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13/03/2012 | FRANCE | N°10DA00867

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 13 mars 2012, 10DA00867


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 juillet 2010 et régularisée par la production de l'original le 19 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SAS SERAPID FRANCE, dont le siège social est situé 435 route de Dieppe à Londinières (76600), par le cabinet Plantrou de la Brunière et associés, société d'avocats ; la SAS SERAPID FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801456 du 11 mai 2010 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des coti

sations supplémentaires de retenue à la source et d'impôt sur les sociétés ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 juillet 2010 et régularisée par la production de l'original le 19 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SAS SERAPID FRANCE, dont le siège social est situé 435 route de Dieppe à Londinières (76600), par le cabinet Plantrou de la Brunière et associés, société d'avocats ; la SAS SERAPID FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801456 du 11 mai 2010 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source et d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices qu'elle a clos en 2003 et 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais qu'elle a exposés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la France et les Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 31 août 1994 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

Considérant que la SAS SERAPID FRANCE, qui exploite une entreprise de fabrication de matériels industriels de levage et de poussée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices qu'elle a clos en 2003 et 2004 à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires de retenue à la source lui ont été réclamées, en application de l'article 119 bis du code général des impôts ; que d'autres redressements se sont traduits par des suppléments d'impôt sur les sociétés mis en recouvrement au nom de la société Lounis Holding, société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartient la SAS SERAPID FRANCE ; que cette dernière forme appel du jugement du 11 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les cotisations de retenue à la source en litige à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et avoir prononcé la décharge de ces cotisations rappelées au titre de jetons de présence attribués à ses administrateurs, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source demeurant en litige et d'impôt sur les sociétés procédant de la remise en cause d'écritures de stocks ; que le ministre intimé forme un recours incident contre le même jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations de retenue à la source au titre des jetons de présence ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

Considérant que la société Lounis Holding, qui s'est constituée redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et ses filiales détenues à plus de 95 %, en vertu de l'article 223 A du code général des impôts, a seule qualité pour contester les suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2003 et 2004 procédant de la remise en cause des écritures de stocks passées par la SAS SERAPID FRANCE, incluse dans le périmètre du groupe intégré ; que, par suite, le ministre intimé est fondé à soutenir, qu'en l'absence de mise en recouvrement au nom de la SAS SERAPID FRANCE, celle-ci ne peut utilement contester le bien-fondé des corrections apportées par le vérificateur à ses écritures de stocks et de provisions pour dépréciation de stocks ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. " ;

Considérant que, si l'administration n'est pas en mesure de produire l'avis de réception postal du pli contenant l'avis de vérification du 21 décembre 2005 envoyé à la SAS SERAPID FRANCE mentionnant que le vérificateur se présenterait le 6 janvier 2006 à 10 h 30, elle produit une attestation postale, datée du 17 janvier 2006, indiquant que l'objet recommandé n° RA217946938FR a été distribué le 22 décembre 2005 ; que les mentions de cette attestation postale du 17 janvier 2006, il est vrai non signée, concordent avec celles d'une seconde attestation du 7 décembre 2007, signée cette fois d'un agent identifiable du centre de distribution de Saint-Nicolas-d'Aliermont, par laquelle la Poste confirme expressément la précédente attestation et précise que la même lettre mentionnant l'adresse de la SAS SERAPID FRANCE lui a bien été distribuée le 22 décembre 2005 ; que la société requérante, qui n'a élevé aucune objection lorsque le vérificateur s'est présenté dans ses locaux le 6 janvier 2006, n'établit pas que le pli distribué le 22 décembre 2005 ne contenait pas l'avis de vérification ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité a été engagée sans l'envoi préalable de l'avis de vérification, prévu par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, n'est pas fondé ;

Considérant, en second lieu, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des énonciations des paragraphes nos 21 et 28 de la documentation administrative n° 13 L-1513 du 1er juillet 2002, qui soulignent notamment que l'attestation de la Poste certifie que le pli a bien été délivré et qu'une signature figure sur la fiche de distribution, dès lors que la doctrine invoquée, relative à la procédure d'imposition, ne contient pas d'interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1°) Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; que le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable prévoit que les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ;

