Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 27 avril 2011, présentée pour M. Bernard B, demeurant ..., pour Mme Christine C, demeurant ..., pour M. Julien B, demeurant ..., pour M. Damien B, demeurant ..., et pour M. Romain B, demeurant ..., par la SCP Debacker et associés, avocat ; M. B et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903100 du 18 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département du Nord à verser la somme de 25 000 euros chacun à M. Bernard B et à Mme C et la somme de 7 500 euros chacun à Mme Christine D en qualité de représentant légale de son fils mineur Valentin C, M. Julien B, M. Damien B et M. Romain B en réparation du préjudice moral subi à la suite du décès d'Elise E ;
2°) de condamner le département du Nord à leur verser ces sommes ;
3°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 1 500 euros à verser à chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,
- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public ;
Considérant que, par jugement du 14 novembre 2005, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Valenciennes a continué de confier au service départemental de l'aide sociale à l'enfance du Nord, sur le fondement de l'article 375 du code civil, la garde de la jeune mineure Elise E, née le 16 novembre 1991 ; que le département du Nord a alors placé celle-ci à l'institut médico-pédagogique Sainte-Gertrude à Brugelette, en Belgique ; que, le 18 février 2006, Mlle E s'est échappée de l'établissement et a été victime d'un accident mortel au niveau de l'accès à l'autoroute E 19, à Jemmapes, sur lequel elle se déplaçait à pied ; qu'à la suite de cet accident, les parents de la victime, M. Bernard B et Mme C, et ses frères, MM Julien, Damien et Romain B, ainsi que son frère utérin, Valentin C, agissant par sa mère, ont demandé la réparation de leur préjudice moral au département du Nord qui n'y a pas fait droit ; qu'ils relèvent appel du jugement du 18 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département du Nord ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l'une des personnes mentionnées à l'article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; que si la responsabilité de l'institut Sainte-Gertrude est susceptible, le cas échéant, d'être engagée, en raison des éventuelles fautes commises par ce dernier dans l'accueil de Mlle Elise E, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité du département du Nord soit recherchée à raison de ses négligences dans l'exercice de la mission de surveillance administrative et sanitaire qui lui incombait au titre du service d'aide sociale à l'enfance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décès de Mlle Elise E n'a été possible qu'à la faveur de sa fugue de l'institut Sainte-Gertrude ; qu'il résulte du courrier du 16 avril 2012 adressé par l'institut en réponse à une mesure d'instruction diligentée par la cour, confirmant les mentions des procès-verbaux établis par la police belge les 20 février 2006 et 4 février 2007, que la victime a fugué près d'une quarantaine de fois depuis son placement ; que ce courrier indique également que l'établissement a informé de ces fugues l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de Saint-Amand, laquelle est un service du département du Nord, par plusieurs courriers des 20 novembre 2005, 10 et 25 janvier 2006 ; que si, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que le département aurait commis une faute dans l'exercice de ses missions en décidant initialement de confier la jeune fille à un établissement spécialisé dans ce type de placement, en revanche, les services du département, qui ne contestent pas sérieusement avoir par ailleurs été informés du comportement fugueur de Mlle E, ont commis une faute en n'assurant pas leur mission de contrôle et de surveillance du placement de l'adolescente et en persistant à maintenir celle-ci dans un établissement qui s'avérait en pratique inadapté à sa situation particulière ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité du département du Nord ;
Considérant, toutefois, que cette responsabilité est, dans les circonstances de l'espèce, atténuée par le comportement et l'imprudence de la victime âgée à l'époque des faits de plus de 14 ans, qui s'est délibérément soustraite à tout contrôle ; que les requérants n'établissent pas, en tout état de cause, que des dispositions législatives belges qu'ils présentent comme équivalentes à la loi française du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, feraient obstacle à ce que la faute d'une victime mineure d'un accident de la circulation soit prise en compte pour atténuer la responsabilité du gardien du mineur ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les parents et les frères de Mlle E en condamnant le département du Nord à réparer les trois-quarts des conséquences de l'accident survenu ;
Sur le préjudice :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des liens existants entre la victime et ses parents, indépendamment des motifs et de l'origine de son placement, le préjudice subi par M. Bernard B, son père, et Mme C, sa mère, peut être évalué pour chacun des parents à la somme de 10 000 euros ; que celui subi par chacun de ses trois frères, MM Julien, Damien et Romain B, peut être évalué à la somme de 3 000 euros ; qu'enfin, celui subi par son frère utérin, Valentin C, peut être évalué, dans les circonstances de l'espèce, à la somme de 1 000 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu, le montant des réparations à la charge du département du Nord s'élève respectivement aux sommes de 7 500 euros, 2 250 euros et 750 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord une somme globale de 2 000 euros qui sera versée à M. Bernard B, à Mme C, en son nom propre et en tant que représentante légale de Valentin C, et à MM Julien et Damien B, au titre de la première instance et de l'appel ; qu'en revanche, M. Romain B n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que son avocat n'a pas demandé la mise à la charge de la partie adverse de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si celui-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de M. Romain B présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ; qu'enfin, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B et autres qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, une somme au titre des frais exposés par le département du Nord et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 février 2011 est annulé.
Article 2 : Le département du Nord versera à M. Bernard B et à Mme C la somme de 7 500 euros chacun, à MM Julien, Damien et Romain B la somme de 2 250 euros chacun ainsi que la somme de 750 euros à Mme C en tant que représentante légale de son fils mineur, Valentin C.
Article 3 : Le département du Nord versera une somme globale de 2 000 euros à M. Bernard B, à Mme C, en son nom propre et en celui de Valentin C, et à MM Julien et Damien B, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Bernard B et autres et les conclusions du département du Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard B, à Mme Christine A, pour elle-même et en tant que représentante légale de son fils mineur, Valentin C, à M. Julien B, à M. Damien B, à M. Romain B, au département du Nord et à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut.
Copie sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°11DA00626