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08/03/2012 | FRANCE | N°10DA01633

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 08 mars 2012, 10DA01633


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 24 décembre 2010 et confirmé par la production de l'original le 29 décembre 2010, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS ; le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702178 du 19 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé le titre de perception émis le 20 juin 2005 à l'encontre de la société Gan Assurances pour un montant de 170 502 euros en tant qu'il excède 50 000

euros, a condamné l'Etat à verser la somme de 120 502 euros à la soci...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 24 décembre 2010 et confirmé par la production de l'original le 29 décembre 2010, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS ; le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702178 du 19 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé le titre de perception émis le 20 juin 2005 à l'encontre de la société Gan Assurances pour un montant de 170 502 euros en tant qu'il excède 50 000 euros, a condamné l'Etat à verser la somme de 120 502 euros à la société Gan Assurances, cette somme portant intérêt à taux légal à compter du 15 mai 2007 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Gan Assurances devant le tribunal administratif d'Amiens ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;

Vu le décret n° 62-1857 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient l'analyse des conclusions et mémoires (...) "; qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'il ressort des pièces figurant au dossier de première instance que la minute du jugement attaqué, qui comportait dans un document distinct l'analyse de l'ensemble des conclusions et mémoires des parties, a été signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 ainsi que la minute des visas des conclusions et mémoires ; que, par suite, le jugement n'est pas, pour ce motif, entaché d'irrégularité ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré d'une omission à statuer doit être écarté dès lors qu'il n'est pas assorti des précisions suffisantes qui permettent d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'après avoir, dans ses motifs, laissé à la charge de l'Etat le tiers des dommages réparables, le tribunal administratif d'Amiens a, dans son dispositif, mis à la charge de l'Etat une somme supérieure à ce taux ; que son jugement est, par suite et dans la mesure où il statue sur le préjudice, entaché d'une contrariété entre ses motifs et son dispositif ; que, par conséquent, le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de ce jugement ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer, dans la même mesure, et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Gan Assurances au tribunal administratif ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que, si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; qu'elle relève par suite, comme l'action en garantie exercée, le cas échéant, par l'auteur du dommage contre son assureur, de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que le contrat d'assurance qui a été passé entre la ville de Laon et son assureur, a été, du fait de son renouvellement, soumis aux dispositions du code des marchés publics par l'article 1er du décret du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics ; que l'action directe exercée par l'Etat contre la société Gan Assurances, qui n'a pas été portée devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001, relève, par suite, de la compétence de la juridiction administrative ;

Sur la régularité du titre de perception :

Considérant, d'une part, qu'en vertu du premier alinéa de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique, tout ordre de recettes émis pour le recouvrement des créances de l'Etat " doit indiquer les bases de la liquidation " ; qu'en vertu de ces dispositions, l'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le titre de recette en litige émis le 20 juin 2005 par le directeur régional du commissariat de l'armée de terre de la région Terre Nord-Est mentionne la décision du 6 avril 2005 de ce directeur ; que cette décision indique que " le GAN Assurances (...) et son assurée, la ville de LAON, sont invités à verser au Trésor Public, obligation in solidum, la somme de 170 502,28 euros, montant du préjudice subi par l'Etat (Département de la défense) à la suite des dégâts des eaux survenus les 11/05, 03/06 et 02/07/2000 à Vaux-sous-Laon au cours desquels des dommages ont été occasionnés à la caserne domaniale de la gendarmerie de Vaux-sous-Laon ainsi qu'à divers matériels et dont la ville de Laon est responsable (...) Le détail de la créance de l'Etat est donné en annexe " ; que cette annexe détaille cette somme de 170 502 euros selon la nature et le montant des matériels endommagés ; que le titre de perception, comme cette décision du 6 avril 2005 ainsi que son annexe, ont été notifiés à la société Gan Assurances par lettre du 24 juin 2005 du trésorier-payeur général de la Moselle ; qu'ainsi, ce titre de perception qui permettait, nonobstant la circonstance que le décompte contenu dans l'annexe n'était ni daté ni signé, à la société Gan Assurances de connaître l'objet et les bases de liquidation de la créance de l'Etat, répond aux exigences des dispositions précitées ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 83 dudit décret du 29 décembre 1962 : " Les ordres de recettes sont notifiés aux redevables, conformément aux instructions du ministre des finances, soit par les ordonnateurs, soit par les comptables " ; qu'en cas d'action directe, l'assureur doit être regardé comme le redevable pour la mise en oeuvre de ces dispositions ; que, par suite, la société Gan Assurances n'est pas fondée à soutenir que le titre de recettes ne pouvait lui être adressé ;

