale de l'équipement, a indiqué que la parcelle devant servir d'implantation au lot n° 4 était située dans une zone de ruissellement d'eaux pluviales, affluent d'un thalweg principal ; que, le 28 juin 2007, M. A a spontanément déposé une nouvelle demande portant cette fois sur la création d'un lotissement limité à quatre lots, dont trois destinés à la construction ; que, par un arrêté en date du 11 juillet 2007, le maire de la commune de Saint-Jouin-Bruneval a accordé au requérant l'autorisation de lotir sollicitée ; qu'à la suite d'une réunion du SMVB, organisée le 23 juillet 2008, et portant sur les problèmes d'inondation affectant la zone dite de la mare Goubert, M. A a adressé, le 25 septembre 2009, une réclamation indemnitaire au maire de la commune de Saint-Jouin-Bruneval en estimant que la commune était responsable du défaut de constructibilité de sa parcelle non lotie ; qu'il avait fondé sa demande sur la carence du maire dans l'exercice des pouvoirs de police en matière de prévention des inondations, et, plus particulièrement, sur l'absence de réalisation de travaux préconisés en 2003 par le bureau d'études Safege ; que M. A relève appel du jugement en date du 7 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre la commune de Saint-Jouin-Bruneval ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. A soutient que le tribunal, en retenant que l'aggravation du phénomène de ruissellement résultant des travaux effectués par la commune de Saint-Jouin-Bruneval n'était pas établie et qu'aucun document n'était versé au dossier sur ce point, n'a pas pris en compte l'ensemble pièces produites devant lui au dossier ; qu'à supposer même cette critique exacte, elle n'affecte pas la régularité du jugement mais le bien-fondé de la demande de M. A ; que, par suite, un tel moyen doit être écarté comme inopérant ;
3. Considérant que, pour juger que la commune de Saint-Jouin-Bruneval a réalisé un nombre important d'aménagements hydrauliques, le tribunal s'est fondé dans son jugement sur le courrier du 6 juin 2007 du SMVB, lequel précisait la nature des travaux effectués par la collectivité ; que, ce faisant, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision ;
4. Considérant que les premiers juges ont répondu, en l'écartant, au moyen tiré de la carence fautive du maire de la commune de Saint-Jouin-Bruneval dans l'exercice de ses pouvoirs de police ; que, par suite, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés à l'appui des moyens de la demande dont il était saisi, n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer sur ce moyen ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Jouin-Bruneval :
5. Considérant que si la commune de Saint-Jouin-Bruneval soutient que la requête est mal dirigée au motif que les faits qui lui sont reprochés relèvent de la compétence exclusive du syndicat mixte des bassins versants de la Pointe-de-Caux, dans sa phase conception, et de la communauté de communes de Criquetot-l'Esneval, dans sa phase réalisation, ce moyen, à le supposer même établi, est sans incidence sur la recevabilité de la requête ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la faute résultant de la carence dans l'exercice des pouvoirs de police du maire :
6. Considérant que M. A est, ainsi qu'il a été dit, propriétaire d'une parcelle, située au hameau de la " mare Goubert ", sur le territoire de la commune de Saint-Jouin-Bruneval ; que cette parcelle, située dans une zone de ruissellement des eaux pluviales, est inondable ; que M. A ayant renoncé à la lotir en raison de ce risque d'inondation, soutient que le maire a engagé la responsabilité de la commune en s'abstenant de mettre en oeuvre les pouvoirs de police qu'il tient du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que cette carence a eu pour effet selon lui de rendre sa parcelle inconstructible ; qu'il fait également valoir que les travaux de réfection de la chaussée de la rue des pommiers ont aggravé les risques d'inondation de sa parcelle ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...), les inondations (...) et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) " ;
8. Considérant, en premier lieu, que si les dispositions précitées confient au maire le soin d'assurer la sécurité et la salubrité publiques en prévenant notamment les inondations par des mesures appropriées, elles n'ont pas pour objet de rendre constructibles des parcelles à l'état naturel en obligeant le maire à prendre toutes mesures pour obvier au ruissellement des eaux ; que, par suite, le maire de la commune de Saint-Jouin-Bruneval n'a pas commis de faute en s'abstenant de faire usage des pouvoirs de police qu'il tient du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dans le seul but de rendre constructible une des parcelles à l'état de prairie appartenant à M. A et qui est susceptible d'être inondée du fait de sa localisation dans une zone de ruissellements provoqués par un thalweg ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du courrier en date du 6 juin 2007 du SMVB, que le maire a fait réaliser différents travaux afin de prévenir et de réduire, lors d'évènements pluvieux importants, les conséquences, notamment sur les habitations, du phénomène de ruissellements existant sur le secteur hydrauliquement sensible de la " mare Goubert " de la commune ; qu'à la suite des inondations de 2000, le maire de la commune a, en particulier, fait installer un drain permettant de collecter les ruissellements afin de les acheminer vers un puisard situé le long de la voie communale ; qu'en outre, une canalisation collectant les eaux de l'avaloir au point bas de la voie communale a été prolongée afin de conduire les eaux jusqu'au thalweg ; qu'en 2002, un talus de protection a été construit ; que ces mesures n'ont pu cependant interrompre définitivement le passage d'eau à travers le secteur de la " mare Goubert " ; que M. A, qui a bénéficié de ces travaux, n'est pas davantage fondé à soutenir que la commune aurait commis une faute en ne procédant pas à la réalisation, préconisée en 2003 par le bureau d'études Safege, d'un talus d'angle, lequel, d'ailleurs, était susceptible d'exposer les zones situées en aval à de nouveaux risques d'inondations ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les inondations par ruissellement susceptibles de continuer à affecter la parcelle appartenant à M. A sont de nature à provoquer des atteintes à la sécurité des personnes ou des biens ou à la salubrité ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait manqué à l'obligation, qui lui incombe, de prévenir, par des précautions convenables, les risques d'inondation ;
10. Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de l'examen des documents produits par ce dernier, que les travaux réalisés, rue des Pommiers, par la commune de Saint-Jouin-Bruneval, seraient à l'origine de l'aggravation des inondations subies sur la parcelle, objet du présent litige ; que, par suite, le maire de la commune n'a pas davantage commis de faute, notamment au regard des dispositions précitées, en s'abstenant de prévenir cette aggravation de la situation de la parcelle ;
En ce qui concerne la faute résultant de l'absence de délimitation de zones en vue de limiter l'imperméabilisation des sols :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Les communes (...) délimitent, après enquête publique : / (...) / 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement (...) " ;
12. Considérant que si M. A invoque ces dispositions pour établir l'existence d'une faute de la commune de Saint-Jouin-Bruneval, il ne démontre pas, en tout état de cause, l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice qu'il estime avoir subi et l'absence de délimitation par la collectivité d'une zone où des mesures devraient être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ;
En ce qui concerne la faute résultant de l'absence de réalisation de travaux sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-7 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les collectivités territoriales (...) sont habilités à utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, et visant : / (...) / 4° La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement (...) ; / 5° La défense contre les inondations (...) " ;
14. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qui est allégué, que la commune de Saint-Jouin-Bruneval aurait commis une faute en mettant en oeuvre les dispositions précitées ou en s'abstenant de le faire, ni qu'une telle faute éventuelle serait en lien avec le préjudice dont se prévaut M. A ;
En ce qui concerne la faute résultant de la délivrance d'un certificat d'urbanisme :
15. Considérant que M. A recherche pour la première fois en appel la responsabilité de la commune de Saint-Jouin-Bruneval en faisant valoir que le certificat d'urbanisme négatif, établi le 14 décembre 2010, est entaché d'illégalité ; que si sa demande tend à la réparation des mêmes chefs de préjudices et est fondée, s'agissant de la faute, sur une cause juridique déjà invoquée devant les premiers juges, elle se rattache toutefois à un fait générateur différent de ceux qu'il avait invoqués devant le tribunal et dans sa réclamation préalable ; que, par suite, sa demande indemnitaire fondée sur ce nouveau moyen doit, en tout état de cause, être rejetée ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées à l'encontre de la commune de Saint-Jouin-Bruneval ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Jouin-Bruneval, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A le versement à la commune de Saint-Jouin-Bruneval d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par elle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à la commune de Saint-Jouin-Bruneval une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A et à la commune de Saint-Jouin-Bruneval.
Copie sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°12DA00534