Vu la décision du Conseil d'Etat n° 328049 du 11 juillet 2011, statuant sur le pourvoi du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, annulant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai n° 07DA01297 du 19 mars 2009 et renvoyant l'affaire à la cour, où elle a été enregistrée le 15 juillet 2011 sous le n° 11DA01153 ;
Vu la requête, enregistrée le 13 août 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Nathanaëlle A, demeurant alors ..., par Me Fillieux, avocat ; Mlle A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604414 du 6 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2006 par lequel le préfet de la zone de défense Nord l'a déclarée définitivement inapte à tout emploi dans la police nationale et a mis fin à son contrat ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
Vu le décret n° 2000-800 du 24 août 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- et les observations de Me Fillieux, avocat, pour Mlle A ;
Considérant que Mlle A, engagée le 17 février 2003 en qualité d'adjoint de sécurité, a été licenciée pour inaptitude par arrêté du 8 juin 2006 du préfet de la zone de défense Nord ; que, par décision du 11 juillet 2011, le Conseil d'Etat, après avoir annulé l'arrêt de la cour de céans du 19 mars 2009, au motif que l'intéressée n'avait pas à être invitée à présenter une demande de reclassement dans un emploi du ministère de l'intérieur ne relevant pas de la police nationale, a renvoyé l'affaire devant la cour ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, que la décision de licenciement en litige est au nombre des décisions défavorables soumises à l'obligation de motivation, en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'après avoir analysé le constat d'inaptitude définitive à tout emploi en milieu policier, effectué le 3 avril 2006 par le médecin inspecteur régional de la police nationale et visé l'avis du comité médical interdépartemental de la police nationale du 12 mai 2006, l'arrêté attaqué du 8 juin 2006 mentionne expressément que l'administration se trouve dans l'impossibilité de continuer à employer Mlle A en raison de son inaptitude définitive à tout emploi en milieu policier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté ne comporte pas l'énoncé des considérations de fait qui constituent le fondement de la décision de licenciement manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que ni la loi du 11 juillet 1979, ni aucun autre texte, n'impose que l'avis du comité médical compétent placé auprès du préfet soit motivé ; qu'en outre, l'arrêté préfectoral en litige comporte une motivation propre, conforme aux dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors que cet arrêté ne se bornait pas à se référer audit avis du comité médical, cet avis n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière ; que, par suite, Mlle A ne peut utilement se prévaloir de ce que l'avis du comité médical du 12 mai 2006 ne serait pas suffisamment motivé ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. L'avis du comité médical est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A a reçu, le 28 avril 2006, une lettre datée de la veille l'informant de la réunion du comité médical interdépartemental de la police nationale du 12 mai 2006 et l'informant de ses droits à consulter, notamment, son dossier médical ; qu'elle a ainsi bénéficié des garanties propres à l'examen de sa situation par le comité médical ; que la circonstance, au demeurant non établie, que l'administration se refuserait à lui communiquer son dossier médical est sans incidence sur la légalité de la décision de licenciement, dès lors que cette demande de communication a été formée postérieurement à cette décision ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2000-800 du 24 août 2000 relatif aux adjoints de sécurité recrutés en application de l'article 36 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Les adjoints de sécurité concourent aux missions du service public de la sécurité assurées par les fonctionnaires des services actifs de la police nationale sous les ordres et sous la responsabilité desquels ils sont placés. Ils sont chargés de renforcer ces services pour faire face aux besoins non satisfaits en matière de prévention, d'assistance et de soutien, particulièrement dans les lieux où les conditions de la vie urbaine nécessitent des actions spécifiques de proximité. A cet effet, ils ont pour tâches, notamment dans le cadre de la police de proximité : - de participer aux missions de surveillance générale de la police nationale ; - de contribuer à l'information et à l'action de la police nationale dans ses rapports avec les autres services publics nationaux et locaux ; - de faciliter le recours et l'accès au service public de la police, en participant à l'accueil, à l'information et à l'orientation du public dans les services locaux de la police ; - de soutenir les victimes de la délinquance et des incivilités, en les aidant dans leurs démarches administratives, en liaison avec les associations et les services d'aide aux victimes ; - de contribuer aux actions d'intégration, notamment en direction des étrangers ; - d'apporter une aide au public sur les axes de circulation, à la sortie des établissements d'enseignement, dans les îlots d'habitation et dans les transports en commun. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " Les adjoints de sécurité sont recrutés par contrat écrit, pour une durée maximale de cinq ans non renouvelable, conclu, au nom de l'Etat, par le préfet, dans les départements (...