La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2012 | FRANCE | N°11DA00003

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 5, 16 mai 2012, 11DA00003


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 3 janvier 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 5 janvier 2011, présentée pour la SARL BPE LECIEUX, dont le siège est Les Saintes Barbes, BP 139, à Saint-Maximin cedex (60741), par Me Chevrier, avocat ; la SARL BPE LECIEUX demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803173 du 28 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ains

i que des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la pério...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 3 janvier 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 5 janvier 2011, présentée pour la SARL BPE LECIEUX, dont le siège est Les Saintes Barbes, BP 139, à Saint-Maximin cedex (60741), par Me Chevrier, avocat ; la SARL BPE LECIEUX demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803173 du 28 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2004, 2005 et 2006 et, d'autre part, à ce que l'Etat lui paye la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer la décharge des rappels contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

-------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la SARL BPE LECIEUX, qui a pour activité l'exploitation de carrières de sable et gravillons, a fait l'objet au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, une proposition de rectification du 21 décembre 2007 lui a été adressée, proposition réceptionnée le 22 décembre 2007 ; que les observations de la société sur cette proposition ont été reçues par l'administration le 4 février 2008, soit postérieurement à l'échéance du délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, l'administration n'avait pas l'obligation de répondre à ces observations ; que dès lors, la circonstance que, dans la réponse du 14 février 2008 qu'elle a toutefois adressée au contribuable et s'agissant de l'un des chefs de redressement, le vérificateur se serait, selon la société requérante, irrégulièrement livré à une substitution de base légale est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'ayant présenté ses observations sur la proposition de rectification après l'expiration du délai de réponse de trente jours prévu à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, la SARL BPE LECIEUX ne peut, dès lors, obtenir la décharge ou la réduction des impositions litigieuses qu'en démontrant leur exagération en application de l'article R. 194-1 du même livre ;

En ce qui concerne la remise en cause d'une provision :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) " ; qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en outre, un contribuable ne saurait, postérieurement à l'expiration du délai de déclaration des résultats d'un exercice, justifier les provisions qu'il a constituées en invoquant un objet différent de celui mentionné dans le tableau des provisions joint à sa déclaration et prévu par les dispositions de l'article 38 de l'annexe III au code général des impôts ;

Considérant que la SARL BPE LECIEUX a, par un contrat de crédit-bail, acquis en 2004 de la société Sandvik une unité de concassage et de criblage ; que cette installation s'est avérée défectueuse et n'a pas permis d'atteindre la production horaire escomptée ; qu'à la suite d'une procédure contentieuse engagée par la société requérante, cette vente a été résiliée au cours de l'année 2007 ; qu'à la clôture de l'exercice 2006, elle a constitué une provision intitulée " provision sur l'installation de criblage " d'un montant de 728 000 euros, égal à la moitié du prix d'acquisition de cette immobilisation ; qu'il résulte de l'instruction que, selon les notes de travail du cabinet comptable de l'entreprise, cette provision a été constituée en raison des anomalies importantes de ce matériel entraînant un dysfonctionnement de la production ainsi qu'une perte financière ; qu'elle a ainsi été déclarée comme constituant une provision ayant pour objet d'anticiper une diminution ou une insuffisance des recettes des exercices suivants ; que la SARL BPE LECIEUX ne saurait, postérieurement à l'expiration du délai de déclaration des résultats de l'exercice clos en 2006, justifier cette provision au motif qu'elle répondrait à un objet distinct et constituerait ainsi, soit une provision pour dépenses de réparation du matériel dont s'agit, soit une provision pour dépréciation de cet actif ; que le moyen tiré de l'un ou de l'autre de ces objets ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la soumission d'une indemnité à la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL BPE LECIEUX souhaitait exploiter une unité de préfabrication de parpaings à Gouvieux, dans le département de l'Oise, unité constituée d'une plate-forme en béton et de bâtiments industriels ainsi que située à proximité immédiate d'une carrière exploitée par la société Routière de l'Est Parisien (REP); que la société requérante n'ayant pu obtenir des autorisations administratives nécessaires à la réalisation de son projet, elle a décidé de transférer cette exploitation à Saint-Maximin, dans le même arrondissement ; qu'à cet effet, la société REP s'est engagée à prendre à sa charge la construction d'une nouvelle plate-forme à Saint-Maximin ainsi que le démontage et le remontage des hangars ; que, toutefois, la société BPE LECIEUX n'a pu davantage réaliser cette exploitation à Saint-Maximin ; qu'il a alors été convenu que la société REP verserait à la société BPE LECIEUX des indemnités forfaitaires correspondant aux coûts d'établissement d'une telle unité de production à Saint-Maximin ; qu'à ce titre, la société REP a versé à la société requérante en 2003 la somme de 655 000 euros, correspondant aux frais de démontage et de remontage des hangars et, le 12 juillet 2004, celle de 850 000 euros, correspondant au coût de construction d'une nouvelle plate-forme en béton ; qu'elle conteste la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de cette somme de 850 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'indemnité de 850 000 euros reçue en 2004 avait pour objet de mettre fin aux engagements pris par la société REP envers la SARL BPE LECIEUX dans la réalisation du projet de relocalisation de cette dernière de Gouvieux à Saint-Maximin ; qu'ainsi, elle avait pour objet d'indemniser la société requérante du fait de la non-exécution de ces engagements ; que si le ministre fait valoir que le versement de cette indemnité avait en réalité pour contrepartie la libération par cette société d'un site d'exploitation à Gouvieux et ce, au bénéfice de la société REP souhaitant elle-même étendre son exploitation dans cette localité, il résulte toutefois de l'instruction que la société BPE LECIEUX a été conduite à libérer ce site, dont elle soutient sans être contestée qu'elle n'en n'était pas propriétaire, non par suite d'un accord ayant cet objet conclu avec la société REP, mais en raison de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de pouvoir y exploiter une unité de préfabrication de parpaings ; que, dans ces conditions, ayant pour seul objet d'indemniser la société requérante du fait de la non-exécution de ses engagements par la société REP, cette indemnité ne peut être regardée comme constituant la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation individualisable fournie à la société REP par la société BPE LECIEUX ; que dès lors, cette dernière est fondée à soutenir que c'est en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts que l'administration a soumis la somme de 850 000 euros à la taxe sur la valeur ajoutée et rappelé la taxe correspondante ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL BPE LECIEUX est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 28 octobre 2010, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge du rappel de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'indemnité susmentionnée de 850 000 euros ; qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que la SARL BPE LECIEUX demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL BPE LECIEUX est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, en droits et intérêts de retard, à hauteur de 165 207 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 octobre 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL BPE LECIEUX une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL BPE LECIEUX est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BPE LECIEUX et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

''

''

''

''

2

N°11DA00003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 11DA00003
Date de la décision : 16/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. Foucher
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : CHEVRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-05-16;11da00003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award