Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 juin 2011 et régularisée par la production de l'original le 10 juin 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Christophe A, demeurant ... à Rouen (76000), par Me Guillerand, avocat ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0901263-1003674 du 7 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 et, d'autre part, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;
2°) de prononcer le dégrèvement ou la restitution des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu des années 2002 et 2003 et de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail, président-assesseur,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
Considérant que M. A, qui exerce une activité d'antiquaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2002 et 2003 à l'issue de laquelle il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2002 et 2003 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ; que M. A relève appel du jugement du 7 avril 2011, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires ainsi mises à sa charge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support./ II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. (...)VI.L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) " ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont institué une procédure de nature fiscale qui habilite les agents de l'administration des impôts, recherchant la preuve d'agissements par lesquels un contribuable cherche à se soustraire à l'établissement ou au paiement de certains impôts, à effectuer, s'ils sont dûment autorisés à cette fin par l'autorité judiciaire, des visites en tous lieux, même privés, et à saisir les pièces et documents qui se rapportent à ces agissements ; qu'ainsi que le précise le VI de cet article, l'administration " ne peut opposer au contribuable les informations qu'elle a recueillies " à cette occasion qu'en engageant à l'égard de l'intéressé un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ou une vérification de sa comptabilité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a été régulièrement informé, par deux avis du 14 décembre 2004 reçus le 15 du même mois, qu'il allait faire l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité au titre des années 2002 et 2003 ; qu'il soutient cependant que la vérification a, en réalité, débuté à compter des visites domiciliaires, opérées dès le 26 novembre 2004, sur le fondement de l'ordonnance du 22 novembre 2004 du juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Rouen en ce qui concerne les locaux situés ... et ... à Rouen et les deux ordonnances du 23 novembre 2004 du premier vice-président, juge des libertés et de la détention, du tribunal de grande instance de Paris, concernant les locaux sis ... à Paris 9ème et du vice-président, juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny, concernant les locaux ... à Saint Ouen, prises en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, et donc sans respecter les formalités régies par l'article L. 47 précité, dans la mesure où l'administration aurait recueilli, en faisant intervenir onze agents des impôts lors de ces visites, une quantité importante de documents comptables sur lesquels elle s'est appuyée pour fonder les redressements litigieux ; que, toutefois, la seule circonstance que l'administration a utilisé les documents qu'elle a recueillis lors des visites domiciliaires, et nonobstant le fait que ces interventions avaient été précédées d'enquêtes auprès des centres des impôts où M. A avait souscrit ses déclarations, ne saurait constituer une vérification de comptabilité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que les agents chargés de ces visites se seraient alors livrés sur place à un examen critique des pièces saisies au regard ses déclarations souscrites par M. A, pouvant être qualifié de début occulte de vérification de comptabilité ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 164 de la loi susvisée du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " I - l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié : 1°) le II est ainsi modifié : L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. (...) Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. (...) L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. ; / 2° le V est ainsi modifié : (...) Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. (...). / Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la Cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire, mentionné au premier alinéa. Ce recours n'est pas suspensif. / L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. (...) " ; qu'aux termes du IV du même article 164 : " 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font (...) l'objet, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai. (...) " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a été informé par l'administration, le 24 octobre 2008, des nouvelles voies de recours introduites par l'article 164 de la loi susvisée du 4 août 2008 et qu'il les a, effectivement, exercées pour contester les ordonnances susmentionnées du 22 novembre 2004 ; que le recours dirigé contre l'ordonnance du 22 novembre 2004 du juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Rouen a été rejeté par décision du 6 mai 2009 du premier président de la cour d'appel de Rouen alors que les ordonnances, du 23 novembre 2004, du premier vice-président, juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris et du vice-président, juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny, ont été infirmées par deux décisions du premier président de la cour d'appel de Paris ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que, faute de possibilité de recours contre l'ordonnance du juge judiciaire, les dispositions de l'article 16 B du livre des procédures fiscales ne satisfaisaient pas aux exigences correspondant aux stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que les impositions en litige ont été établies par le service en s'appuyant sur les documents saisis dans les locaux du ... et du ... à Rouen (Seine-Maritime) ; que le recours formé contre l'ordonnance du juge ayant servi de fondement à la visite de ces locaux ayant été rejeté par la cour d'appel de Rouen, l'administration était en droit d'opposer au contribuable les informations recueillies lors de la visite domiciliaire effectuée au ... à Rouen, dès lors qu'il n'est pas contesté que les impositions en litige procèdent uniquement de l'exploitation des informations recueillies à cette occasion ; que, dès lors, l'annulation des ordonnances autorisant les visites domiciliaires des locaux susmentionnés, situés à Paris et à Saint Ouen, sont sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que les impositions mises à sa charge ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. " ; qu'il n'est pas contesté, qu'en l'absence de justificatifs des recettes et d'inventaire détaillé de l'état des stocks à la clôture des exercices, la comptabilité de M. A présentait de graves irrégularités de nature à fonder son rejet par le vérificateur et la reconstitution extracomptable de son chiffre d'affaires des années 2002 et 2003 ; que les redressements d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ont été mis en recouvrement conformément à l'avis rendu, le 11 septembre 2006, par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, la charge d'établir le caractère exagéré des impositions qu'il conteste incombe à M. A, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en premier lieu, que le vérificateur, qui a procédé à un rapprochement entre le livre des achats de M. A et un " état détaillé des achats " saisis lors de la visite domiciliaire effectuée le 26 novembre 2004 au ... à Rouen, a constaté que des achats n'avaient pas été comptabilisés ; que le service a appliqué au prix d'acquisition des meubles ainsi achetés, qui n'étaient pas inscrits en stock, des coefficients respectifs de 1,76 et 1,73 au titre des années 2002 et 2003 ; que, si le requérant fait valoir que l'état détaillé des achats devrait soit être considéré comme un aide-mémoire sans valeur comptable et être totalement ignoré, soit être pris en considération en tant que pièce comptable pour l'intégralité de son contenu, il n'établit pas que les impositions en litige présenteraient un caractère exagéré et ne propose pas une méthode de reconstitution plus précise et plus fiable que celle retenue par l'administration ;
Considérant, en second lieu, que M. A soutient que les meubles confiés à des tiers, figurant sur des listes qui ont été saisies lors de la visite domiciliaire susmentionnée, n'ont pas été vendus puisqu'ils n'ont pas fait l'objet de factures et qu'ils auraient, par conséquent, été repris au retour des foires ; que, cependant, dès lors qu'il est constant que les meubles en cause n'ont pas été comptabilisés en stock et restitués, c'est à bon droit que l'administration a considéré qu'ils avaient été vendus ; que M. A n'apporte pas, sur ce point, davantage la preuve du caractère exagéré des impositions en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander la décharge des impositions supplémentaires qu'il conteste ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christophe A et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera transmise au directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
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N°11DA00896