Sur la responsabilité :

Considérant que la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; que la victime doit, toutefois, apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent, en outre, présenter un caractère anormal et spécial ;

Considérant que les immeubles de la caserne de la gendarmerie de Vaux-sous-Laon sont implantés dans une cuvette au pied de ville haute de Laon ; qu'il résulte du rapport établi par l'expert de l'assurance, mais dont les constatations ne sont pas contestées, qu'ils se situent au point de passage des eaux collectées, avant leur évacuation vers la station d'épuration, par une grande partie du réseau d'assainissement de la commune de Laon ; qu'à la suite d'épisodes orageux des 11 mai, 3 juin et 2 juillet 2000, le réseau d'assainissement de la commune de Laon, qui souffre d'un sous-dimensionnement chronique, a connu des débordements qui sont la cause de l'inondation des locaux de la gendarmerie ; que, si les précipitations particulièrement abondantes intervenues le 11 mai 2000 présentent un caractère exceptionnel lié à une fréquence de retour supérieure à cent ans, elles ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme un cas de force majeure ; que, par suite, les conséquences dommageables liées à ces inondations subies par l'Etat, tiers par rapport au réseau d'assainissement communal, sont imputables à la commune de Laon ; que, dès lors, la société Gan Assurances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé la responsabilité de la commune de Laon engagée à l'égard de l'Etat à raison du préjudice anormal et spécial que lui ont causé l'existence et les déficiences de ces ouvrages publics dont la commune de Laon a la garde ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction que les locaux de la caserne de gendarmerie de Vaux-sous-Laon sont inondés de façon récurrente tous les un à deux ans depuis leur construction au début des années 60 lors de fortes précipitations qui entraînent des débordements du réseau d'assainissement de la commune de Laon ; que l'expert a relevé qu'aucune mesure appropriée n'a été prise par l'Etat pour prévenir ces inondations récurrentes ; qu'alors même que le défaut d'entretien des ouvrages de la gendarmerie n'aurait pas contribué à l'aggravation des dommages, l'Etat a commis une faute en s'abstenant de prendre toutes les précautions requises pour éviter d'entreposer dans les sous-sols de la gendarmerie exposés aux inondations des matériels sensibles ;

Considérant que, compte tenu des circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à l'Etat en la limitant au quart des conséquences dommageables supportées par la commune de Laon ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des factures produites par le ministre, que le montant des dommages doit être fixé à la somme non sérieusement contestée de 170 502 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu ci-dessus, il y a lieu de fixer à 127 876,50 euros l'indemnité due par la commune de Laon à l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le titre de perception est dépourvu de fondement en tant qu'il excède la somme de 127 876,50 euros ; qu'il y a lieu de l'annuler dans cette seule mesure et de condamner l'Etat à en rembourser le surplus assorti des intérêts au taux légal courant à compter du 15 mai 2007, date de réception de la réclamation préalable ;

Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Gan Assurances d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 octobre 2010 sont annulés.

Article 2 : Le titre de perception émis le 20 juin 2005 à l'encontre de la société Gan Assurances pour un montant de 170 502 euros est annulé en tant qu'il excède 127 876,50 euros.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser la somme de 42 625,50 euros à la société Gan Assurances. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 15 mai 2007.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Gan Assurances au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS et à la société Gan Assurances.

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