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, souffrant de lombalgies, Mlle A a été placée en congé de maladie du 31 janvier 2006 au 11 mai 2006 ; que, pendant cette période, elle a, sur sa demande, été examinée le 3 avril 2006 par le médecin inspecteur régional de la police nationale ; qu'au vu du rapport établi par ce médecin, qui concluait à son inaptitude définitive à tout travail en milieu policier, le comité médical mentionné ci-avant a émis le 12 mai 2006 un avis la déclarant inapte définitivement à tout emploi actif et administratif au sein de la police nationale ; que cet avis n'a pas fait l'objet d'un recours devant le comité médical supérieur, en application de l'article 9 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susmentionné ; que si Mlle A soutient, devant le juge, que les lombalgies dont elle souffrait ne présentaient qu'un caractère de gravité limité et pouvaient évoluer favorablement, les deux certificats peu circonstanciés établis tardivement, en 2008, par le masseur-kinésithérapeute qui l'a prise en charge entre juin et septembre 2005, ne sont pas de nature à remettre sérieusement en cause l'appréciation portée par le médecin de l'administration en avril 2006 ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature et à la durée des missions assignées aux adjoints de sécurité par l'article 2 du décret du 24 août 2000, l'administration pouvait légalement estimer que la requérante n'était plus apte à occuper un emploi au sein du service de police nationale ; que, par suite, et sans qu'il soit utile d'ordonner la mesure d'expertise médicale sollicitée, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation sur l'inaptitude de l'agent public doit être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'article 36 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, dans sa rédaction alors en vigueur que le préfet de la zone de défense Nord était en droit de mettre fin au contrat d'adjoint de sécurité de Mlle A pour inaptitude physique définitive sans l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi du ministère de l'intérieur ne relevant pas de la police nationale ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 49 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable aux adjoints de sécurité en vertu de l'article 1er du décret du 24 août 2000 mentionné ci-dessus : " Aucun licenciement ne peut être prononcé lorsque l'agent se trouve en état de grossesse médicalement constaté (...) Si le licenciement est notifié avant la constatation médicale de la grossesse (...), l'intéressée peut, dans les quinze jours de cette notification, justifier de son état par l'envoi d'un certificat médical (...). Le licenciement est alors annulé. Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables (...) si le service employeur est dans l'impossibilité de continuer à réemployer l'agent pour un motif étranger à la grossesse (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un certificat du 17 mai 2006, le Dr B a constaté que Mlle A présentait un état de santé compatible avec une grossesse débutée le 21 mars 2006 ; que ce certificat médical a été adressé à l'assistante sociale du service social du personnel du ministère de l'intérieur, qui l'a elle-même transmis pour attribution au secrétariat général pour l'administration de la police de la zone de défense Nord en charge du dossier de Mlle A, ainsi qu'il ressort du bordereau d'envoi du 19 mai 2006 produit par le préfet devant le tribunal administratif ; que, cependant, ainsi qu'il est dit ci-dessus, le licenciement a été prononcé le 8 juin suivant pour un motif étranger à l'état de grossesse ; que, par suite, le préfet a pu sans commettre d'erreur de droit, mettre fin au contrat d'engagement de Mlle A, en application des dispositions précitées de l'article 49 du décret du 17 janvier 1986 et sans méconnaître le principe général selon lequel aucun employeur ne peut, sauf dans certains cas, licencier une salariée en état de grossesse ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 17 du même décret : " (...) 3°) L'agent non titulaire définitivement inapte pour raison de santé à reprendre ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, ou de maternité, de paternité ou d'adoption est licencié. 4°) Le licenciement ne peut toutefois être prononcé avant l'expiration d'une période sans traitement de quatre semaines suivant l'expiration du congé de maternité (...). Le cas échéant, le licenciement est différé jusqu'à l'expiration des droits de l'intéressé à congé de maternité ou de maladie rémunéré. " ; qu'alors même que le licenciement prononcé par l'arrêté en litige du 8 juin 2006, qui repose sur l'inaptitude de la requérante à tout emploi dans la police nationale, est légalement fondé par l'impossibilité de continuer à la réemployer pour un motif étranger à sa grossesse, la rupture du contrat devait néanmoins être différée à l'issue d'une période sans traitement de quatre semaines suivant l'expiration du congé de maternité ou jusqu'à l'expiration des droits de l'intéressée à congé de maternité ou de maladie rémunéré ; que, par suite, l'arrêté en litige, pris avec effet immédiat, est entaché d'illégalité en tant qu'il a prononcé le licenciement avant l'expiration de la période mentionnée par les dispositions précitées du 4°) de l'article 17 du décret du 17 janvier 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la zone de défense Nord du 8 juin 2006 en tant qu'il a prononcé son licenciement avant l'expiration de la période mentionnée au 4°) de l'article 17 du décret du 17 janvier 1986 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de cet article : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mlle A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la zone de défense Nord du 8 juin 2006 est annulé en tant qu'il a prononcé le licenciement de Mlle A avant l'expiration d'une période sans traitement de quatre semaines suivant l'expiration du congé de maternité ou, le cas échéant, jusqu'à l'expiration des droits de l'intéressée à congé de maternité ou de maladie rémunéré.
Article 2 : Le jugement n° 0604414 du tribunal administratif de Lille du 6 juin 2007 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mlle A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Nathanaëlle A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie sera adressée au préfet de la zone de défense Nord.
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N°11DA01153