Considérant que, jusqu'à la création de la société de droit britannique Serapid Limited le 11 décembre 2004, la SAS SERAPID FRANCE écoulait ses produits sur le marché britannique en recourant aux services de M. A, ressortissant britannique, moyennant le versement de commissions calculées sur un pourcentage des commandes passées ; que, dans la perspective du départ à la retraite de ce représentant, la SAS SERAPID FRANCE a convenu avec ce dernier, par un contrat conclu le 11 décembre 2001, d'organiser la reprise par la société française de son portefeuille de clients ; qu'il résulte des stipulations mêmes de cette convention, en particulier des clauses mettant M. A dans l'obligation de transmettre à son successeur la liste complète des clients actuels ou potentiels de la SAS SERAPID FRANCE au Royaume-Uni, ainsi que des clauses prévoyant le versement à M. A d'une indemnité calculée sur un pourcentage de son chiffre d'affaires moyen, que la société requérante a consenti au rachat de la clientèle démarchée par M. A ; que, contrairement à ce que soutient la SAS SERAPID FRANCE, elle ne s'est pas bornée à verser à M. A, qui n'était pas son salarié, une indemnité de départ à la retraite ; qu'en ayant omis de refacturer à la société Serapid Limited le montant non contesté de 91 302 euros, versé à titre d'indemnité à M. A, la SAS SERAPID FRANCE a ainsi apporté, sans contrepartie financière, un portefeuille de clients à la société Serapid Limited, laquelle lui est juridiquement étrangère ; que cette renonciation à un profit constitue, en principe, un acte anormal de gestion ; que, si la SAS SERAPID FRANCE soutient que l'intérêt propre qu'elle retirait de cette opération consistait, non seulement à conserver ses débouchés commerciaux en Grande-Bretagne, mais à développer ses affaires dans ce secteur géographique, elle ne l'établit pas en se bornant à produire, d'une part, un tableau qui fait état d'une diminution de son chiffre d'affaires réalisé dans ce secteur géographique et même d'une diminution de la fraction de son chiffre d'affaires global réalisé en Grande-Bretagne au titre des années 2003 à 2005 et, d'autre part, un graphique faisant état de l'évolution de son chiffre d'affaires global en France et en Europe, sans approche fine du marché britannique ; que, faute pour la société requérante de justifier l'existence d'une contrepartie commerciale réelle et suffisante à l'absence de refacturation, à la société Serapid Limited, de l'indemnité de rachat du droit d'exploiter la clientèle auprès de laquelle M. A assurait la représentation commerciale des produits de la SAS SERAPID FRANCE, le service doit être regardé comme établissant que cet abandon de recettes s'écarte d'une gestion normale ; que, comme le ministre le fait valoir en appel, cette renonciation à profit présente la nature d'un revenu distribué par la SAS SERAPID FRANCE à la société Serapid Limited, au sens des dispositions du 1°) du 1. de l'article 109 du code général des impôts ; que, par suite, l'administration était en droit d'appliquer à la somme de 91 302 euros, distribuée en 2004 à une personne qui n'avait pas son siège en France, la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ;

Sur l'appel incident :

Considérant qu'aux termes de l'article 117 bis du code général des impôts : " Les jetons de présence et toutes autres rémunérations alloués aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes, à quelque titre que ce soit, à l'exclusion des salaires et des redevances de propriété industrielle, donnent lieu à la retenue à la source visée à l'article 119 bis. Toutefois, demeurent assujettis au régime d'imposition des salaires, les émoluments qui sont attribués aux administrateurs ou aux membres du conseil de surveillance exerçant un emploi salarié pour les rétribuer de cet emploi " ;

Considérant, qu'en ayant considéré que les jetons de présence échappent à l'application de la retenue à la source dès lors qu'ils n'atteignent pas des montants exagérés sans vérifier si ces émoluments étaient versés à des administrateurs exerçant ou non un emploi salarié, le tribunal a, comme le fait valoir le ministre intimé, inexactement qualifié la nature des jetons de présence alloués à M. B, président-directeur général de la SAS SERAPID FRANCE ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens relatifs à ce chef de redressement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B n'exerce pas d'emploi salarié, au sens des dispositions précitées de l'article 117 bis du code général des impôts ; que la circonstance que les jetons de présence versés à un dirigeant de société sont assujettis aux cotisations sociales est sans incidence sur la qualification qu'il convient de leur donner pour l'application des dispositions de nature fiscale en litige ; qu'il est constant que M. B, domicilié aux Etats-Unis d'Amérique, n'a pas son domicile fiscal en France, au sens des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ; que la convention franco-américaine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 31 août 1994, notamment son article 16, ne s'oppose pas à l'imposition en France des émoluments en litige, lesquels présentent le caractère de jetons de présence ordinaires passibles de la retenue à la source ; que, par suite, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est fondé à demander le rétablissement des cotisations d'impôt sur le revenu des années 2003 et 2004 dont le jugement attaqué a prononcé la décharge ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

En ce qui concerne les frais de première instance :

Considérant que si, en vertu du présent arrêt, la décharge prononcée en première instance n'est pas justifiée, un dégrèvement a toutefois été prononcé au cours de l'instance devant le tribunal administratif ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'annuler ou de réformer l'article 3 du jugement attaqué condamnant l'Etat à verser à la SAS SERAPID FRANCE une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, le recours incident du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat doit, sur ce point, être rejeté ;

En ce qui concerne les frais d'appel :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SAS SERAPID FRANCE, au surplus non chiffrées, doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS SERAPID FRANCE est rejetée.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires de retenue à la source appliquées au titre des années 2003 et 2004 à raison des jetons de présence versés à M. B par la SAS SERAPID FRANCE sont remises à la charge de cette dernière.

Article 3 : Le jugement n° 0801456 du 11 mai 2010 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SERAPID FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie sera transmise au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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