Vu la requête sommaire, enregistrée le 28 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, et le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 13 septembre 2010, régularisé le 14 septembre 2010 par la production de l'original, présentés pour la société à responsabilité limitée RAVALEXT, dont le siège social est situé 69-71 rue de la République au Grand-Quevilly (76120), par la SELARL Alain Sarrazin, société d'avocats ; la SARL RAVALEXT demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0800096-0801026 du 1er juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices qu'elle a clos au cours des années 2002, 2003 et 2004 et à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005 ;
2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudin, avocat, pour la SARL RAVALEXT ;
Considérant que la SARL RAVALEXT, qui est une entreprise de ravalement et de maçonnerie créée le 14 février 2002, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur la période courant de sa création à l'exercice qu'elle a clos au cours de l'année 2004 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période de janvier 2002 à décembre 2005 ; que, par la présente requête, la SARL RAVALEXT fait appel du jugement du 1er juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement à l'issue de cette vérification de comptabilité ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
Considérant que la SARL RAVALEXT a inscrit, en charges d'exploitation des exercices qu'elle a clos en 2002, 2003 et 2004, les montants respectifs de 243 991,07 euros, 205 269,87 euros et 279 325,62 euros correspondant à des prestations fournies par des entreprises sous-traitantes ; que la société requérante a, au titre de la période vérifiée, déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant le prix des prestations qui lui ont été facturées par ses sous-traitants ;
Considérant que l'administration intimée ne conteste pas que la société a soumis au vérificateur les factures émises par divers fournisseurs correspondant aux dépenses inscrites au compte de charges de sous-traitance générale et lui ayant permis d'exercer ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il appartient, par suite, au service, qui ne conteste pas le caractère déductible par nature de ces dépenses de sous-traitance, d'apporter tous éléments permettant de penser que les factures produites ne correspondent pas à des opérations réelles ;
Considérant que le vérificateur, qui a cherché à rapprocher les éléments relatifs à l'auteur des factures en litige avec leur mode de règlement par la SARL RAVALEXT, a relevé que les chèques émis par cette dernière, sans ordre, n'ont pas été encaissés par 18 fournisseurs présentés comme entreprises sous-traitantes ; qu'au cours des vérifications de comptabilité des SARL Es-Bat et Crépi 27, présentées comme sous-traitantes, l'administration a observé que la SARL RAVALEXT était inconnue d'elles ; que le service a également recueilli des informations relatives aux entreprises Cevher Ravalement, Tonnerre et Ravalement Inan desquelles il résulte que, ne disposant d'aucun personnel salarié, ces fournisseurs n'étaient pas en mesure de réaliser les prestations de sous-traitance facturées ; qu'au vu de ces indices sérieux et concordants, le vérificateur, qui pouvait nourrir la conviction que les factures enregistrées en comptabilité ne correspondaient pas à des prestations réellement effectuées, était en droit de demander à la SARL RAVALEXT toute justification utile sur la réalité de ces opérations ;
Considérant que la SARL RAVALEXT n'a produit aucun devis, contrats, cahiers des charges, documents de réception des travaux, ni aucun compte rendu de chantier, ni aucune correspondance commerciale avec les entreprises sous-traitantes ayant émis les factures en cause ; que si la société requérante soutient qu'en raison même de l'importance limitée de ses moyens matériels et humains, au demeurant reconnue par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 17 janvier 2007, elle était contrainte de recourir aux services d'entreprises sous-traitantes, cette nécessité alléguée ne justifie pas à elle-seule de la réalité des prestations facturées ; qu'il ne résulte pas des tableaux produits devant la cour, qui détaillent les montants de recettes perçues par la SARL RAVALEXT en contrepartie de sa participation à de nombreux chantiers, soit comme entreprise titulaire d'un marché de construction, soit comme sous-traitante d'une entreprise titulaire, que les factures qu'elle a prises en charge correspondent à la fourniture de prestations réelles dès lors que certaines des entreprises, présentées comme ses propres sous-traitantes, ne disposaient pas plus qu'elle de moyens matériels et humains pour effectuer les travaux ; que, surtout, les factures encore en litige devant la cour ont donné lieu à des paiements, soit en espèces, soit par des chèques établis sans ordre n'ayant pas été encaissés par les entreprises présentées comme les auteurs des factures ; qu'il n'est pas établi, par les seules affirmations de la SARL RAVALEXT, que certains de ces encaissements, constatés sur le compte personnel de Mme Erden, gérante statutaire de cette société, correspondaient à des opérations de compensation entre des dettes contractées par elle à l'égard des entreprises présentées comme sous-traitantes et des créances détenues par ces dernières sur elle ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause les charges de sous-traitance encore en litige que la SARL RAVALEXT a portées en déduction de ses résultats des exercices qu'elle a clos de 2002 à 2004 et de reprendre la taxe sur la valeur ajoutée déductible grevant les dépenses de sous-traitance acquittées au titre de la période de janvier 2002 à décembre 2005 ;
Sur les majorations :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;
Considérant que l'administration fait valoir que la pratique de règlement des factures en litige à des personnes différentes que celles qui émettaient les factures a porté sur 98 % des opérations qualifiées de sous-traitance par la SARL RAVALEXT au titre de l'exercice 2002, sur 65 % des mêmes opérations de l'exercice 2003 et sur plus de 59 % des mêmes opérations de l'exercice 2004 ; que le service fait également valoir que les modalités de paiement au vu de factures en apparence régulières ont conduit la société vérifiée à émettre des chèques sans mention de l'ordre du bénéficiaire, dont 13 ont été encaissés personnellement par sa gérante ; que ces circonstances, qui traduisent une pratique répétée et délibérée de déduction abusive de charges d'exploitation et de taxe sur la valeur ajoutée, établissent la mauvaise foi de l'entreprise vérifiée au sens des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL RAVALEXT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SARL RAVALEXT doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL RAVALEXT est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL RAVALEXT et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°10DA00928