La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2012 | FRANCE | N°10DA01660

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 13 mars 2012, 10DA01660


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 décembre 2010 et régularisée par la production de l'original le 28 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, représenté par le président du conseil général, dûment autorisé par une délibération de la commission permanente du conseil général en date du 24 janvier 2011, par la SCP Emo Hebert et associés, société d'avocats ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0800167-0800168 du 21 octobre 20

10 par lequel le tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande d'in...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 décembre 2010 et régularisée par la production de l'original le 28 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, représenté par le président du conseil général, dûment autorisé par une délibération de la commission permanente du conseil général en date du 24 janvier 2011, par la SCP Emo Hebert et associés, société d'avocats ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0800167-0800168 du 21 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande d'indemnisation de la société Toffolutti pour un montant de 338 548,99 euros, augmenté de l'intérêt au taux légal à compter du 3 août 2007 ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes de la société Toffolutti ;

3°) de condamner la société Toffolutti à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Gaspon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Allain, avocat, pour la société Toffolutti ;

Considérant que la société Toffolutti, titulaire de deux marchés publics de travaux à bons de commande, notifiés par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME le 25 juillet 2003, ayant pour objet la fabrication et la mise en oeuvre d'enrobés sur une durée de trois ans, n'a reçu, pour les deux marchés en cause, que des montants de commandes inférieurs aux minima contractuels ; que cette insuffisance de commandes au titre des deux marchés en litige est chiffrée à la somme de 1 275 293,35 euros ; que la société, estimant insuffisante la proposition d'indemnisation transactionnelle du département pour un montant total de 87 055 euros au titre des deux marchés, a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande d'indemnisation pour la somme de 280 415,28 euros, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 5 juillet 2007, en réparation du préjudice que lui a causé l'insuffisance de commandes passées dans le cadre du marché n° 2003-0774, et pour la somme de 58 133,70 euros, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 5 juillet 2007, en réparation du préjudice que lui a causé l'insuffisance de commandes passées dans le cadre du marché n° 2003-0775 ; que le tribunal administratif a fait droit en totalité à cette demande, par un jugement du 21 octobre 2010 ; que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME relève appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16-2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable aux marchés en cause par l'effet de l'article 2 de leurs cahiers des clauses administratives particulières (CCAP) : " Dans le cas d'un marché à commandes, l'entrepreneur a droit à être indemnisé du préjudice éventuellement subi lorsque le montant minimal de travaux spécifié n'est pas exécuté " ;

Considérant que la société Toffolutti est fondée à être indemnisée du préjudice résultant, d'une part, de la perte de la marge bénéficiaire qu'aurait dégagée l'exécution du montant minimal des prestations prévu au marché, d'autre part, compte tenu des modalités prévues d'exécution du marché précisées ci-après, des dépenses et notamment des coûts afférents au personnel demeuré à son service, ainsi que des coûts des autres moyens de production qui n'ont pu être affectés à d'autres tâches ;

Considérant, en premier lieu, que s'agissant de la perte de la marge bénéficiaire qu'aurait dégagée l'exécution du montant minimal des prestations prévu au marché, il résulte des sous-détails de prix produits par la société Toffolutti, lesquels constituent un développement du bordereau des prix unitaires, pièce contractuelle en application de l'article 2 des CCAP en cause, que le coefficient de marge bénéficiaire était calculé par l'entreprise à 3 % pour chacun des prix détaillés relatifs à l'exécution des marchés en litige ; que la société justifie ainsi de son préjudice résultant de la perte de bénéfice par des éléments précis, issus des documents d'élaboration de son offre et connus avant l'insuffisance de commandes ayant affecté l'exécution des marchés en cause à concurrence de la somme totale demandée, soit 37 144,46 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant de la perte d'amortissement des frais généraux, il résulte des termes de l'article V.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), applicable aux marchés litigieux, que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME était tenu de notifier à l'entrepreneur, chaque année au mois de mai, le programme de travaux susceptible d'être exécuté dans l'année ; que cette notification de prévision annuelle n'a jamais été transmise à la société Toffolutti, et ce, malgré plusieurs demandes écrites de sa part, notamment les 10 novembre 2004 et 25 janvier 2005 ; que cette dernière doit, dans ces conditions, être regardée comme établissant avoir maintenu la disponibilité des moyens de productions nécessaires à l'exécution des marchés en cause, en raison de l'incertitude dans laquelle elle a été tenue par le département ; que l'ensemble des documents comptables produits par la société justifie une perte d'amortissement des frais généraux d'un montant total de 128 963,26 euros, dont elle doit recevoir indemnisation ;

Considérant, en troisième lieu, que la société Toffolutti demande indemnisation de l'augmentation des coûts fixes de production d'enrobés par la centrale dont elle est propriétaire, à raison et à la mesure de l'insuffisance de commande au titre des deux marchés litigieux ; que l'incertitude d'exécution, dans laquelle a été tenue la société en raison de la carence du département à lui notifier le programme prévisionnel annuel prévu par l'article V.1 du cahier des clauses techniques particulières, a contraint l'entreprise à réserver les quantités minimales nécessaires à la mise en oeuvre des marchés, afin de pouvoir répondre à d'éventuels bons de commande dans le délai contractuel d'un mois prévu par l'article V.1.1 du CCTP ; que la société Toffolutti n'a donc pu amortir, dans cette mesure, les coûts de production des enrobés par l'exécution simultanée d'autres marchés ; qu'il résulte de l'instruction que l'insuffisance de commande a entraîné une baisse de production commerciale d'enrobés et, par voie de conséquence, une diminution de la couverture des coûts fixes de la centrale d'enrobés pour un montant global de 67 050 euros, dont la société Toffolutti doit en recevoir indemnisation ;

Considérant, en dernier lieu, que la société Toffolutti demande indemnisation de l'immobilisation des matériels nécessaires à la mise en oeuvre des enrobés à raison et à la mesure de l'insuffisance de commande au titre des deux marchés litigieux, pour un montant total de 49 910 euros ; que la société, à qui il revient d'établir son préjudice, se borne à faire état, à titre d'exemple, de la sous utilisation, durant les années d'exécution des marchés litigieux, de ses 4 puis 5 engins dénommés " finisseurs " ; que l'impossibilité absolue d'affecter les matériels à d'autres chantiers n'est pas établie par la société Toffolutti ; que, par suite, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME est fondé, sur ce point, à soutenir que la société Toffolutti ne peut en recevoir indemnisation et à demander la réformation du jugement attaqué, dans cette mesure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnisation de la société Toffolutti résultant de l'insuffisance des commandes passées par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME dans l'exécution des deux marchés en litige doit être ramenée à la somme de 233 157,72 euros, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 3 août 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Toffolutti, doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions susmentionnées du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME a été condamné à verser à la société Toffolutti est ramenée du montant de 338 548,99 euros (TTC) au montant de 233 157,72 euros (HT). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 3 août 2007.

Article 2 : Le jugement nos 0800167-0800168 du 21 octobre 2010 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Toffolutti sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME et à la société Toffolutti.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

''

''

''

''

2

N°10DA01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA01660
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Olivier Gaspon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP EMO HEBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-03-13;10da01660 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award